Stim y SAMI

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:4
Date15 January 2020
Celex Number62018CC0753
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 15 janvier 2020 (1)

Affaire C753/18

Föreningen Svenska Tonsättares Internationella Musikbyrå u.p.a. (Stim),

Svenska artisters och musikers intresseorganisation ek. för. (SAMI)

contre

Fleetmanager Sweden AB,

Nordisk Biluthyrning AB

[demande de décision préjudicielle formée par le Högsta domstolen (Cour suprême, Suède)]

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29/CEArticle 3, paragraphe 1 – Directive 2006/115/CE – Article 8, paragraphe 2 – Notion de “communication au public” – Société de location de voitures ayant chacune une radio comme équipement standard »






Introduction

1. Peu de questions en droit de l’Union ont donné lieu à autant de décisions de la Cour en si peu de temps que celle de l’interprétation de la notion de « droit de communication au public en droit d’auteur » (2). Cette jurisprudence abondante, mais nécessairement fragmentée, s’est même vue qualifiée de « labyrinthe » et la Cour elle‑même de « Thésée » (3).

2. Si la présente affaire ne se prête pas à une systématisation complète de cette jurisprudence (4), elle donne à la Cour l’opportunité de poser quelques principes généraux permettant de délimiter avec plus de précision ce qui relève du droit de la communication au public et ce qui n’en relève pas. Plus précisément, la présente affaire concerne en particulier l’élément crucial d’une communication au public, à savoir l’acte de communication.

Le cadre juridique

3. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (5) dispose :

« Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. »

4. En vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (6) :

« Les États membres prévoient un droit pour assurer qu’une rémunération équitable et unique est versée par l’utilisateur lorsqu’un phonogramme publié à des fins de commerce, ou une reproduction de ce phonogramme, est utilisé pour une radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques ou pour une communication quelconque au public, et pour assurer que cette rémunération est partagée entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes concernés. Ils peuvent, faute d’accord entre les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes, déterminer les conditions de la répartition entre eux de cette rémunération. »

5. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 ont été transposés en droit suédois, respectivement, à l’article 2, troisième alinéa, point 1, et à l’article 47, de la upphovrättslagen (1960 :279) (loi nº 279 de 1960 sur le droit d’auteur).

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

6. Föreningen Svenska Tonsättares Internationella Musikbyrå (Stim) u.p.a. (organisation suédoise de gestion des droits des compositeurs d’œuvres musicales et de leurs éditeurs, ci‑après « Stim ») et Svenska artisters och musikers intresseorganisation ek. för. (organisation suédoise de gestion des droits voisins des artistes interprètes ou exécutants, ci‑après « SAMI ») sont des organisations suédoises de gestion collective des droits d’auteur et droits voisins.

7. Fleetmanager Sweden AB (ci‑après « Fleetmanager ») et Nordisk Biluthyrning AB (ci‑après « NB ») sont des sociétés de location de véhicules établies en Suède. Elles proposent, directement ou par le biais d’intermédiaires, des véhicules équipés de postes de radio en location pour des périodes n’excédant pas 29 jours, ce qui est considéré comme location de courte durée.

8. Dans le premier des deux litiges dans le cadre desquels les questions préjudicielles de la présente affaire ont été posées, Stim a assigné Fleetmanager à lui verser la somme de 369 450 couronnes suédoises (SEK) (environ 34 500 euros), majorée d’intérêts, du fait de sa contribution à ce que, sans l’autorisation de Stim, des tiers avaient mis des œuvres musicales à la disposition du public, au sens du droit d’auteur, en mettant à la disposition du public des véhicules équipés de postes de radio pour des locations de courte durée.

9. Le tingsrätt (tribunal de première instance, Suède) a constaté que la location de véhicules équipés de poste de radio constituait une communication au public au sens de la loi nº 279 de 1960 sur le droit d’auteur et qu’une indemnisation était en principe fondée. Il a cependant également constaté que Fleetmanager n’avait pas participé à ces atteintes au droit d’auteur, de sorte que le recours de Stim a été rejeté. Ce jugement a été confirmé en appel. Stim s’est pourvu contre cette décision devant le Högsta domstolen (Cour suprême, Suède).

10. Dans le second litige, NB a saisi le Patent- och marknadsdomstolen (tribunal de la propriété intellectuelle et des affaires économiques, Suède) d’un recours demandant à ce qu’il soit jugé qu’elle n’était pas tenue de verser des redevances à SAMI pour l’utilisation d’enregistrements sonores entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2016 du fait que les véhicules loués à des particuliers et à des entrepreneurs étaient équipés de poste de radio et de lecteur de CD.

11. Le Patent- och marknadsdomstolen (tribunal de la propriété intellectuelle et des affaires économiques) a constaté que la loi nº 279 de 1960 sur le droit d’auteur devait être interprétée dans un sens conforme à la directive 2001/29 et que, suivant la jurisprudence de la Cour, l’utilisation pertinente visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 correspondait à une « communication au public » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29. Il a également constaté qu’en mettant à disposition des postes de radio dans les véhicules de location, NB rendait les enregistrements sonores audibles pour les locataires desdits véhicules et qu’il était donc question d’une « communication ». En outre, ce tribunal a estimé que les autres critères de la « communication au public » étaient également réunis. Sur la base des éléments de preuve soumis par SAMI, il a été constaté que les onze véhicules appartenant à la requérante avaient été loués en moyenne 528 fois par an. Le Patent- och marknadsdomstolen (tribunal de la propriété intellectuelle et des affaires économiques) en a conclu que NB devait indemniser SAMI et a rejeté son recours. Cette décision a en revanche été infirmée en appel par le Patent- och marknadsöverdomstolen (Cour d’appel de la propriété intellectuelle et des affaires économiques, Suède). SAMI s’est pourvu contre l’arrêt de ce dernier devant le Högsta domstolen (Cour suprême).

12. C’est dans ces conditions que le Högsta domstolen (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La location de véhicules équipés de série de postes de radio a‑t‑elle pour effet que le loueur desdits véhicules est un utilisateur procédant à une “communication au public”, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, respectivement à une “communication au public” au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 ?

2) L’importance de l’activité de location de véhicules ainsi que la durée des locations peuvent-ils avoir une incidence ? »

13. La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 30 novembre 2018. Des observations écrites ont été déposées par les parties au principal ainsi que par la Commission européenne. Les mêmes parties ont été représentées à l’audience du 6 novembre 2019.

Analyse

Sur la première question préjudicielle

14. Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance si la location de véhicules équipés de postes de radio constitue une communication au public au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 et de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115.

15. À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, le terme « communication au public » utilisé dans les deux dispositions susvisées doit être interprété comme ayant la même signification (7). Ainsi, la réponse que donnera la Cour dans la présente affaire aura la même portée dans le cadre des deux directives susmentionnées, nonobstant les éventuelles divergences terminologiques dans leurs différentes versions linguistiques, notamment la version en langue suédoise.

16. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 confère aux auteurs le droit de nature préventive d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres. Les auteurs sont ainsi en mesure, notamment, de tirer des revenus de l’exploitation de leurs œuvres sous forme de la communication au public.

17. L’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115 ne confère pas un droit exclusif analogue. En revanche, cette disposition assure aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes une rémunération équitable dans le cas où un phonogramme est communiqué au public.

18. Ni la directive 2001/29 ni la directive 2006/115 ne donnent une définition légale de la notion de « communication au public ». Certaines précisions en ce qui concerne le sens à...

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