Oscar Orlando Arango Jaramillo and Others v European Investment Bank (EIB).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:733
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑334/12
Date21 November 2012
Celex Number62012CP0334
Procedure TypeRecurso de funcionarios
62012CP0334

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentée le 21 novembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑334/12 RX-II

Oscar Orlando Arango Jaramillo e.a.

contre

Banque européenne d’investissement (BEI)

«Réexamen de l’arrêt T‑234/11 P — Recevabilité d’un recours en annulation — Délai raisonnable — Interprétation — Obligation pour le juge de tenir compte des circonstances du cas d’espèce — Délai de forclusion — Recours juridictionnel effectif — Article 47 de la charte des droits fondamentaux — Atteinte à l’unité ou à la cohérence du droit de l’Union»

I – Introduction

1.

Par sa décision du 12 juillet 2012 ( 2 ), la Cour a décidé qu’il y a lieu de procéder au réexamen de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne (chambre des pourvois) du 19 juin 2012, Arango Jaramillo e.a./BEI ( 3 ). Il s’agit de la seconde fois que la Cour décide, à la suite de la proposition faite par son premier avocat général, d’enclencher la procédure de réexamen ( 4 ).

2.

Aux termes de la décision du 12 juillet 2012, la Cour a identifié deux questions précises à examiner.

3.

Il s’agit, d’une part, de vérifier si le Tribunal, en tant que juridiction de pourvoi, a correctement interprété la notion de délai raisonnable, dans le contexte de l’introduction d’un recours en annulation par des agents de la Banque européenne d’investissement (BEI) à l’encontre d’un acte émanant de cette dernière qui leur fait grief, comme un délai dont le dépassement emporte le caractère tardif et, partant, l’irrecevabilité du recours, sans que le juge de l’Union ait à tenir compte des circonstances particulières du cas d’espèce.

4.

D’autre part, il y a lieu d’examiner si l’interprétation retenue par le Tribunal de la notion de «délai raisonnable» n’est pas de nature à porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

5.

Dans l’hypothèse où les constatations opérées par le Tribunal seraient entachées d’une erreur de droit, la décision du 12 juillet 2012 invite à vérifier si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, l’arrêt du 19 juin 2012 porte atteinte à l’unité ou la cohérence du droit de l’Union, au sens de l’article 256, paragraphe 2, TFUE et de l’article 62 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

6.

Avant de procéder à l’examen de ces questions, il importe de rappeler brièvement que la décision de réexaminer l’arrêt du 19 juin 2012 a été adoptée dans le contexte du rejet, d’abord en première instance par le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne ( 5 ) (ci-après le «TFP»), confirmé ensuite sur pourvoi par ledit arrêt , du recours en annulation introduit par un groupe d’agents de la BEI à l’encontre de leurs bulletins de salaire respectifs, pour cause de tardiveté, ce recours ayant été introduit dans un délai de trois mois, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours, et quelques secondes.

7.

En l’absence de toute disposition fixant les délais de recours applicables aux litiges entre la BEI et ses agents, le Tribunal, tout comme avant lui le TFP dans l’ordonnance qui lui avait été déférée, a, dans un premier temps de son raisonnement, rappelé la jurisprudence subordonnant l’introduction de tels recours au respect d’un délai raisonnable, lequel doit être apprécié en fonction des circonstances de chaque espèce ( 6 ).

8.

Estimant néanmoins, au point 26 de son arrêt du 19 juin 2012, que le délai de trois mois prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut des fonctionnaires») offre «un point de comparaison pertinent» aux recours en annulation introduits par les agents de la BEI à l’encontre des actes de cette dernière, le Tribunal a jugé, au point 27 du même arrêt et en se fondant sur certaines de ses décisions précédentes ( 7 ), que le respect d’un tel délai doit en principe être considéré comme raisonnable.

9.

Toujours au point 27 de son arrêt du 19 juin 2012, rappelé au point 9 de la décision du 12 juillet 2012, le Tribunal a tiré de ces décisions la conséquence «a contrario […] que tout recours introduit par un agent de la BEI après l’expiration d’un délai de trois mois, augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours, doit, en principe, être considéré comme ayant été introduit dans un délai non raisonnable […]». Cette interprétation a contrario, poursuit le Tribunal, étant admissible «dès lors que seule une application stricte des règles de procédure fixant un délai de forclusion permet de répondre à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice».

10.

Le Tribunal a ensuite rejeté tour à tour les griefs exposés par les demandeurs au pourvoi.

11.

