Brouillard

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:408
Date18 June 2015
Celex Number62014CC0298
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62014CC0298

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 18 juin 2015 ( 1 )

Affaire C‑298/14

Alain Laurent Brouillard

contre

Jury du concours de recrutement de référendaires près la Cour de cassation

et

État belge

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

«Libre circulation des travailleurs — Exception visant les ‘emplois dans l’administration publique’ — Directive 2005/36/CE — Reconnaissance des qualifications professionnelles — Notion de ‘profession réglementée’ — Admission à un concours de recrutement de référendaires près la Cour de cassation belge»

1.

La présente demande de décision préjudicielle s’inscrit dans le cadre d’un recours porté devant le Conseil d’État (Belgique) dans lequel un ressortissant belge, M. Brouillard, conteste la décision du jury d’un concours en vue du recrutement de référendaires près la Cour de cassation belge de ne pas l’admettre à celui‑ci. Cette décision a été prise au motif que M. Brouillard ne possède pas les titres requis pour pouvoir être nommé à ce poste, à savoir un doctorat, une licence ou un master en droit délivré par une université belge ou un diplôme obtenu à l’étranger et reconnu équivalent par les autorités compétentes en Belgique.

2.

M. Brouillard expose en substance que ses diplômes, dont un master, spécialité juriste‑linguiste, qu’une université française lui a délivré, cumulé à son expérience professionnelle au service de la documentation et de la concordance des textes de la Cour de cassation belge ( 2 ), lui confèrent les qualifications professionnelles nécessaires. Il soutient que, en se limitant au seul examen des titres universitaires, le jury a méconnu son droit de libre circulation en tant que travailleur ainsi que le régime de reconnaissance des qualifications professionnelles mis en place dans l’Union européenne.

3.

Le juge de renvoi demande à la Cour de préciser si les articles 45 TFUE et 49 TFUE ainsi que la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ( 3 ), pour autant qu’ils soient applicables dans le recours au principal, empêchaient le jury de concours de ne pas admettre M. Brouillard aux épreuves au motif qu’il ne possédait pas les grades universitaires requis, sans vérifier si ses diplômes, cumulés à son expérience professionnelle, lui conféraient des qualifications professionnelles équivalentes.

Droit de l’Union

TFUE

4.

L’article 45 TFUE, qui garantit la libre circulation des travailleurs dans l’Union, prévoit à son paragraphe 4 que ses dispositions ne sont pas applicables aux emplois dans l’administration publique.

5.

L’article 49 TFUE, premier alinéa, interdit toute restriction à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre.

Directive 2005/36

6.

La directive 2005/36 vise à faciliter la libre circulation des personnes (incluant donc les travailleurs) et des services dans l’Union ( 4 ). Elle garantit aux personnes ayant acquis leurs qualifications professionnelles dans un État membre le droit d’accéder à la même profession et d’exercer celle‑ci dans un autre État membre, sans préjudice du respect de conditions d’exercice non discriminatoires, objectivement justifiées et proportionnées qui seraient imposées par ce dernier État membre ( 5 ).

7.

La directive 2005/36 ne préjuge pas l’application de l’article 45, paragraphe 4, TFUE ( 6 ).

8.

Aux termes de l’article 1er («Objet»), si un État membre subordonne l’accès à une profession réglementée ou son exercice, sur son territoire, à la possession de qualifications professionnelles déterminées, il est tenu de reconnaître les qualifications professionnelles acquises dans un ou plusieurs autres États membres qui permettent au titulaire desdites qualifications d’y exercer la même profession ( 7 ).

9.

