Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 3 May 2018.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date03 May 2018
62017CC0051

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 3 mai 2018 ( 1 )

Affaire C‑51/17

OTP Bank Nyrt.,

OTP Faktoring Követeléskezelő Zrt.

contre

Teréz Ilyés,

Emil Kiss

[demande de décision préjudicielle présentée par la Fővárosi Ítélőtábla (cour d’appel régionale de Budapest‑Capitale, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt libellés en devise étrangère – Mesures législatives adoptées par un État membre pour remédier à des clauses contractuelles abusives – Article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE et notion de “rédaction claire et compréhensible” – Article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 et notion de “dispositions législatives ou réglementaires impératives” – Compétence du juge national pour examiner d’office le caractère abusif de clauses contractuelles »

1.

La présente demande de décision préjudicielle émanant de la Fővárosi Ítélőtábla (cour d’appel régionale de Budapest‑Capitale, Hongrie) concerne un nouveau litige ( 2 ) s’inscrivant dans le prolongement de l’arrêt rendu par la Cour le 30 avril 2014 dans l’affaire Kásler et Káslerné Rábai ( 3 ), qui portait sur la compatibilité avec le droit de l’Union de clauses de contrats de crédit conclus par des consommateurs en Hongrie et libellés dans une devise étrangère, à savoir le franc suisse.

2.

Dans cet arrêt, la Cour s’est notamment prononcée sur la signification de l’expression « objet principal du contrat » au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 4 ). Il appartenait ensuite à la Kúria (Cour suprême, Hongrie), la juridiction de renvoi dans cette affaire, d’apprécier si les clauses contractuelles en cause se situaient, en principe, en dehors du champ de protection de la directive 93/13. La Cour a également indiqué à la Kúria (Cour suprême) les critères à appliquer pour déterminer si ces clauses étaient rédigées de façon « claire et compréhensible », exigence qui, toujours en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, permet de faire exception à cette exclusion.

3.

En substance, Mme Teréz Ilyés et M. Emil Kiss, les parties demanderesses en première instance au principal (ci-après les « parties demanderesses ») contestent le régime correctif mis en place par le législateur hongrois à la suite de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Kásler et Káslerné Rábai, ainsi que la décision de la Kúria (Cour suprême) prononcée par la suite, en soutenant que ce régime continue de faire supporter le risque de change aux consommateurs dans des circonstances qui conduisent à une violation des obligations de transparence imposées par la directive 93/13.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 est libellé dans les termes suivants :

« Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont partis, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

5.

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 se lit comme suit :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

6.

L’article 4 de la directive 93/13 dispose :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

7.

L’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13 indique que l’annexe de cette dernière contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Le point 1, sous i), de l’annexe fait référence aux :

« Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[de] constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat ».

8.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

9.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

B. Le droit hongrois

1. Le 1996. évi CXII. törvény a hitelintézetekről és a pénzügyi vállalkozásokról (loi no CXII de 1996 sur les établissements de crédit et les entreprises financières, ci-après le « Hpt. »)

10.

L’article 203 du Hpt. se lit comme suit :

« 1. L’établissement de crédit doit informer ses clients ainsi que ses prospects, de façon claire et compréhensible, des conditions requises en vue de bénéficier des prestations proposées par ledit établissement et des modifications desdites conditions. […]

6. En cas de contrat conclu avec un client de détail qui a pour objet l’octroi d’un prêt en devise ou qui implique une option d’achat sur un bien immeuble, l’établissement de crédit doit expliquer au client le risque auquel il s’expose en raison de l’opération contractuelle et établir au moyen de la signature du client qu’il en a pris connaissance. »

2. La loi DH1

11.

L’article premier, paragraphe 1, du a Kúriának a pénzügyi intézmények fogyasztói kölcsönszerződéseire vonatkozó jogegységi határozatával kapcsolatos egyes kérdések rendezéséről szóló 2014. Evi XXXVIII. törvény [loi no XXXVIII de 2014 relative au règlement de certaines questions liées à la décision rendue par la Kúria (Cour suprême) dans l’intérêt de l’uniformité du droit à propos des contrats de prêt conclus par les établissements financiers avec des consommateurs, ci-après la « loi DH1 »] prévoit ce qui suit :

« La présente loi s’applique aux contrats de prêt conclus avec les consommateurs entre le 1er mai 2004 et la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Aux fins de la présente loi doivent être considérés comme “contrats de prêt conclus avec les consommateurs” les contrats de crédit, de prêt ou de crédit-bail basés sur des devises étrangères [enregistrés en devises étrangères ou octroyés en devises étrangères et remboursés en forint hongrois] ou sur le forint hongrois et conclus entre un établissement financier et un consommateur, si une clause générale ou clause non négociée individuellement au sens de l’article 3, paragraphe 1, ou de l’article 4, paragraphe 1, est intégrée audit contrat. »

12.

