Arrêts nº T-735/14 of Tribunal General de la Unión Europea, September 13, 2018

Resolution DateSeptember 13, 2018
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-735/14

Politique étrangère et de sécurité commune - Mesures restrictives prises eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine - Inscription puis maintien du nom de la requérante sur la liste des entités auxquelles s’appliquent des mesures restrictives - Obligation de motivation - Base juridique - Accord de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et la Russie - Droit de propriété - Droit d’exercer une activité économique - Proportionnalité

Dans les affaires T-735/14 et T-799/14,

Gazprom Neft PAO, anciennement Gazprom Neft OAO, établie à Saint-Pétersbourg (Russie), représentée par Mes L. Van den Hende, J. Charles, avocats, et Mme S. Cogman, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme S. Boelaert, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mmes C. Brodie et S. Simmons, puis par Mmes Brodie et V. Kaye, puis par Mmes Brodie, C. Crane et M. S. Brandon, et enfin par Mmes Brodie, R. Fadoju et M. Brandon, en qualité d’agents, assistés de MM. G. Facenna, QC, et C. Banner, barrister,

et par

Commission européenne, représentée par MM. L. Havas, T. Scharf et Mme D. Gauci, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de l’article 1er, paragraphe 2, sous b) à d), paragraphes 3 et 4, de l’article 4, de l’article 4 bis, de l’article 7, paragraphe 1, sous a), et de l’annexe III de la décision 2014/512/PESC du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 13), telle que modifiée par la décision 2014/659/PESC du Conseil, du 8 septembre 2014 (JO 2014, L 271, p. 54), et par la décision 2014/872/PESC du Conseil, du 4 décembre 2014 (JO 2014, L 349, p. 58), et, deuxièmement, de l’article 3, de l’article 3 bis, de l’article 4, paragraphes 3 et 4, de l’article 5, paragraphe 2, sous b) à d), paragraphes 3 et 4, de l’article 11, paragraphe 1, sous a), et de l’annexe VI du règlement (UE) no 833/2014 du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 960/2014 du Conseil, du 8 septembre 2014 (JO 2014, L 271, p. 3), et par le règlement (UE) no 1290/2014 du Conseil, du 4 décembre 2014 (JO 2014, L 349, p. 20),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, D. Spielmann et Z. Csehi, juges,

greffier : M. L. Grzegorczyk, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 décembre 2017,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1 La requérante, Gazprom Neft PAO, est une société commerciale de droit russe spécialisée dans l’exploration et la production de pétrole et de gaz, la vente et la distribution de pétrole brut et la production et la vente de produits pétroliers. Son actionnaire majoritaire est Gazprom Joint Stock Company, qui détient directement et indirectement 95,7 % de ses actions. Le gouvernement russe détient directement et indirectement 50,23 % des actions de Gazprom Joint Stock Company.

2 Le 20 février 2014, le Conseil de l’Union européenne a condamné dans les termes les plus fermes le recours à la violence en Ukraine. Il a appelé à l’arrêt immédiat de la violence ainsi qu’au plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales en Ukraine. Le Conseil a également envisagé l’instauration de mesures restrictives à l’encontre des personnes responsables des violations des droits de l’homme, des violences et du recours excessif à la force.

3 Lors d’une réunion extraordinaire qui s’est tenue le 3 mars 2014, le Conseil a condamné les actes d’agression des forces armées russes, qui constituaient une violation manifeste de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ainsi que l’autorisation donnée par le Soviet Federatsii Federal’nogo Sobrania Rossiskoï Federatsii (Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie), le 1er mars 2014, de recourir aux forces armées sur le territoire de l’Ukraine. L’Union européenne a appelé la Fédération de Russie à ramener immédiatement ses forces armées vers leurs lieux de stationnement permanent, conformément à ses obligations internationales.

4 Le 5 mars 2014, le Conseil a adopté des mesures restrictives axées sur le gel et la récupération de fonds détournés appartenant à l’État ukrainien.

