Macinský and Macinská

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:765
Celex Number62012CC0482
CourtCourt of Justice (European Union)
Date21 November 2013

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 21 novembre 2013 (1)

Affaire C‑482/12

Peter Macinský,

Eva Macinská

contre

Getfin s.r.o.,

Financreal s.r.o.

[demande de décision préjudicielle formée par l’Okresný súd Prešov (Slovaquie)]

«Recevabilité – Directive 93/13/CEE – Contrat de crédit à la consommation – Clause abusive – Recouvrement d’une créance garantie par une sûreté en recourant à la vente publique d’un bien immobilier – Possibilité d’une procédure judiciaire préalable en vertu de la législation nationale – Principe d’effectivité – Limitation des effets d’un arrêt dans le temps»





1. La Cour de justice de l’Union européenne, qui est une instance juridictionnelle, a pour fonction, dans le cadre de la procédure préjudicielle, de trancher des questions de droit dans des litiges entre des parties sur le fondement de règles de droit matériel et de droit procédural. Elle rend des décisions contraignantes et, généralement, ne donne pas d’avis sur des questions hypothétiques (2). Or, l’affaire examinée présente toutes les caractéristiques d’une situation totalement abstraite et il convient de se demander si la Cour devrait répondre à la question préjudicielle déférée. Si les affaires difficiles engendrent certainement de la mauvaise jurisprudence, les litiges inexistants engendrent probablement une jurisprudence bien pire.

2. C’est regrettable, car la question de fond soumise à la Cour en l’espèce n’est pas sans importance. En effet, une fois de plus, les efforts pour rendre l’administration de la justice plus efficace sont opposés au droit à une protection juridictionnelle effective, en l’occurrence celui des consommateurs.

3. Par sa demande de décision préjudicielle, l’Okresný súd Prešov (tribunal d’arrondissement de Prešov) (Slovaquie) cherche à savoir si les dispositions du droit slovaque permettant à un créancier d’obtenir le règlement d’une dette par une procédure extrajudiciaire d’exécution de ses droits garantis sur les biens du débiteur (ci-après la «procédure en cause») sont compatibles avec, notamment, la directive 93/13/CEE (3).

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

5. L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

B – Le droit national

6. Le code civil slovaque (Občiansky zákonník) comporte, notamment, les dispositions suivantes relatives à la réalisation d’une sûreté:

«Article 151j

1. Si une créance garantie par une sûreté n’est pas dûment honorée dans le respect des délais, le créancier titulaire de la sûreté peut engager l’exécution de celle-ci. Dans le cadre de l’exécution de la sûreté, le créancier titulaire d’une sûreté peut être désintéressé de la manière spécifiée dans le contrat ou au moyen d’une vente publique de la sûreté conformément aux dispositions légales particulières […] par la vente de la sûreté conformément aux dispositions légales particulières […], à moins que le présent code ou une loi particulière n’en disposent autrement.

2. Si une créance garantie par la sûreté n’est pas dument honorée dans le respect des délais, le créancier garanti peut obtenir d’être désintéressé ou demander à l’être en exécutant la sûreté, même lorsque la créance garantie est prescrite.

[…]

Article 151m

1. Le créancier titulaire d’une sûreté peut vendre celle-ci de la manière spécifiée dans le contrat de sûreté ou au moyen d’une vente publique au plus tôt 30 jours après la date de notification de l’exécution de la sûreté au garant et au débiteur, si la personne du débiteur n’est pas identique à la personne du garant, à moins qu’une loi particulière n’en dispose autrement […]

2. Après la notification de l’exécution de la sûreté, le garant et le créancier titulaire de la sûreté peuvent convenir que ce dernier est en droit de vendre la sûreté de la manière spécifiée dans le contrat de sûreté ou au moyen d’une vente publique même avant l’expiration du délai prévu au paragraphe 1.

3. Le créancier garanti qui a engagé l’exécution de la sûreté, dans le but d’être désintéressé, de la manière précisée dans le contrat de sûreté, peut à tout moment lors de l’exécution de la sûreté changer le mode d’exécution et mettre la sûreté en vente publique ou exiger d’être désintéressé par la vente de la sûreté conformément à des dispositions légales particulières. Le créancier titulaire de la sûreté est tenu d’informer le garant du changement de mode d’exécution de la sûreté.»

