Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 22 de septiembre de 2020.

JurisdictionEuropean Union
Date22 September 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 22 septembre 2020 (1)

Affaire C615/19 P

John Dalli

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Recours en indemnisation – Responsabilité non contractuelle – Réparation du préjudice que la partie requérante aurait prétendument subi en raison de comportements prétendument illégaux de la Commission et de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) liés à la cessation de ses fonctions en tant que membre de la Commission le 16 octobre 2012 »






I. Introduction

1. Par son pourvoi, M. John Dalli demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 juin 2019, Dalli/Commission (T‑399/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:384), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à obtenir réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi en raison de comportements prétendument illégaux de la Commission européenne et de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), liés à la cessation de ses fonctions en tant que membre de la Commission.

2. Le présent pourvoi offre à la Cour l’opportunité de se prononcer sur plusieurs questions inédites concernant les fonctions d’enquête de l’OLAF et le déroulement de ces enquêtes. La Cour sera par ailleurs amenée à préciser certains aspects de la jurisprudence relative à l’autorité de la chose jugée ainsi qu’à la démonstration de l’existence d’un préjudice moral.

3. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse de l’argument de la Commission relatif à l’irrecevabilité du recours devant le Tribunal, ainsi qu’à celle du premier moyen, de la première branche du troisième moyen, du cinquième et du septième moyens du pourvoi.

II. Le cadre juridique

A. Le règlement (CE) nº 1073/1999

4. L’article 1er, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1073/1999 (2), applicable aux faits en cause (3), dispose :

« À l’intérieur des institutions, organes et organismes institués par les traités ou sur la base de ceux-ci (ci-après dénommés “institutions, organes et organismes”), l’Office effectue les enquêtes administratives destinées à :

– lutter contre la fraude, la corruption et contre toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté européenne,

– y rechercher à cet effet les faits graves, liés à l’exercice d’activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et agents des Communautés, susceptible de poursuites disciplinaires et le cas échéant, pénales, ou un manquement aux obligations analogues des membres des institutions et organes, des dirigeants des organismes ou des membres du personnel des institutions, organes et organismes non soumis au statut. »

5. Les articles 3 et 4 de ce règlement énoncent les règles applicables respectivement aux enquêtes externes et internes de l’OLAF.

6. L’article 5 dudit règlement prévoit :

« Les enquêtes externes sont ouvertes par une décision du directeur de l’Office qui agit de sa propre initiative ou suite à une demande d’un État membre intéressé.

Les enquêtes internes sont ouvertes par une décision du directeur de l’Office qui agit de sa propre initiative ou suite à une demande de l’institution, organe ou organisme au sein duquel l’enquête devra être effectuée. »

7. L’article 6, paragraphe 1, du même règlement précise que le directeur de l’Office dirige l’exécution des enquêtes.

8. L’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 1073/1999 est libellé comme suit :

« Le directeur veille à ce que les agents de l’Office et les autres personnes agissant sous son autorité respectent les dispositions communautaires et nationales relatives à la protection des données à caractère personnel, et notamment celles prévues par la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données [(4)]. »

9. L’article 11, paragraphes 1 et 7, de ce règlement est ainsi rédigé :

« 1. Le comité de surveillance, par le contrôle régulier qu’il exerce sur l’exécution de la fonction d’enquête, conforte l’indépendance de l’Office.

À la demande du directeur ou de sa propre initiative, le comité de surveillance donne des avis au directeur concernant les activités de l’Office, sans interférer toutefois dans le déroulement des enquêtes en cours.

[...]

7. Le directeur transmet au comité de surveillance, chaque année, le programme des activités de l’Office [...]. Le directeur tient le comité régulièrement informé des activités de l’Office, de ses enquêtes, de leurs résultats et des suites qui leur ont été données. Lorsqu’une enquête est engagée depuis plus de neuf mois, le directeur informe le comité de surveillance des raisons qui ne permettent pas encore de conclure l’enquête et du délai prévisible nécessaire à son achèvement. Le directeur informe le comité des cas où l’institution, l’organe ou l’organisme concerné n’a pas donné suite aux recommandations qu’il a faites. Le directeur informe le comité des cas nécessitant la transmission d’informations aux autorités judiciaires d’un État membre. »

10. L’article 14 dudit règlement dispose :

« Dans l’attente de la modification du statut, tout fonctionnaire et tout autre agent des Communautés européennes peut saisir le directeur de l’Office d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, effectué par l’Office dans le cadre d’une enquête interne [...]

