Arrêts nº T-410/16 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, Cinquième chambre, May 18, 2017

Resolution DateMay 18, 2017
Issuing OrganizationCinquième chambre
Decision NumberT-410/16

Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie - Gel des fonds - Droits de la défense - Droit à une protection juridictionnelle effective - Obligation de motivation - Erreur manifeste d’appréciation - Droit à l’honneur - Droit de propriété - Présomption d’innocence - Restrictions d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union - Proportionnalité

Dans l’affaire T-410/16,

Rami Makhlouf, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me E. Ruchat, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par Mme S. Kyriakopoulou, MM. G. Étienne et A. Vitro, puis par Mme Kyriakopoulou et M. Vitro, puis par Mme Kyriakopoulou et M. J. Bauerschmidt, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, L. Havas et R. Tricot, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision PESC/2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2016, L 141, p. 125), et ses actes subséquents d’exécution, pour autant que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 Le requérant, M. Rami Makhlouf, est un homme d’affaires de nationalité syrienne, assurant notamment la fonction de président de la société Syriatel, principal opérateur de téléphonie mobile en Syrie. Il est également le cousin du président Bashar Al-Assad.

2 Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3 Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe.

4 Outre le nom du requérant, figurent à la ligne 8 du tableau de l’annexe de la décision 2011/273 diverses mentions, dont la date de l’inscription dudit nom sur la liste en cause, en l’occurrence le « 09.05.2011 », la date et le lieu de naissance ainsi que le numéro de passeport du requérant et les motifs suivants : « [h]omme d’affaires syrien ; personne associée à Maher Al-Assad ; finance le régime permettant la répression contre les manifestants ».

5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 août 2011, le requérant a introduit un recours en annulation enregistré sous le numéro T-432/11, à l’encontre de la décision 2011/273 et d’autres actes ultérieurs, dans la mesure où ils le concernaient.

6 Le 31 mai 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/255/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14). Le nom du requérant figure à la ligne 8 du tableau de l’annexe I de ladite décision, avec les motifs suivants : « [h]omme d’affaires syrien ; cousin du président Bashar Al-Assad ; contrôle le fonds d’investissement Al Mashreq, Bena Properties, Cham Holding, Syriatel, Souruh Company et fournit à ce titre financement et soutien au régime ».

7 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2014, soit quelques jours avant la date d’audience prévue, le requérant a informé le Tribunal qu’il se désistait du recours enregistré sous le numéro T-432/11.

8 Par la décision 2014/309/PESC du Conseil, du 28 mai 2014, modifiant la décision 2013/255 (JO 2014, L 160, p. 37), le Conseil a notamment prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2015.

9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2014, le requérant a introduit un recours en annulation enregistré sous le numéro T-593/14, à l’encontre de la décision 2014/309 et de ses actes subséquents, dans la mesure où ces actes le concernaient.

10 Par la décision 2015/837/PESC du Conseil, du 28 mai 2015, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 132, p. 82), le Conseil a notamment prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2016.

11 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 13 juillet 2015, soit la veille de l’audience prévue, le requérant a informé le Tribunal qu’il se désistait de son recours enregistré sous le numéro T-593/14.

12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2015, le requérant a introduit un recours en annulation enregistré sous le numéro T-466/15, à l’encontre de la décision 2015/837 et de ses actes subséquents d’exécution, dans la mesure où ils le concernaient.

13 Par la décision 2015/1836/PESC du Conseil, du 12 octobre 2015, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75), la rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été révisée. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » ainsi que des « membres des familles Assad ou Makhlouf », sauf si des « informations suffisantes indiqu[e]nt qu[e ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ».

14 Par lettre du 18 mars 2016, le Conseil a communiqué au requérant son intention de maintenir son nom inscrit sur la liste en cause et de modifier l’exposé des motifs fondant cette inscription, en lui fournissant le texte de ce nouvel exposé des motifs. Le Conseil a également invité le requérant à fournir ses éventuelles observations avant le 1er avril 2016.

15 Par lettre du 31 mars 2016, le requérant a notamment demandé que son nom soit retiré de la liste en cause et que le Conseil lui transmette, dans l’hypothèse d’un maintien de son nom sur cette liste, l’ensemble des éléments nouveaux à sa charge.

16 Par lettres des 25 et 26 mai 2016, le Conseil a communiqué au requérant une copie des documents et des éléments d’information (portant les références RELEX 422) relatifs au maintien de l’inscription de son nom sur la liste en cause et à la modification de l’exposé des motifs.

17 Par la décision PESC/2016/850 du Conseil, du 27 mai 2016, modifiant la décision 2013/255 (JO 2016, L 141, p. 125, ci-après la « décision attaquée »), le Conseil a prorogé les mesures restrictives en cause jusqu’au 1er juin 2017. Le nom du requérant figure à la ligne 8 du tableau de l’annexe de ladite décision, avec les motifs suivants :

Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et ayant des intérêts dans les secteurs des télécommunications, des services financiers, des transports et de l’immobilier ; il détient des intérêts financiers et/ou occupe des postes d’encadrement et de direction dans la société Syriatel, le principal opérateur de téléphonie mobile en Syrie, et dans le fonds d’investissement Al Mashreq, Bena Properties et Cham Holding. Il fournit financement et soutien au régime syrien par l’intermédiaire de ses intérêts financiers. Il est un membre influent de la famille Makhlouf et entretient des liens étroits avec la famille Assad ; il est un cousin du président Bashar Al-Assad.

18 Par lettre du 30 mai 2016, le Conseil a notifié au requérant une copie de la décision attaquée.

19 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 juin 2016, le requérant a informé le Tribunal qu’il se désistait de son recours enregistré sous le numéro T-466/15.

Procédure et conclusions des parties

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2016, le requérant a introduit le présent recours.

21 Par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal du 21 décembre 2016, la Commission européenne a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

22 Le 23 février 2017, le greffe du Tribunal a signifié aux parties la clôture de la phase écrite de la procédure. Les parties n’ont pas présenté de demande d’audience dans le délai prévu par l’article 106 du règlement de procédure du Tribunal.

23 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée et ses actes subséquents d’exécution, dans la mesure où ils le concernent ;

- condamner le Conseil aux dépens.

24 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours dans son intégralité ;

- condamner le requérant aux dépens ;

- à titre subsidiaire, si la décision attaquée devait être annulée en ce qui concerne le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision attaquée en ce qui le concerne jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu’au rejet de celui-ci.

25 La Commission soutient les conclusions du Conseil et propose au Tribunal, quant à la fixation des frais de procédure, de faire usage de l’article 139, sous a), du règlement de procédure.

En droit

Sur la recevabilité

26 En l’espèce, le requérant demande l’annulation, dans la mesure où ils le concernent, tant de la décision attaquée que de ses actes subséquents d’exécution.

27 À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que le Tribunal ne peut...

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