7. La loi n° 527/2002 relative aux ventes publiques volontaires (zákon č. 527/2002 Z.z. o dobrovol’ných dražbách) prévoit:

«Article 17 – Avis de vente publique

1. Le commissaire-priseur annonce par un avis la mise en vente publique […]

[…]

2. Si l’objet de la vente est un appartement, une maison [ou] un autre immeuble […], le commissaire-priseur publie l’avis au registre des ventes publiques au moins 30 jours avant le début de la vente publique. L’adjudicateur transmet également, sans retard indu, l’avis de vente publique au ministère pour publication au journal [officiel] du commerce […]

[…]

5. Dans les délais indiqués aux paragraphes 2 à 4, le commissaire‑priseur transmet l’avis de vente publique:

a) à la personne ayant proposé la vente, au débiteur du créancier titulaire de la sûreté, au propriétaire du bien mis en vente, si celui-ci n’est pas le débiteur,

[…]

Article 21 – Défaillance de l’acheteur et nullité de la vente publique

[…]

2. En cas d’atteinte aux dispositions de la présente loi, la personne alléguant une violation de ses droits du fait de cette infraction peut demander au juge de déclarer la nullité de la vente. Le droit de saisir le juge d’une demande d’annulation s’éteint s’il n’est pas exercé dans les trois mois suivant la vente publique, sauf si les motifs de l’annulation sont liés à la commission d’un délit pénal […]; en pareil cas, la demande d’annulation de la vente peut intervenir après le délai susvisé.

[…]

5. En cas de défaillance de l’acheteur ou si le juge déclare la vente nulle, l’adjudication est réputée sans effet à compter du jour où elle a été prononcée.

[…]

Article 29 – Remise d’un bien acquis dans une vente publique

[…]

2. En cas de vente publique d’un bien [qu’il s’agisse d’un appartement, d’une maison ou d’un autre immeuble], le propriétaire précédent est tenu de remettre sans délai le bien faisant l’objet de la vente sur présentation, par l’acheteur, de la copie certifiée conforme de l’acte notarié et d’une pièce d’identité […]»

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et la question préjudicielle

8. M. Peter Macinský et Mme Eva Macinská (ci-après les «époux Macinskíi») sont retraités et habitent ensemble à Prešov, en Slovaquie. Le 29 avril 2011, les époux Macinskí ont contracté un crédit hypothécaire de 5 000 euros auprès de la société Financreal s.r.o. (ci-après «Financreal») afin de rembourser plusieurs crédits contractés antérieurement. Pour garantir le crédit, une sûreté a été souscrite sur l’appartement où vivent les époux Macinskí. En vertu du contrat de crédit, le crédit devait être remboursé en 84 mensualités de 209,52 euros chacune. À plusieurs reprises, les époux Macinskí n’auraient pas payé les mensualités et Financreal a décidé de prendre des mesures à leur encontre.

9. Le 17 octobre 2011, Financreal a cédé ses créances de crédit sur les époux Macinskí à la société Getfin s.r.o. (ci-après «Getfin»), une entreprise de recouvrement de créances. Par lettre du 26 octobre 2011, Getfin a demandé le remboursement de l’intégralité du crédit. D’après cette société, le montant de la dette s’élevait alors à 21 057 euros.

10. Par lettre du 12 novembre 2011, les époux Macinskí ont contesté la validité de la créance et ont demandé à Financreal de réexaminer l’augmentation appliquée à la dette (plus de 300 % en 6 mois) qu’ils estimaient excessive.

11. Le 21 novembre 2011, Getfin a déposé une requête contre les époux Macinskí devant l’Okresný súd Prešov. Parallèlement, pour le recouvrement extrajudiciaire de la créance, Getfin a mandaté la société Dražby a reality s.r.o. (ci-après «Dražby»), une entreprise privée.

12. Le 1er décembre 2011, Dražby a informé les époux Macinskí qu’elle allait procéder à l’exécution de la sûreté par voie extrajudiciaire en procédant à une «vente aux enchères volontaire» de leur appartement, c’est-à-dire qu’elle entendait recourir à la procédure en cause. En même temps, les époux Macinskí ont été informés que la dette s’élevait désormais à 22 646 euros.

13. Le 11 janvier 2012, les époux Macinskí ont demandé à l’Okresný súd Prešov, et obtenu, une mesure provisoire de suspension de l’exécution extrajudiciaire de la sûreté (4).

14. Le 1er février 2012, Dražby a renoncé à son projet de «vente aux enchères volontaire» de l’appartement des époux Macinskí.

15. S’agissant de la procédure mentionnée au point 11 des présentes conclusions, considérant contraire aux bonnes mœurs le taux d’intérêt prévu dans le contrat et, de ce fait, le contrat comme étant nul et non avenu, par arrêt du 21 mars 2012, figurant dans le dossier national transmis à la Cour, l’Okresný súd Prešov a ordonné aux époux Macinskí de rembourser à Getfin uniquement le montant de 4 290,48 euros. La décision de renvoi indique que la décision du 21 mars 2012 n’est pas encore définitive. Toutefois, dans une...

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