FIFA v Commission

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:787
Celex Number62011CC0204
CourtCourt of Justice (European Union)
Date12 December 2012

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 12 décembre 2012 (1)

Affaires C‑201/11 P, C‑204/11 P et C‑205/11 P

Union of European Football Associations (UEFA),

Fédération internationale de football association (FIFA)

contre

Commission européenne

«Pourvoi – Radiodiffusion télévisuelle – Télévision sans frontières – Article 3 bis de la directive 89/552/CEE – Directive 97/36/CE – Mesures prises par l’État membre au sujet des événements d’importance majeure pour la société ne pouvant faire l’objet de droits exclusifs de retransmission télévisuelle – Décision de la Commission déclarant les mesures compatibles avec le droit de l’Union – Pouvoir de contrôle de la Commission – Championnat d’Europe de football de l’UEFA – Coupe du monde de la FIFA – Droit de propriété»





1. Les présents pourvois ont pour objet des litiges concernant principalement l’étendue de l’examen incombant à la Commission européenne de la liste d’événements d’une importance majeure pour la société d’un État membre (ci‑après la «liste nationale») que peut établir chaque État membre en vertu de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 89/552/CEE (2).

2. L’objectif de l’inscription d’un événement sur la liste nationale est d’assurer à un large public la possibilité de suivre ces événements en direct ou en différé sur une télévision à accès libre. Dans un délai de trois mois à compter de la notification par un État membre, la Commission est tenue de vérifier la compatibilité de la liste nationale avec le droit de l’Union ainsi que de la notifier aux autres États membres afin de garantir leur reconnaissance mutuelle.

3. Dans l’affaire C‑201/11 P, l’Union of European Football Associations (UEFA) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 17 février 2011, UEFA/Commission (3), par lequel le Tribunal a confirmé la validité de la décision 2007/730/CE (4), dans laquelle cette dernière a approuvé l’inscription de l’ensemble du championnat d’Europe de football de l’UEFA (ci‑après l’«EURO») sur la liste nationale du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

4. Dans l’affaire C‑204/11 P, la Fédération internationale de football association (FIFA) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 17 février 2011, FIFA/Commission (5), par lequel le Tribunal a confirmé la validité de la décision 2007/479/CE (6), dans laquelle cette dernière a approuvé l’inscription de tous les matchs joués dans le cadre de la Coupe du monde de la FIFA (ci-après la «Coupe du monde») sur la liste nationale du Royaume de Belgique.

5. Dans l’affaire C‑205/11 P, la FIFA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 17 février 2011, FIFA/Commission (7), par lequel le Tribunal a confirmé la validité de la décision 2007/730, dans laquelle cette dernière a approuvé l’inscription de l’ensemble de la Coupe du monde sur la liste nationale du Royaume‑Uni.

6. Alors même que les associations requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit, les moyens soulevés devant la Cour couvrent, à titre principal, deux questions juridiques qui méritent un examen plus approfondi. D’une part, la problématique de l’interprétation de l’article 3 bis de la directive 89/552 modifiée doit être débattue. D’autre part, les présents pourvois requièrent une analyse de la nature de la position juridique d’un organisateur d’événements sportifs au regard des droits fondamentaux de l’Union.

7. Enfin, il convient de souligner que les listes nationales, au sens de l’article 3 bis de la directive 89/552 modifiée, constituent des actes portant sur de grands événements culturels et sportifs dont la portée dépasse largement le phénomène du football. En fonction des choix des États membres, y figurent, notamment, en Belgique, la finale du concours de musique Reine Elisabeth et le championnat de Belgique de cyclisme, et, au Royaume‑Uni, la coupe du monde de cricket et les finales de tennis de Wimbledon. Dans le contexte de la procédure de vérification des listes nationales, prises dans leur ensemble, la motivation des décisions de la Commission doit être examinée de façon globale afin de ne pas conduire à un découpage artificiel des actes en question (8).

I – Le cadre juridique

8. Aux termes du considérant 18 de la directive 97/36 (9):

«[…] il est essentiel que les États membres soient à même de prendre des mesures destinées à protéger le droit à l’information et à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées d’événements, nationaux ou non, d’une importance majeure pour la société, tels que les Jeux olympiques, la Coupe du monde et le championnat d’Europe de football; que, à cette fin, les États membres conservent le droit de prendre des mesures compatibles avec le droit communautaire en vue de réglementer l’exercice, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des droits exclusifs de retransmission de tels événements».