L’article 3, paragraphe 1, comporte les définitions suivantes:

«a)

‘profession réglementée’: une activité ou un ensemble d’activités professionnelles dont l’accès, l’exercice ou une des modalités d’exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées; l’utilisation d’un titre professionnel limitée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives aux détenteurs d’une qualification professionnelle donnée constitue notamment une modalité d’exercice. […]

b)

‘qualifications professionnelles’: les qualifications attestées par un titre de formation, une attestation de compétence visée à l’article 11, point a) i) et/ou une expérience professionnelle;

c)

‘titre de formation’: les diplômes, certificats et autres titres délivrés par une autorité d’un État membre désignée en vertu des dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État membre et sanctionnant une formation professionnelle acquise principalement dans [l’Union]. […];

[…]

e)

‘formation réglementée’: toute formation qui vise spécifiquement l’exercice d’une profession déterminée et qui consiste en un cycle d’études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle.

[…]»

10.

L’article 4 concerne les effets de la reconnaissance et dispose:

«1. La reconnaissance des qualifications professionnelles par l’État membre d’accueil permet au bénéficiaire d’accéder dans cet État membre à la même profession que celle pour laquelle il est qualifié dans l’État membre d’origine et de l’y exercer dans les mêmes conditions que les nationaux.

2. Aux fins de la présente directive, la profession que veut exercer le demandeur dans l’État membre d’accueil est la même que celle pour laquelle il est qualifié dans son État membre d’origine si les activités couvertes sont comparables.»

11.

Aux termes de l’article 13, paragraphe 1 («Conditions de la reconnaissance»), qui concerne le régime général de reconnaissance des titres de formation, «[l]orsque, dans un État membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, l’autorité compétente de cet État membre accorde l’accès à cette profession et son exercice dans les mêmes conditions que pour les nationaux aux demandeurs qui possèdent l’attestation de compétences ou le titre de formation qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l’y exercer. […]»

12.

Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, l’article 13 ne fait pas obstacle à ce que l’État membre d’accueil exige du demandeur qu’il accomplisse un stage d’adaptation pendant trois ans au maximum ou se soumette à une épreuve d’aptitude, notamment 1) lorsque la formation qu’il a reçue porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le titre de formation requis dans l’État membre d’accueil, ou 2) lorsque la profession réglementée dans l’État membre d’accueil comprend une ou plusieurs activités professionnelles réglementées qui n’existent pas dans la profession correspondante dans l’État membre d’origine du demandeur, et que la formation spécifique requise dans l’État membre d’accueil porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par l’attestation de compétences ou le titre de formation dont le demandeur fait état. Aux termes de l’article 14, paragraphe 3, premier alinéa, l’État membre d’accueil peut prescrire un stage d’adaptation ou une épreuve d’aptitude pour les professions dont l’exercice exige une connaissance précise du droit national et qui consistent essentiellement et de manière constante à donner des conseils et/ou à prêter assistance en droit national.

Droit belge

13.

Conformément à l’article 135 bis du code judiciaire, la Cour de cassation belge est assistée par des référendaires qui préparent le travail des conseillers et des membres du parquet ( 8 ), participent aux tâches de documentation ainsi qu’à celles de traduction et de publication des arrêts et à la mise en concordance des textes français et néerlandais. L’article 259 duodecies du code judiciaire dispose que les référendaires doivent être âgés de 25 ans accomplis et être titulaires d’un doctorat ou d’une licence en droit, auxquels le master en droit a été déclaré équivalent en Belgique ( 9 ). Les candidats sont sélectionnés à l’issue d’un concours dont la durée de validité est de six ans. Aux termes de l’article 259 terdecies, les référendaires sont nommés par le Roi pour un stage de trois ans au terme duquel leur nomination devient définitive sauf décision contraire prise par le Roi sur la proposition du premier président ou du procureur général.

14.

À l’époque qui concerne le recours au principal, les articles 43 et 44 du décret de la Communauté française du 31 mars 2004 définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace européen de l’enseignement supérieur et refinançant les universités, habilitaient le gouvernement de la Communauté française à reconnaître, par voie de mesures générales ou individuelles, l’équivalence d’études faites à l’étranger aux grades universitaires conférés dans la Communauté française, y compris le grade de master en droit.

Faits, procédure et questions préjudicielles posées

15.

M. Brouillard est, depuis plusieurs années, attaché au service de la documentation et de la concordance des textes de la Cour de cassation belge. Il est détenteur d’une...

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