Opinion of Advocate General Hogan delivered on 7 May 2020.

JurisdictionEuropean Union
Date07 May 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 7 mai 2020 (1)

Affaire C594/18 P

République d’Autriche

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aides d’État – Aide envisagée par le Royaume‑Uni en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point – Contrat d’écart compensatoire, accord et garantie de crédit du secrétaire d’État – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur –Objet d’intérêt public – Aide à l’investissement – Aide au fonctionnement – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Article 194, paragraphe 2, TFEU – Article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom – Promotion de l’énergie nucléaire – Communication sur les garanties »






I. Introduction

1. La présente affaire peut être décrite comme la partie juridique d’un litige entre les États membres favorables à l’énergie nucléaire et ceux qui y sont opposés. Les deux camps affirment agir pour protéger l’environnement (2). Au cœur du problème, on trouve la question fondamentale de savoir si la construction d’une centrale nucléaire peut faire l’objet d’une aide d’État approuvée par la Commission européenne au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Il s’agit peut-être de la seule question majeure soulevée dans le cadre du présent pourvoi contre l’arrêt du Tribunal rendu le 12 juillet 2018 dans l’affaire Autriche/Commission (3) (ci‑après l’« arrêt attaqué »).

2. Dans cet arrêt, le Tribunal a rejeté un recours en annulation introduit par la République d’Autriche et mettant en cause la validité de la décision (UE) 2015/658 de la Commission, du 8 octobre 2014 (4) (ci‑après la « décision litigieuse »). Cela concerne la fourniture d’un soutien financier du Royaume‑Uni à la construction de la centrale nucléaire de Hinkley Point C située sur la côte sud-ouest de l’Angleterre. Comme on pouvait s’y attendre, les détails de la décision litigieuse et de l’arrêt attaqué sont complexes : le fait même que l’arrêt du Tribunal comporte quelque 736 points parle de lui‑même.

3. Or, comme je l’ai déjà indiqué, la thèse de la République d’Autriche, résolument opposée (à l’instar, dans ce domaine, de plusieurs autres États membres) à la construction de centrales nucléaires, selon laquelle les différents traités régissant l’Union (dont le traité Euratom) excluent expressément ou implicitement l’octroi d’aides à de tels projets par d’autres États membres soutenant l’énergie nucléaire, est au cœur même du présent pourvoi de la République d’Autriche. Pour sa part, le Royaume‑Uni, qui est intervenu au soutien de la décision litigieuse, a fait valoir qu’il était en droit de choisir sa propre politique énergétique, y compris de choisir « entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique », comme le reconnaît l’article 194, paragraphe 2, TFUE.

4. La Cour n’a que rarement eu l’occasion de se prononcer sur l’application correcte de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, une disposition sur laquelle le Tribunal a développé sa jurisprudence au fil des années. Parmi les questions posées dans le cadre du présent pourvoi, la Cour est appelée à se prononcer sur la question de savoir si les aides d’État doivent répondre à des objectifs spécifiques pour être compatibles avec le marché commun conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et, dans l’affirmative, quels sont ces objectifs. Elle aura également l’occasion d’examiner si, dans le cadre de l’appréciation d’aides d’État liées à une activité relevant du traité Euratom, d’autres objectifs de l’Union tels que précisés dans les traités UE et FUE – en l’espèce, la protection de l’environnement – doivent ou non être pris en compte.

II. Cadre juridique

5. L’article 107, paragraphe 3, sous c), l’article 192, paragraphe 2, sous c), et l’article 194, paragraphe 2, TFUE ainsi que l’article 1er, l’article 2, l’article 106 bis, paragraphe 3, et l’article 192, paragraphe 1, du traité Euratom sont les dispositions du droit primaire qui constituent le cadre juridique du présent pourvoi.

6. L’article 1er, sous c), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (5), contient la définition suivante :

« “aide nouvelle” : toute aide, c’est‑à‑dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».

7. L’article 4 du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil (6) se lit comme suit :

« 1. Aux fins de l’article 1er, point c), du règlement (CE) nº 659/1999, on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante.

2. Les modifications suivantes apportées à des aides existantes sont notifiées au moyen du formulaire de notification simplifiée figurant à l’annexe II :

a) augmentations de plus de 20 % du budget d’un régime d’aides autorisé ;

b) prolongation d’un régime d’aides existant autorisé de six ans au maximum, avec ou sans augmentation budgétaire ;

c) renforcement des critères d’application d’un régime d’aides autorisé, réduction de l’intensité d’aide ou réduction des dépenses admissibles.