5 Le 6 mars 2014, les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union ont entériné les conclusions du Conseil adoptées le 3 mars 2014. Ils ont condamné fermement la violation par la Fédération de Russie, sans qu’il y ait eu provocation, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et ils ont appelé la Fédération de Russie à ramener immédiatement ses forces armées vers leurs lieux de stationnement permanent, conformément aux accords applicables. Les chefs d’État ou de gouvernement de l’Union ont déclaré que toute autre mesure de la Fédération de Russie qui serait de nature à déstabiliser la situation en Ukraine entraînerait d’autres conséquences, d’une portée considérable, pour les relations entre l’Union et ses États membres, d’une part, et la Fédération de Russie, d’autre part, et ce dans un grand nombre de domaines économiques. Ils ont demandé à la Fédération de Russie de permettre un accès immédiat aux observateurs internationaux, soulignant que la solution à la crise en Ukraine devait être fondée sur l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance du pays ainsi que sur le respect rigoureux des normes internationales.

6 Le 16 mars 2014, le parlement de la République autonome de Crimée et le gouvernement local de la ville de Sébastopol, toutes deux subdivisions de l’Ukraine, ont tenu un référendum sur le statut de la Crimée. Dans le cadre de ce référendum, la population de la Crimée était invitée à indiquer si elle souhaitait être rattachée à la Fédération de Russie en qualité de sujet ou si elle souhaitait que soient rétablis la Constitution de 1992 et le statut de la Crimée au sein de l’Ukraine. Le résultat annoncé en République autonome de Crimée indiquait 96,77 % de votes en faveur de l’intégration de la région dans la Fédération de Russie, avec un taux de participation de 83,1 %.

7 Le 17 mars 2014, le Conseil a adopté d’autres conclusions concernant l’Ukraine. Le Conseil a fermement condamné la tenue, le 16 mars 2014 en Crimée, du référendum sur le rattachement à la Fédération de Russie, réalisé selon lui en violation manifeste de la Constitution ukrainienne. Le Conseil a demandé instamment à la Fédération de Russie de prendre des mesures pour apaiser la crise, de ramener immédiatement ses forces aux effectifs et aux bases d’avant la crise, conformément à ses engagements internationaux, d’entamer des discussions directes avec le gouvernement de l’Ukraine et de faire usage de tous les mécanismes internationaux pertinents pour trouver une solution pacifique et négociée, dans le plein respect de ses engagements bilatéraux et multilatéraux de garantir la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. À cet égard, le Conseil a déploré que le Conseil de sécurité des Nations unies n’ait pas été en mesure d’adopter une résolution, en raison d’un veto opposé par la Fédération de Russie. En outre, il a exhorté la Fédération de Russie à ne rien entreprendre pour annexer la Crimée en violation du droit international.

8 Le même jour, le Conseil a adopté, sur la base de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), ainsi que, sur la base de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6), par lesquels il a imposé des restrictions en matière de déplacements ainsi qu’un gel des avoirs visant les personnes responsables d’actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ainsi que les personnes et les entités qui leur étaient associées.

9 Le 17 mars 2014, la Fédération de Russie a reconnu officiellement les résultats du référendum tenu en Crimée le 16 mars 2014. À la suite de ce référendum, le Conseil suprême de Crimée et le conseil municipal de Sébastopol ont proclamé l’indépendance de la Crimée par rapport à l’Ukraine et ont demandé le rattachement à la Fédération de Russie. Le même jour, le président russe a signé un décret reconnaissant la République de Crimée en tant qu’État souverain et indépendant.

10 Le 21 mars 2014, le Conseil européen a rappelé la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union du 6 mars 2014 et a demandé à la Commission européenne et aux États membres de réfléchir à d’éventuelles autres mesures ciblées.

11 Le 23 juin 2014, le Conseil a décidé que l’importation dans l’Union de marchandises originaires de Crimée ou de Sébastopol devait être interdite, à l’exception des marchandises originaires de Crimée ou de Sébastopol pour lesquelles le gouvernement ukrainien avait délivré un certificat d’origine.

12 À la suite de l’accident du 17 juillet 2014 ayant entraîné la destruction, à Donetsk (Ukraine), de l’avion de la Malaysia Airlines affrété pour le vol MH17, le Conseil a demandé à la Commission et au Service européen pour l’action extérieure (SEAE) de finaliser leurs travaux préparatoires sur d’éventuelles mesures ciblées et de présenter, le 24 juillet suivant au plus tard, des propositions de mesures, y compris en ce qui concerne l’accès aux marchés des capitaux, la...

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