WS v Intervyuirasht organ na Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2024:47
Date16 January 2024
Docket NumberC-621/21
Celex Number62021CJ0621
CourtCourt of Justice (European Union)
62021CJ0621

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 janvier 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politique commune en matière d’asile – Directive 2011/95/UE – Conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié – Article 2, sous d) – Motifs de la persécution – “Appartenance à un certain groupe social” – Article 10, paragraphe 1, sous d) – Actes de persécution – Article 9, paragraphes 1 et 2 – Lien entre les motifs et les actes de persécution, ou entre les motifs de persécution et l’absence de protection contre de tels actes – Article 9, paragraphe 3 – Acteurs non étatiques – Article 6, sous c) – Conditions de la protection subsidiaire – Article 2, sous f) – “Atteintes graves” – Article 15, sous a) et b) – Évaluation des demandes de protection internationale aux fins de l’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire – Article 4 – Violence envers les femmes fondée sur le sexe – Violences domestiques – Menace de “crime d’honneur” »

Dans l’affaire C‑621/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de la ville de Sofia, Bulgarie), par décision du 29 septembre 2021, parvenue à la Cour le 6 octobre 2021, dans la procédure

WS

contre

Intervyuirasht organ na Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet,

en présence de :

Predstavitelstvo na Varhovnia komisar na Organizatsiyata na obedinenite natsii za bezhantsite v Bulgaria,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice-président, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, E. Regan, F. Biltgen et N. Piçarra (rapporteur), présidents de chambre, MM. M. Safjan, S. Rodin, P. G. Xuereb, Mme I. Ziemele, MM. J. Passer, D. Gratsias, Mme M. L. Arastey Sahún et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour WS, par Me V. B. Ilareva, advokat,

pour Predstavitelstvo na Varhovnia komisar na Organizatsiyata na obedinenite natsii za bezhantsite v Bulgaria, par Mmes M. Demetriou, J. MacLeod, BL, et Me C. F. Kroes, advocaat,

pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par Mme A.-L. Desjonquères et M. J. Illouz, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme A. Azéma et M. I. Zaloguin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 avril 2023,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du considérant 17, de l’article 6, sous c), de l’article 9, paragraphe 2, sous a) et f), de l’article 9, paragraphe 3, de l’article 10, paragraphe 1, sous d), ainsi que de l’article 15, sous a) et b), de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9).

2

Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant WS à l’Intervyuirasht organ na Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet (service des interrogatoires de l’Agence nationale pour les réfugiés auprès du Conseil des ministres) (ci-après la « DAB ») au sujet d’une décision de rejet d’ouverture d’une procédure d’octroi de protection internationale à la suite d’une demande ultérieure de WS.

Le cadre juridique

Le droit international

La convention de Genève

3

Aux termes de l’article 1er, section A, point 2, de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], entrée en vigueur le 22 avril 1954 et complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après la « convention de Genève »), « [a]ux fins de la présente Convention, le terme “réfugié” s’appliquera à toute personne [q]ui, [...] craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

La CEDEF

4

Aux termes de l’article 1er de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ci-après la « CEDEF »), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1979, entrée en vigueur le 3 septembre 1981 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1249, no I‑20378, p. 13) et à laquelle tous les États membres sont parties, « [a]ux fins de [cette convention], l’expression “discrimination à l’égard des femmes” vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ».

La convention d’Istanbul

5

L’article 2 de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, conclue à Istanbul le 11 mai 2011, signée par l’Union européenne le 13 juin 2017, approuvée au nom de celle-ci par la décision (UE) 2023/1076 du Conseil, du 1er juin 2023 (JO 2023, L 143 I, p. 4) (ci-après la « convention d’Istanbul »), et entrée en vigueur, en ce qui concerne l’Union, le 1er octobre 2023, stipule :

« 1 La présente Convention s’applique à toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, qui affecte les femmes de manière disproportionnée.

2 Les Parties sont encouragées à appliquer la présente Convention à toutes les victimes de violence domestique. Les Parties portent une attention particulière aux femmes victimes de violence fondée sur le genre dans la mise en œuvre des dispositions de la présente Convention.

[...] »

6

L’article 60 de cette convention, intitulé « Demandes d’asile fondées sur le genre », est libellé comme suit :

« 1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre puisse être reconnue comme une forme de persécution au sens de l’article 1er, section A, point 2, de la [convention de Genève] et comme une forme de préjudice grave donnant lieu à une protection complémentaire/subsidiaire.

2 Les Parties veillent à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de la Convention et à ce que les demandeurs d’asile se voient octroyer le statut de réfugié dans les cas où il a été établi que la crainte de persécution est fondée sur l’un ou plusieurs de ces motifs, conformément aux instruments pertinents applicables.

[...] »

Le droit de l’Union

7

Les considérants 4, 10, 12, 17, 29, 30 et 34 de la directive 2011/95 énoncent :

« (4)

La convention de Genève et le protocole y afférent constituent la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés.

[...]

(10)

[...] il convient, à ce stade, de confirmer les principes sur lesquels la directive 2004/83/CE [du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12),] est fondée ainsi que de chercher à rapprocher d’avantage les règles relatives à la reconnaissance et au contenu de la protection internationale sur la base de normes plus élevées.

[...]

(12)

L’objectif principal de la présente directive est, d’une part, d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.

[...]

(17)

Concernant le traitement des personnes relevant du champ d’application de la présente directive, les États membres sont liés par les obligations qui découlent des instruments de droit international auxquels ils sont parties, notamment ceux qui interdisent la discrimination.

[...]

(29)

L’une des conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié au sens de l’article 1er, section A, de la convention de Genève, est l’existence d’un lien de causalité entre les motifs de persécution que sont la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, et les actes de persécution ou l’absence de protection contre de tels actes.

(30)

Il est également nécessaire d’adopter une nouvelle définition commune du motif de persécution que constitue “l’appartenance à un certain groupe social”. Aux fins de la définition d’un certain groupe social, il convient de prendre dûment en considération les...

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