[…]

3. La procédure de notification simplifiée n’est pas utilisée pour notifier des modifications apportées à des régimes d’aides au sujet desquels les États membres n’ont pas soumis de rapports annuels […] ».

8. Le point 3.2 de la communication de la Commission sur l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État sous forme de garanties (7) (ci‑après la « communication sur les garanties ») est libellé comme suit :

« Dans le cas d’une garantie publique individuelle, la Commission considère que les conditions énoncées aux points a) à d) seront suffisantes pour exclure la présence d’une aide d’État.

a) L’emprunteur n’est pas en difficulté financière.

[…]

b) La portée de la garantie peut être mesurée de façon adéquate lors de son octroi. En d’autres termes, la garantie doit être attachée à une opération financière précise, porter sur un montant maximum déterminé et être limitée dans le temps.

c) La garantie ne couvre pas plus de 80 % du solde restant dû du prêt ou autre obligation financière ; cette limite n’est pas applicable aux garanties couvrant des titres de créance.

[…]

d) La garantie donne lieu au paiement d’une prime conforme au prix du marché.

[…] »

9. Les points 5.1 et 5.2 de la communication sur les garanties disposent :

« 5.1. Généralités

Les garanties de l’État relevant de l’article 87, paragraphe 1, [CE (maintenant l’article 107(1) TFUE)] doivent être examinées par la Commission afin qu’elle détermine si elles sont compatibles ou non avec le marché commun. Elle doit à cet effet connaître le bénéficiaire de l’aide.

5.2. Appréciation

La Commission examinera si cette aide est compatible avec le marché commun selon les règles qui sont appliquées à d’autres formes d’aide. […] »

III. Antécédents du litige

10. Le 22 octobre 2013, le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié des mesures de soutien à l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point, à proximité de deux centrales nucléaires existantes, dénommées Hinkley Point A et Hinkley Point B (ci‑après « Hinkley Point C »). Le bénéficiaire des mesures notifiées est la société NNB Generation Company Limited (ci‑après « NNBG »), une filiale d’EDF Energy plc (ci‑après « EDF »).

11. Les mesures notifiées et décrites en détail à la section 2 de la décision litigieuse sont les suivantes :

– Un contrat d’écart compensatoire, visant à garantir une stabilité des prix pour les ventes d’électricité produite à Hinkley Point C. Le concept de base de ce contrat est le suivant : NNBG recevra ou devra payer la différence entre un prix d’exercice prédéterminé, calculé sur la base des coûts prévisionnels de construction et d’exploitation de NNBG, y compris un bénéfice raisonnable (8), et un prix de référence fixé par le Royaume‑Uni pour tous les opérateurs fournissant de l’énergie dans un même segment (9) qui seront soutenus par une telle mesure (ci‑après le « contrat d’écart compensatoire »). Le contrat contient en outre un mécanisme de « partage des gains ». Il est conclu entre NNBG et Low Carbon Contracts Company Ltd, entité financée par l’imposition d’une obligation légale à tous les fournisseurs d’électricité agréés.

– En outre, NNBG sera protégée et récupérera les coûts induits par certaines modifications législatives et NNBG et ses investisseurs recevront une indemnisation en cas de fermeture anticipée pour des raisons politiques (10) ou pour des raisons liées à l’indisponibilité de l’assurance de responsabilité civile nucléaire. Dans ces cas, NNBG peut être transférée au gouvernement du Royaume‑Uni.

– Le droit précité des investisseurs de NNBG d’être indemnisés en cas de fermeture pour raisons politiques est accompagné d’un accord de garantie devant être conclu entre le Secretary of State for Energy and Climate Change (secrétaire d’État à l’énergie et au changement climatique) et les investisseurs de NNBG, en vertu duquel le secrétaire d’État paiera l’indemnité convenue en cas de défaillance de Low Carbon Contracts Company Ltd (ci‑après l’« accord d’État »).

– Le Royaume‑Uni garantira les obligations à émettre par NNBG afin de financer l’investissement. La garantie couvre le paiement en temps utile du principal et des intérêts de la dette éligible et pourrait atteindre 17 milliards de livres sterling (GBP) (ci‑après la « garantie de crédit »).

12. Par sa décision du 18 décembre...

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