Arrêts nº T-545/13 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, June 30, 2016

Resolution DateJune 30, 2016
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-545/13

Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie - Mesures prises à l’encontre des personnes responsables de détournement de fonds publics et des personnes et entités associées - Gel des fonds - Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques - Inclusion du nom du requérant - Base factuelle insuffisante - Erreur de fait - Erreur de droit - Droit de propriété - Liberté d’entreprise - Proportionnalité - Droits de la défense - Droit à une protection juridictionnelle effective - Obligation de motivation

Dans l’affaire T-545/13,

Fahed Mohamed Sakher Al Matri, demeurant à Doha (Qatar), représenté par Mme M. Lester, barrister, MM. G. Martin, solicitor, et B. Kennelly, barrister,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et I. Gurov, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision 2011/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 28, p. 62), mise en œuvre par la décision d’exécution 2013/409/PESC du Conseil, du 30 juillet 2013 (JO L 204, p. 52), par la décision 2014/49/PESC du Conseil, du 30 janvier 2014 (JO L 28, p. 38), ainsi que par la décision (PESC) 2015/157 du Conseil, du 30 janvier 2015 (JO L 26, p. 29), et, d’autre part, du règlement (UE) n° 101/2011 du Conseil, du 4 février 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 1), mis en œuvre par le règlement d’exécution (UE) n° 735/2013 du Conseil, du 30 juillet 2013 (JO L 204, p. 23), par le règlement d’exécution (UE) n° 81/2014 du Conseil, du 30 janvier 2014 (JO L 28, p. 2), et par le règlement d’exécution (UE) n° 147/2015 du Conseil, du 30 janvier 2015 (JO L 26, p. 3), dans la mesure où ces actes s’appliquent au requérant,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 novembre 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le 31 janvier 2011, à la suite des événements politiques survenus en Tunisie au cours des mois de décembre 2010 et de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne, sur le fondement de l’article 29 TUE, a adopté la décision 2011/72/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 28, p. 62).

2 Les considérants 1 et 2 de la décision 2011/72 indiquent :

(1) Le 31 janvier 2011, le Conseil a réaffirmé à la Tunisie et au peuple tunisien toute sa solidarité et son soutien en faveur des efforts déployés pour établir une démocratie stable, l’État de droit, le pluralisme démocratique et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

(2) Le Conseil a décidé, en outre, d’adopter des mesures restrictives à l’encontre de personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens, qui privent ainsi le peuple tunisien des avantages du développement durable de son économie et de sa société et compromettent l’évolution démocratique du pays.

3 L’article 1er de la décision 2011/72, dans sa version initiale, disposait :

1. Sont gelés tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe.

2. Nuls capitaux ou ressources économiques ne peuvent être mis, directement ou indirectement, à la disposition de personnes physiques ou morales, d’entités ou d’organismes dont la liste figure à l’annexe ou utilisés à leur profit.

3. L’autorité compétente d’un État membre peut autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés ou la mise à disposition de certains capitaux ou ressources économiques, dans les conditions qu’elle juge appropriées, après avoir établi que les fonds ou les ressources économiques concernés sont :

a) nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes dont la liste figure à l’annexe et des membres de leur famille qui sont à leur charge, notamment les dépenses consacrées à l’achat de vivres, au paiement de loyers ou au remboursement de prêts hypothécaires, à l’achat de médicaments et au paiement de frais médicaux, des impôts, des primes d’assurance et de services collectifs ;

b) destinés exclusivement au paiement d’honoraires professionnels raisonnables et au remboursement de dépenses correspondant à la prestation de services juridiques ;

c) destinés exclusivement au paiement de charges ou frais correspondant à la garde ou à la gestion courantes de fonds ou de ressources économiques gelés ; ou

d) nécessaires pour des dépenses extraordinaires […]

4. Par dérogation au paragraphe 1, les autorités compétentes d’un État membre peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies :

a) les fonds ou ressources économiques font l’objet d’une mesure judiciaire, administrative ou arbitrale adoptée avant la date à laquelle la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme visé à l’article 1er, paragraphe 1, a été inscrite sur la liste figurant à l’annexe, ou d’une décision judiciaire, administrative ou arbitrale rendue avant cette date ;

b) les fonds ou ressources économiques seront exclusivement utilisés pour faire droit aux demandes garanties par une telle mesure ou dont la validité a été établie par une telle décision, dans les limites fixées par les lois et règlements régissant les droits des personnes présentant de telles demandes ;

c) la mesure ou la décision n’est pas prise au bénéfice d’une personne, entité ou organisme figurant sur la liste de l’annexe ; et

d) la reconnaissance de la mesure ou de la décision n’est pas contraire à l’ordre public de l’État membre concerné.

[…]

5. Le paragraphe 2 ne s’applique pas au versement, sur les comptes gelés :

a) d’intérêts ou autres rémunérations de ces comptes ; ou

b) de paiements dus au titre de contrats, accords ou obligations antérieurs à la date où ces comptes ont été soumis à la présente décision,

à condition que ces intérêts, autres revenus et paiements continuent d’être soumis au paragraphe 1.

4 La décision 2012/724/PESC du Conseil, du 26 novembre 2012, modifiant la décision 2011/72 (JO L 327 p. 45), a ajouté au paragraphe 5 de l’article 1er de la décision 2011/72, sous c), une disposition selon laquelle sont également exclus de l’application du paragraphe 2 les « paiements dus en vertu de décisions judiciaires, administratives ou arbitrales rendues dans l’Union ou exécutoires dans l’État membre concerné ».

5 L’article 2 de la décision 2011/72 dispose :

1. Le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit la liste qui figure à l’annexe et la modifie.

2. Le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

3. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité concernée.

6 L’article 3, paragraphe 1, de la décision 2011/72 dispose :

L’annexe indique les motifs de l’inscription sur la liste des personnes et entités.

7 L’article 5 de la décision 2011/72 dispose :

La présente décision s’applique pendant une période de douze mois. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints.

8 La liste initialement annexée à la décision 2011/72 mentionnait uniquement le nom de M. Zine el-Abidine Ben Hamda Ben Ali, ancien président de la République tunisienne, et celui de Mme Leïla Bent Mohammed Trabelsi, son épouse.

9 Le 4 février 2011, sur le fondement de l’article 2, paragraphe 1 de la décision 2011/72 et de l’article 31, paragraphe 2, TUE, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2011/79/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO L 31, p. 40). L’article 1er de cette décision d’exécution prévoyait que l’annexe de la décision 2011/72 était remplacée par le texte figurant à l’annexe de ladite décision d’exécution. Cette annexe mentionnait le nom de 48 personnes physiques dont, notamment, à la première et à la deuxième ligne, le nom des deux personnes visées au point 8 ci-dessus et, à la cinquième ligne, le nom du requérant, M. Fahed Mohamed Sakher Al Matri. Toujours à la cinquième ligne de cette annexe, dans la colonne intitulée « Information d’identification », il était indiqué : « Tunisien, né à Tunis le 2 décembre 1981, fils de Naïma BOUTIBA, marié à Nesrine BEN ALI, titulaire de la CNI n° 04682068 » et, dans la colonne intitulée « Motifs » : « Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent. »

10 Le 4 février 2011, le Conseil, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/72, a également adopté le règlement (UE) n° 101/2011, concernant...

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