Juan Carlos Sánchez Morcillo and María del Carmen Abril García v Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2110
Date03 July 2014
Celex Number62014CP0169
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-169/14
62014CP0169

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentée le 3 juillet 2014 ( 1 )

Affaire C‑169/14

Juan Carlos Sánchez Morcillo,

María del Carmen Abril García

contre

Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Provincial de Castellón (Espagne)]

«Directive 93/13/CEE — Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs — Moyens adéquats et efficaces pour faire cesser l’utilisation des clauses abusives — Limitation des possibilités de recours contre une décision se prononçant sur l’opposition à l’exécution d’une saisie hypothécaire — Autonomie procédurale des États membres — Principe d’effectivité — Protection juridictionnelle effective — Égalité des armes»

1.

Les problématiques relatives aux conséquences et aux limites, notamment sous l’angle du respect du principe de l’autonomie procédurale des États membres, de la protection des consommateurs découlant de la directive 93/13/CEE ( 2 ), sont soumises de façon récurrente à la Cour. La présente affaire offre à celle-ci l’occasion de préciser que l’emprise du droit de la consommation de l’Union sur le droit processuel des États membres n’est pas sans limites.

2.

Ladite affaire fait directement écho à la modification législative espagnole découlant de l’arrêt Aziz ( 3 ). Par cet arrêt, la Cour avait dit pour droit que la réglementation espagnole jusqu’alors applicable n’apparaissait pas conforme au principe d’effectivité, en ce qu’elle rendait impossible ou excessivement difficile, dans les procédures de saisie hypothécaire engagées par les professionnels et auxquelles les consommateurs sont défendeurs, l’application de la protection que la directive 93/13 entend conférer à ces derniers. Faisant suite audit arrêt, le législateur espagnol a modifié un certain nombre de dispositions du code de procédure civile applicables aux procédures d’exécution, afin de permettre qu’une opposition fondée sur l’existence de clauses abusives soit soulevée dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire, tout en maintenant certaines d’entre elles.

3.

C’est le dispositif mis en place par ladite modification législative qui est dorénavant indirectement mis en cause par certaines juridictions nationales ( 4 ), et notamment par la juridiction de renvoi. Dans l’affaire au principal, la juridiction nationale s’interroge, en substance, sur le point de savoir si, en premier lieu, l’obligation faite aux États membres, en vertu de l’article 7 de la directive 93/13, de déployer les moyens adéquats et efficaces en vue de la cessation de l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel et, en second lieu, le droit à une protection juridictionnelle effective s’opposent à une disposition nationale qui ne prévoit pas que le défendeur dans une procédure d’exécution forcée puisse interjeter appel de la décision rejetant l’opposition à ladite exécution.

I – Le cadre juridique

A – La directive 93/13

4.

Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

5.

L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive dispose que «[l]es États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel».

B – Le droit espagnol

6.

La loi 1/2013 vise, selon l’exposé des motifs de celle-ci, à adopter diverses mesures destinées à alléger la situation des débiteurs hypothécaires qui, en raison de la crise économique et financière, rencontrent des difficultés à faire face à leurs obligations financières. Toujours selon l’exposé des motifs, l’objet de cette loi est d’apporter des modifications à la procédure de saisie hypothécaire en vue de remédier à certains aspects incompatibles avec le droit de l’Union qui ont été examinés dans l’arrêt Aziz (EU:C:2013:164).

7.

La loi 1/2013 modifie notamment l’article 695 du code de procédure civile ( 5 ), qui dispose désormais, dans le domaine de la saisie hypothécaire, ce qui suit:

«Opposition à l’exécution

1. Dans les procédures visées au présent chapitre, l’opposition à l’exécution du défendeur à l’exécution n’est accueillie que lorsqu’elle est fondée sur les motifs suivants:

(1)

l’extinction de la garantie ou de l’obligation garantie, […]

(2)

une erreur dans la détermination du montant exigible, […]

(3)

en cas d’exécution visant des biens meubles hypothéqués ou sur lesquels ont été constitués des gages sans dépossession, la constitution, sur ces biens, d’un autre gage, hypothèque mobilière ou immobilière, ou séquestre inscrits antérieurement à la charge qui est à l’origine de la procédure, ce qui devra être démontré par le certificat d’enregistrement correspondant;

(4)

le caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement de l’exécution ou ayant permis de déterminer le montant exigible.

