Opinion of Advocate General Kokott delivered on 8 July 2021.

JurisdictionEuropean Union
Date08 July 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L'AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 juillet 2021 (1)

Affaire C-156/20

Zipvit Ltd

contre

The Commissioners for Her Majesty’s Revenue & Customs

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Cour suprême, Royaume-Uni)]

« Demande de décision préjudicielle – Droit fiscal – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 168 et article 178, sous a) – Naissance du droit à déduction dans le cas d’une prestation en amont considérée à tort comme exonérée – TVA comprise dans le prix malgré l’erreur – Période de naissance du droit à déduction – TVA due ou versée – Possession d’une facture comme condition de fond – Distinction par rapport aux conditions de forme du droit à déduction »





I. Introduction

1. Deux entreprises ont considéré ensemble (et l’avis de l’administration fiscale est concordant), mais de manière erronée au regard du droit de l’Union, qu’une prestation de services était exonérée. Par conséquent, le prix qui a été convenu, facturé et également payé n’était qu’un prix hors TVA. Après la découverte de l’erreur, l’administration fiscale a « renoncé » à recouvrer la TVA a posteriori auprès du prestataire, entre autres, probablement, pour des raisons de simplification administrative, car plusieurs des destinataires de la prestation auraient eu droit à déduction. D’un point de vue fiscal, cela n’aurait été qu’« un jeu à somme nulle » impliquant une charge administrative importante de part et d’autre. Postérieurement à l’intervention de la prescription pour le prestataire, le destinataire de la prestation (en l’espèce, Zipvit) a réclamé un droit à déduction. Toutefois, dès lors qu’il n’existait pas de facture faisant apparaître séparément une quelconque TVA, l’administration fiscale l’a refusé.

2. Dans ce contexte, deux considérations ont conduit la juridiction de renvoi à saisir la Cour à titre préjudiciel. D’une part, il ressort des articles 73, 78 et 90 de la directive TVA que la base d’imposition de la TVA est toujours tout ce qui a été effectivement obtenu par le prestataire. Par conséquent, un droit à déduction de Zipvit pourrait être né sur ce fondement. D’autre part, en raison de la décision rendue par la Cour dans l’affaire Vădan (2), des doutes sont à nouveau apparus quant à la signification d’une facture aux fins du droit à déduction. Il se pose en particulier la question de savoir si une facture est nécessaire à cette fin.

3. La Supreme Court (Cour suprême, Royaume‑Uni) nourrit donc des doutes quant à la conformité, au regard du droit de l’Union, du refus, par l’administration fiscale, du droit à déduction. La Commission européenne, en revanche, voit les choses autrement lorsqu’elle déclare : « Il est possible d’apporter une réponse simple aux questions soulevées dans la présente affaire : puisque Zipvit n’a pas acquitté de TVA, elle n’est pas autorisée à déduire la TVA en amont. Parfois, les réponses simples sont correctes et sur la base des considérations qui suivent, la Commission estime que tel est le cas en l’espèce ».

4. Toutefois, il arrive parfois qu’une réponse paraisse simple, mais qu’en réalité, elle se révèle ne pas l’être autant que cela lorsque l’on recherche une solution qui tienne compte aussi de la logique, de l’économie générale et du libellé de la directive TVA. Le fait que le droit à déduction ne présuppose pas que l’assujetti ait effectué de quelconque paiement suffit à montrer que le raisonnement proposé par la Commission ne peut être correct. Ce principe relatif au droit à déduction, appelé principe débiteur, est admis par la jurisprudence de la Cour (3) et découle désormais également de la directive TVA. Partant, le fait que Zipvit n’ait versé à son cocontractant aucune rémunération (0), qu’il ait versé un montant net (100) ou une rémunération brute (120) est dénué d’incidence pour le droit à déduction considéré dans son principe.