C’est ainsi que, au point 30 de son arrêt du 19 juin 2012, le Tribunal a considéré comme étant non fondée la critique des demandeurs au pourvoi, selon laquelle le TFP aurait substitué à la nature flexible et ouverte à la mise en balance concrète des intérêts en jeu du respect du délai raisonnable le caractère strict et généralisé du respect d’un délai fixe de trois mois, au motif que le TFP s’est borné à appliquer «une règle de droit […] qui découle clairement et précisément d’une lecture a contrario de la jurisprudence [citée au point 27 de l’arrêt]». Cette règle, selon le Tribunal, fait une application spécifique du respect du délai raisonnable aux litiges entre la BEI et ses agents, qui présentent de larges similitudes avec le contentieux qui concerne les fonctionnaires et agents des Communautés européennes, et «[e]n outre, repose sur une présomption générale selon laquelle le délai de trois mois est, en principe, suffisant pour permettre aux agents de la BEI d’évaluer la légalité des actes de cette dernière leur faisant grief et pour préparer, le cas échéant, leurs recours», sans qu’elle «[...] impose […] au juge de l’Union chargé de l’appliquer de tenir compte des circonstances de chaque espèce et, notamment, de procéder à une mise en balance concrète des intérêts en jeu».

12.

Le Tribunal a développé un raisonnement identique aux points 34 et 35 de l’arrêt du 19 juin 2012 sous réexamen pour rejeter la prise en compte de certaines circonstances du cas d’espèce invoqués par les demandeurs au pourvoi, au motif que l’application de la règle de droit exposée au point 27 de son arrêt repose «sur la mise en œuvre d’une présomption générale» qui «n’impose pas au juge de l’Union de tenir compte des circonstances particulières au cas d’espèce».

13.

Comme le relève également le point 11 de la décision du 12 juillet 2012, le Tribunal a encore rappelé, au point 39 de son arrêt du 19 juin 2012, que «l’application stricte de règles de procédure fixant un délai de forclusion» répond, en particulier, à l’exigence de sécurité juridique, afin d’écarter le grief des demandeurs au pourvoi tiré de la violation du principe de proportionnalité et du droit à une protection juridictionnelle effective, ces derniers étant, notamment, pleinement conscients de l’existence de la règle (découlant clairement et précisément d’une lecture a contrario de la jurisprudence) et de ses effets sur la recevabilité de leur recours.

14.

Dans le cadre de la procédure de réexamen, les parties intéressées visées à l’article 23 du statut de la Cour de justice ont été invitées à déposer des observations écrites sur les questions identifiées dans la décision du 12 juillet 2012. Des observations écrites ont été déposées par les demandeurs au pourvoi devant le Tribunal, la BEI, le gouvernement portugais ainsi que la Commission européenne.

15.

À la suite de l’entrée en vigueur du nouveau règlement de procédure de la Cour, le 1er novembre 2012 ( 8 ), l’affaire a été confiée à la chambre de réexamen désignée conformément à l’article 191 dudit règlement de procédure.

II – Sur les erreurs de droit entachant l’arrêt du 19 juin 2012

A – Sur l’interprétation de la notion de délai raisonnable détachée de toute considération des circonstances propres de chaque espèce

16.

Tandis que les demandeurs au pourvoi estiment que le Tribunal a méconnu le principe selon lequel un délai raisonnable doit prendre en considération les circonstances propres à chaque espèce, la BEI, le gouvernement portugais ainsi que la Commission soutiennent une position opposée.

17.

De ces trois parties intéressées, il peut être relevé, non sans intérêt, que c’est la Commission qui paraît développer l’argumentation la plus rigide dans le sens où elle tend en réalité à remettre en cause la prémisse même de l’objet du premier motif de réexamen indiqué dans la décision du 12 juillet 2012. En effet, en soutenant que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation des agents de la BEI à l’encontre d’un acte de cette dernière doit, essentiellement pour des motifs de sécurité juridique, obligatoirement être de nature impérative ( 9 ) ou, en d’autres termes, doit constituer un «délai strict de forclusion» ( 10 ), comme l’aurait retenu le Tribunal non sans quelques ambiguïtés, la Commission considère qu’il n’est pas indispensable de se prononcer sur le point de savoir si la notion de «délai raisonnable» peut être interprétée, comme l’a retenu le Tribunal dans l’arrêt du 19 juin 2012, sans prise en considération des circonstances propres à chaque cas d’espèce, puisqu’il n’aurait pas examiné une telle situation ( 11 ).

18.

À cet égard, la Commission fait en substance observer que la jurisprudence mentionnée au point 15 de la décision du 12 juillet 2012 se rapporte...

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