2. En cas d’introduction de l’opposition visée au paragraphe précédent, le Secretario Judicial procède à la suspension de l’exécution et convoque les parties à comparaître devant le tribunal ayant rendu l’ordonnance de saisie. La citation à comparaître doit intervenir au moins quinze jours avant la tenue de l’audience en question. Au cours de cette audience, le tribunal entend les parties, accueille les documents produits et adopte la décision pertinente, sous la forme d’une ordonnance, au cours de la deuxième journée.

3. La décision faisant droit à l’opposition fondée sur les premier et troisième motifs du paragraphe 1 du présent article entraîne le non-lieu à l’exécution; celle faisant droit à l’opposition fondée sur le deuxième motif fixe le montant pour lequel l’exécution doit se poursuivre.

Si le quatrième motif est retenu, le non‑lieu à exécution est prononcé si la clause contractuelle constitue le fondement de l’exécution. Sinon, l’exécution est poursuivie en écartant l’application de la clause abusive.

4. La décision ordonnant le non‑lieu à exécution ou l’inapplication d’une clause abusive est susceptible d’un recours en appel.

En dehors de ces hypothèses, les décisions statuant sur l’opposition visée au présent article ne sont susceptibles d’aucun recours et leurs effets sont exclusivement limités à la procédure d’exécution dans le cadre de laquelle elles sont rendues.»

II – Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

8.

L’affaire au principal trouve son origine dans un litige opposant Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA (ci-après «BBVA») à M. Sánchez Morcillo et à Mme Abril García (ci-après les «demandeurs») dans le cadre d’un incident d’opposition à une saisie hypothécaire portant sur le logement principal de ces derniers.

9.

Il ressort de la décision de renvoi que, en date du 9 juin 2003, BBVA a, par acte notarié, conclu avec les demandeurs, un contrat de prêt avec garantie hypothécaire. Par ce contrat, BBVA a prêté la somme de 300500 euros auxdits demandeurs, qui s’engageaient à la rembourser jusqu’au 30 juin 2028 au moyen du paiement de 360 mensualités. Les demandeurs ont garanti cette obligation de remboursement par la constitution d’une hypothèque sur leur propriété et domicile. Conformément à l’article 6 bis du contrat de prêt, dans le cas où les débiteurs manqueraient à leurs obligations de paiement et où BBVA serait amenée à déclarer l’échéance anticipée de l’obligation de remboursement, l’intérêt moratoire serait de 19 % par an, le taux d’intérêt légal applicable en Espagne étant, au cours de la période pertinente, de 4 %.

10.

En raison du manquement par les emprunteurs à leur obligation de payer les mensualités conformément à ce qui avait été convenu, BBVA a, le 15 avril 2011, introduit, à l’encontre des demandeurs, une demande de saisie hypothécaire visant à ce que ceux-ci soient sommés de payer et à ce qu’il soit procédé à la vente aux enchères de la propriété hypothéquée en garantie de leur respect de l’obligation de remboursement.

11.

Le Juzgado de Primera Instancia no 3 de Castellón (juge de première instance no 3 de Castellón, Espagne), qui a été chargé de l’examen de cette demande, a ouvert la procédure de saisie hypothécaire et, après avoir autorisé l’exécution, a sommé les demandeurs de payer.

12.

Les demandeurs ont comparu dans la procédure et ont, le 12 mars 2013, formé opposition à la saisie hypothécaire, alléguant, en substance, premièrement, que le titre présenté, à savoir une copie du contrat de prêt hypothécaire, n’avait pas force exécutoire et que, par conséquent, l’ordre d’exécution était nul et, deuxièmement, que le Juzgado de Primera Instancia no 3 de Castellón n’était pas la juridiction compétente.

13.

Le 19 juin 2013, le Juzgado de Primera Instancia no 3 de Castellón a rendu une ordonnance rejetant l’opposition et ordonnant la poursuite de l’exécution sur le logement apporté en garantie.

14.

Les demandeurs ont fait appel de cette décision. Le recours en appel ayant été déclaré recevable, il a été renvoyé, aux fins de résolution, à l’Audiencia Provincial de Castellón (cour provinciale de Castellón).

15.

Cette juridiction a relevé que l’article 695, paragraphe...

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