5. Par conséquent, la Cour est appelée ici à se pencher sur d’autres questions fondamentales du droit de la TVA, dont on ne peut pas dire qu’elles soient simples. Ainsi, il se pose la question de savoir si une TVA est toujours comprise dans le prix lorsque l’opération est (objectivement) soumise à la TVA, et ce également lorsque les parties contractantes et l’administration fiscale partent (subjectivement) du postulat que l’opération est exonérée. Si cette question reçoit une réponse affirmative, le destinataire de la prestation peut-il alors réclamer un dégrèvement de la TVA qui est déjà comprise dans le prix, alors même que le prestataire ne l’a pas (erronément) intégrée dans le prix de la contrepartie et ne l’a donc pas répercutée sur le destinataire de la prestation ? La TVA dont l’assujetti est « redevable » au sens de l’article 168, sous a), de la directive TVA couvre-t-elle la TVA dont le prestataire est redevable concrètement (en l’espèce, en raison de la prescription, aucune TVA n’est plus due) ou la TVA normalement due dans l’abstrait (c’est‑à‑dire légalement, en l’espèce, en tout état de cause, en droit de l’Union) ?

6. Dès lors que le prestataire, lorsqu’il considère à tort que sa livraison ou sa prestation de services sont exonérées, n’établit évidemment pas de facture faisant apparaître séparément la TVA, la fonction de la facture en droit de la TVA revêt à nouveau (4) une signification décisive pour le droit à déduction du destinataire de la prestation. En effet, indépendamment des questions soulevées précédemment, un droit à déduction ne serait ouvert que si la possession d’une facture faisant apparaître séparément la TVA n’en constituait pas une condition.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

7. L’article 63 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (5) (ci‑après la « directive TVA ») traite du fait générateur et de l’exigibilité de la taxe :

« Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée ».

8. L’article 73 de la directive TVA concerne la base d’imposition :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ».

9. L’article 78 de la directive TVA définit les éléments constitutifs de la base d’imposition :

« Sont à comprendre dans la base d’imposition les éléments suivants :

a) les impôts, droits, prélèvements et taxes, à l’exception de la TVA elle‑même ; […] ».

10. L’article 90 de la directive TVA régit la modification, a posteriori, de la base d’imposition et les conséquences juridiques que cela emporte pour le prestataire :

« 1. En cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non‑paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

2. En cas de non‑paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger au paragraphe 1 ».

11. L’article 93, première phrase, de la directive TVA porte sur l’application du taux à la base imposable qui a été déterminée ; il est libellé comme suit :

« Le taux applicable aux opérations imposables est celui en vigueur au moment où intervient le fait générateur de la taxe ».

12. Pour le taux normal, l’article 96 de la directive TVA prévoit ce qui suit :

« Les États membres appliquent un taux normal de TVA fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services ».

13. L’article 167 de la directive TVA porte sur la naissance du droit à déduction. Il se lit comme suit :

« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible ».

14. L’article 168, sous a), de la directive TVA régit le champ d’application matériel du droit à déduction :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ».

15. L’article 178 de la directive TVA régit quant à lui l’exercice du droit à déduction :

« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :

a) pour la déduction visée à l’article 168, sous a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240 ; […]

f) lorsqu’il est tenu d’acquitter la taxe en tant que preneur ou acquéreur en cas d’application des articles 194 à 197 et de l’article 199, remplir les formalités qui sont établies par chaque État membre ».

16. L’article 203 de la directive TVA assure une synchronisation entre la TVA facturée et la TVA due. Il prévoit ce qui suit :

« La TVA est due par toute personne qui mentionne cette taxe sur une facture ».

17. L’article 226 de la directive TVA prescrit quelles sont les mentions nécessaires d’une facture :

« Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221 : […]

8. la base d’imposition pour chaque taux ou exonération, le prix unitaire hors TVA, ainsi que les escomptes, rabais ou ristournes éventuels s’ils ne sont pas compris dans le prix unitaire ;

9. le taux de TVA...

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