9. Conformément à l’article 3 bis, paragraphes 1 et 2, de la directive 89/552 modifiée:

«1. Chaque État membre peut prendre des mesures, conformément au droit communautaire, pour assurer que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence ne retransmettent pas d’une manière exclusive des événements qu’il juge d’une importance majeure pour la société d’une façon qui prive une partie importante du public dudit État membre de la possibilité de suivre ces événements en direct ou en différé sur une télévision à accès libre. Dans ce contexte, l’État membre concerné établit une liste des événements désignés, nationaux ou non, qu’il juge d’une importance majeure pour la société. Il établit cette liste selon une procédure claire et transparente, en temps opportun et utile. Ce faisant, l’État membre détermine également si ces événements doivent être transmis intégralement ou partiellement en direct ou, si nécessaire ou approprié pour des raisons objectives d’intérêt général, transmis intégralement ou partiellement en différé.

2. Les États membres notifient immédiatement à la Commission toute mesure prise ou envisagée en application du paragraphe 1. Dans un délai de trois mois après la notification, la Commission vérifie que ces mesures sont compatibles avec le droit communautaire et les communique aux autres États membres. Elle demande l’avis du comité institué à l’article 23 bis. Elle publie sans délai au Journal officiel des Communautés européennes les mesures qui sont prises et, au moins une fois par an, la liste récapitulative des mesures prises par les États membres. […]»

II – Les procédures devant le Tribunal, les arrêts attaqués et la procédure devant la Cour

10. Par son arrêt UEFA/Commission, précité (T‑55/08), le Tribunal a rejeté la totalité des moyens invoqués par l’UEFA contre la décision 2007/730. Par les arrêts précités FIFA/Commission (T‑385/07 et T‑68/08), le Tribunal a rejeté la totalité des moyens que la FIFA avait soulevés respectivement contre les décisions 2007/479 et 2007/730.

11. Par son pourvoi dans l’affaire C‑201/11 P, déposé au greffe de la Cour le 27 avril 2011, l’UEFA demande à la Cour d’annuler l’arrêt UEFA/Commission, précité, d’annuler partiellement la décision 2007/730 et de condamner la Commission aux dépens. Par ses pourvois dans les affaires C‑204/11 P et C‑205/11 P, déposés au greffe de la Cour le 28 avril 2012, la FIFA demande à la Cour de confirmer, en ce qui concerne la recevabilité, les arrêts précités FIFA/Commission (T‑385/07 et T‑68/08); d’annuler lesdits arrêts en ce qu’ils approuvent, respectivement, l’inscription des matchs «non prime» de la Coupe du monde sur la liste nationale du Royaume de Belgique et l’inscription des matchs «non prime» de la Coupe du monde sur la liste nationale du Royaume-Uni; de rendre un arrêt définitif conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de condamner la Commission à supporter les dépens de la FIFA exposés en première instance et dans le cadre des présents pourvois.

12. L’UEFA, la FIFA, Commission, le gouvernement du Royaume‑Uni et le gouvernement belge ont présenté des observations écrites et ont assisté à l’audience qui s’est tenue le 13 septembre 2012.

III – Observations communes pour les trois pourvois

13. La question juridique principale qui est soulevée dans les affaires soumises à la Cour concerne la conception du pouvoir de contrôle confié à la Commission au titre de l’article 3 bis de la directive 89/552 modifiée, conception découlant d’un modèle de compétences discrétionnaires se situant à plusieurs niveaux d’un processus décisionnel en droit de l’Union. Une autre question de nature transversale et valable pour tous les trois pourvois a trait à la violation alléguée du droit de propriété. Je propose de clarifier ces aspects en amont, pour pouvoir examiner ultérieurement les moyens résiduels des trois pourvois.

A – Sur la nature du contrôle de la Commission au titre de l’article 3 bis de la directive 89/552 modifiée ainsi que sur l’interprétation de la portée de cette disposition

14. À titre liminaire, je rappelle qu’une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens pour l’obtention dudit résultat. S’agissant de la finalité de la directive 89/552 modifiée, il convient de rappeler que son objectif premier consiste à assurer la libre diffusion des émissions télévisées (10). Dans ce cadre, la directive 89/552 modifiée ne procède pas à une harmonisation complète des règles relatives aux domaines auxquels elle s’applique, mais édicte des prescriptions minimales pour les émissions qui émanent de l’Union et qui sont destinées à être captées à l’intérieur de celle‑ci (11).

15. En outre, il convient de relever que la directive 89/552 modifiée est fondée sur le principe du contrôle par l’État membre dont émanent des émissions de programmes audiovisuels (12). Dans ce contexte, les...

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