Ces dispositions sont applicables par analogie au personnel des institutions, organes et organismes non soumis au statut. »

B. Le règlement intérieur du comité de surveillance de l’OLAF

11. L’article 13, paragraphe 5, du règlement intérieur du comité de surveillance de l’OLAF (5) (ci-après le « règlement intérieur ») énonce :

« Les cas dans lesquels il y a lieu de transmettre des informations aux autorités judiciaires d’un État membre sont examinés sur la base des informations fournies par le directeur général de l’OLAF et conformément au [règlement nº 1073/1999]. Le suivi sera également effectué sur cette base.

En particulier, avant l’envoi des informations, le comité de surveillance demande l’accès aux enquêtes concernées afin de s’assurer que les garanties procédurales et les droits fondamentaux ont bien été respectés. Une fois que le secrétariat a obtenu l’accès aux documents dans un délai qui lui permette de remplir cette fonction, les rapporteurs désignés pour examiner les dossiers préparent leur présentation destinée à la séance plénière du comité. Le personnel responsable de l’OLAF peut être invité à cette séance afin que les membres disposent de toutes les informations nécessaires.

Le comité désigne des rapporteurs pour examiner ces enquêtes et, le cas échéant, émettre un avis. »

III. Les antécédents du litige

12. Les antécédents du litige, tels que présentés aux points 1 à 16 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

13. Par la décision 2010/80/UE (6), M. Dalli a été nommé membre de la Commission pour la période allant du 10 février 2010 au 31 octobre 2014. Il s’est vu attribuer le portefeuille de la santé et de la protection des consommateurs par le président de la Commission.

14. Le 25 mai 2012, à la suite de la réception par la Commission, le 21 mai 2012, d’une plainte de la société Swedish Match contenant des allégations concernant le comportement de M. Dalli, l’OLAF a entamé une enquête.

15. M. Dalli a été entendu par l’OLAF les 16 juillet et 15 octobre 2012.

16. Le 15 octobre 2012, le rapport de l’OLAF a été transmis au secrétaire général de la Commission, à l’attention du président de cette institution. Ce rapport était accompagné d’une lettre signée par le directeur de l’OLAF résumant les principales conclusions de l’enquête et informant le président de la Commission que celles-ci étaient portées à sa connaissance en vue de l’adoption de mesures éventuelles au titre du code de conduite des commissaires [C(2011) 2904].

17. Le 16 octobre 2012, M. Dalli a rencontré le président de la Commission. Plus tard dans la même journée, ce dernier a informé le Premier ministre de la République de Malte ainsi que les présidents du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne de la démission de M. Dalli. La Commission a également publié un communiqué de presse annonçant cette démission.

18. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2012, M. Dalli a introduit un recours tendant à l’annulation de la « décision verbale du 16 octobre 2012 de cessation [de ses] fonctions [...] avec effet immédiat, prise par le président de la Commission » et à la réparation du préjudice subi à hauteur de 1 euro symbolique au titre du préjudice moral et, à titre provisoire, à hauteur de 1 913 396 euros au titre du préjudice matériel.

19. Ce recours a été rejeté par l’arrêt du Tribunal du 12 mai 2015, Dalli/Commission (T‑562/12, ci-après l’« arrêt Dalli/Commission », EU:T:2015:270).

20. S’agissant, d’une part, de la demande en annulation, le Tribunal a constaté que le requérant avait présenté sa démission de façon volontaire, sans que celle-ci ait fait l’objet d’une demande du président de la Commission, au sens de l’article 17, paragraphe 6, TUE. L’existence de cette demande, qui constituait l’acte attaqué par le requérant, n’ayant pas été établie, le Tribunal a estimé que la demande en annulation devait être rejetée comme irrecevable. Le Tribunal a également jugé que, en tout état de cause, à supposer même que le requérant soit recevable à remettre en cause, dans le cadre du recours, la légalité de sa démission au motif que celle-ci aurait été entachée d’un vice du consentement, l’existence d’un tel vice n’était pas démontrée.

21. S’agissant, d’autre part, de la demande en indemnité, le Tribunal a estimé que, dès lors qu’il avait relevé que l’existence des actes de la Commission mis en cause dans le cadre de la demande en annulation n’était pas...

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