Aux termes de l’article 3 de la loi DH1 :

« 1. Dans un contrat de prêt conclu avec un consommateur, est nulle – sauf s’il s’agit d’une condition contractuelle négociée individuellement – la clause en vertu de laquelle l’établissement financier décide que c’est le cours d’achat qui s’applique lors du décaissement des fonds destinés à l’acquisition du bien qui fait l’objet du prêt ou du crédit-bail, alors que c’est le cours de vente qui s’applique pour l’amortissement, ou tout autre taux de change d’un type différent de celui fixé lors du décaissement des fonds.

2. La clause frappée de nullité en vertu du paragraphe 1 est remplacée […] par une disposition visant à l’application du taux de change officiel fixé par la Banque nationale de Hongrie pour la devise correspondante, tant en ce qui concerne le décaissement des fonds que l’amortissement (y compris le paiement des mensualités et de tous coûts, frais et commissions fixés en devise).

[…]

5. L’établissement de crédit doit présenter au consommateur un décompte conforme aux dispositions figurant dans une loi spéciale. »

3. La loi DH3

13.

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du az egyes fogyasztói kölcsönszerződések devizanemének módosulásával és a kamatszabályokkal kapcsolatos kérdések rendezéséről szóló 2014. évi LXXVII. törvény (loi no LXXVII de 2014 relative au règlement de questions liées à la modification de la monnaie dans laquelle sont libellés certains contrats de prêt et aux règles en matière d’intérêts, ci‑après la « loi DH3 ») :

« Le contrat de prêt conclu avec un consommateur est modifié de plein droit, conformément aux dispositions de la présente loi ».

14.

L’article 10 de la loi DH3 énonce :

« Pour un contrat de prêt hypothécaire en devise étrangère ou basé sur une devise étrangère, l’établissement financier créancier est tenu, jusqu’à la date limite pour l’exécution de son obligation de...

To continue reading

Request your trial
4 practice notes
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 20 September 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 20 September 2018
    ...66, and of 6 September 2012, Deutsches Weintor, C‑544/10, EU:C:2012:526, paragraph 47).’ 15 See my Opinion in OTP Bank and OTP Faktoring (C‑51/17, EU:C:2018:303, point 64). The influence of the right to consumer protection is demonstrated by the fact that its absence as an objective in a gi......
  • OTP Bank Nyrt. and OTP Faktoring Követeléskezelő Zrt v Teréz Ilyés and Emil Kiss.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 20 September 2018
    ...de una cláusula — Contrato de préstamo denominado en divisas extranjeras celebrado entre un profesional y un consumidor» En el asunto C‑51/17, que tiene por objeto una petición de decisión prejudicial planteada, con arreglo al artículo 267 TFUE, por el Fővárosi Ítélőtábla (Tribunal Superior......
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 19 December 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 December 2019
    ...Wahl dans l’affaire Sziber (C‑483/16, EU:C:2018:9) ; de l’avocat général Tanchev dans l’affaire OTP Bank et OTP Faktoring (C‑51/17, EU:C:2018:303) ; et de l’avocat général Wahl dans l’affaire Dunai (C‑118/17, 4 Il conviendrait de relever que les définitions du « consommateur » et du « profe......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. H. Saugmandsgaard Øe, presentadas el 30 de enero de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 30 January 2020
    ...2008, p. 160]. Voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Tanchev dans l’affaire OTP Bank et OTP Faktoring (C‑51/17, EU:C:2018:303, point 57 En effet, si le premier alinéa de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 tend à indiquer qu’une clause pré-rédigée doit « t......
4 cases
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 20 September 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 20 September 2018
    ...66, and of 6 September 2012, Deutsches Weintor, C‑544/10, EU:C:2012:526, paragraph 47).’ 15 See my Opinion in OTP Bank and OTP Faktoring (C‑51/17, EU:C:2018:303, point 64). The influence of the right to consumer protection is demonstrated by the fact that its absence as an objective in a gi......
  • OTP Bank Nyrt. and OTP Faktoring Követeléskezelő Zrt v Teréz Ilyés and Emil Kiss.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 20 September 2018
    ...de una cláusula — Contrato de préstamo denominado en divisas extranjeras celebrado entre un profesional y un consumidor» En el asunto C‑51/17, que tiene por objeto una petición de decisión prejudicial planteada, con arreglo al artículo 267 TFUE, por el Fővárosi Ítélőtábla (Tribunal Superior......
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 19 December 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 December 2019
    ...Wahl dans l’affaire Sziber (C‑483/16, EU:C:2018:9) ; de l’avocat général Tanchev dans l’affaire OTP Bank et OTP Faktoring (C‑51/17, EU:C:2018:303) ; et de l’avocat général Wahl dans l’affaire Dunai (C‑118/17, 4 Il conviendrait de relever que les définitions du « consommateur » et du « profe......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. H. Saugmandsgaard Øe, presentadas el 30 de enero de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 30 January 2020
    ...2008, p. 160]. Voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Tanchev dans l’affaire OTP Bank et OTP Faktoring (C‑51/17, EU:C:2018:303, point 57 En effet, si le premier alinéa de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 tend à indiquer qu’une clause pré-rédigée doit « t......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT