NJ v Generalstaatsanwaltschaft Berlin.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:747
Docket NumberC-489/19
Celex Number62019CC0489
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypePreliminary reference - urgent procedure
Date17 September 2019
62019CC0489

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 17 septembre 2019 ( 1 )

Affaire C‑489/19 PPU

NJ (Parquet de Vienne)

Procédure pénale

en présence de

Generalstaatsanwaltschaft Berlin

[demande de décision préjudicielle formée par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 6, paragraphe 1 – Autorité judiciaire d’émission – Indépendance du parquet vis-à-vis du pouvoir exécutif – Critères d’appréciation – Mandat d’arrêt européen émis par un procureur et homologué, à l’issue d’un contrôle exhaustif, par un tribunal de droit commun préalablement à sa mise en œuvre »

1.

Dans l’arrêt OG et PI ( 2 ), prononcé en grande chambre, la Cour a dit pour droit que la notion d’« autorité judiciaire d’émission », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI ( 3 ), doit être interprétée en ce sens qu’elle ne vise pas les parquets d’un État membre qui sont exposés au risque d’être soumis à des ordres ou à des instructions individuels de la part du pouvoir exécutif, dans le cadre de l’adoption d’une décision relative à l’émission d’un mandat d’arrêt européen. Par sa demande de décision préjudicielle, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne), qui est saisi d’une demande de remise émanant des autorités autrichiennes, interroge la Cour sur l’application de cette exigence d’indépendance et sur les critères d’appréciation à retenir en l’espèce, s’agissant d’un mandat d’arrêt européen émis par un parquet et homologué préalablement par un juge ( 4 ).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La décision-cadre 2002/584

2.

Dans les considérants de la décision-cadre 2002/584, le législateur de l’Union formule les affirmations suivantes :

« (5)

L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant pré-sentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

(6)

Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de « pierre angulaire » de la coopération judiciaire.

[...]

(8)

Les décisions relatives à l’exécution du mandat d’arrêt européen doivent faire l’objet de contrôles suffisants, ce qui implique qu’une autorité judiciaire de l’État membre où la personne recherchée a été arrêtée devra prendre la décision de remise de cette dernière.

[...]

(10)

Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, dudit traité avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article.

[...]

(12)

La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 du traité sur l’Union européenne et reflétés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment son chapitre VI. [...] »

3.

L’article 1er de cette décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », prévoit :

« 1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE]. »

4.

L’article 2, paragraphe 1, de ladite décision-cadre dispose :

« Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois. »

5.

Selon l’article 2, paragraphe 2, de la même décision-cadre, si elles sont punies dans l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins trois ans telles qu’elles sont définies par le droit de l’État membre d’émission, les infractions énumérées par cette disposition donnent lieu à remise sur la base d’un mandat d’arrêt européen sans contrôle de la double incrimination du fait. Tel est le cas pour les vols organisés ou avec arme ( 5 ).

6.

Les articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre 2002/584 énumèrent les motifs de non-exécution obligatoire et facultative du mandat d’arrêt européen.

7.

Aux termes de l’article 6 de cette décision-cadre, intitulé « Détermination des autorités judiciaires compétentes » :

« 1. L’autorité judiciaire d’émission est l’autorité judiciaire de l’État membre d’émission qui est compétente pour délivrer un mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

2. L’autorité judiciaire d’exécution est l’autorité judiciaire de l’État membre d’exécution qui est compétente pour exécuter le mandat d’arrêt européen en vertu du droit de cet État.

3. Chaque État membre informe le secrétariat général du Conseil de l’autorité judiciaire compétente selon son droit interne. »

8.

L’article 8 de ladite décision-cadre régit le contenu et la forme du mandat d’arrêt européen.

9.

L’article 11 de la même décision-cadre, relatif aux droits de la personne recherchée, dispose que, « [l]orsqu’une personne recherchée est arrêtée, l’autorité judiciaire d’exécution compétente informe cette personne, conformément à son droit national, de l’existence et du contenu du mandat d’arrêt européen, ainsi que de la possibilité qui lui est offerte de consentir à sa remise à l’autorité judiciaire d’émission ».

10.

L’article 14 énonce que, « [s]i la personne arrêtée ne consent pas à sa remise de la manière prévue à l’article 13, elle a le droit d’être entendue par l’autorité judiciaire d’exécution, conformément au droit de l’État membre d’exécution ».

Le droit autrichien

11.

L’article 2, paragraphe 1, du Staatsanwaltschaftsgesetz (loi relative aux parquets, ci-après le « StAG ») énonce :

« Au siège de tout Landesgericht (tribunal régional) connaissant d’affaires pénales, il y a un parquet, au siège de tout Oberlandesgericht (tribunal régional supérieur), il y a un parquet général et à l’Obersten Gerichtshof (Cour suprême) le procureur général. Les parquets sont directement subordonnés aux parquets généraux et soumis à leur injonction et ceux‑ci ainsi que le procureur général le sont au ministre fédéral de la Justice. »

12.

L’article 29 du Gesetz über die Justizielle Zusammenarbeit in Strafsachen mit den Mitgliedstaaten der Europäischen Union (loi sur l’entraide judiciaire en matière pénale avec les États membres de l’Union européenne, ci‑après l’« EU-JZG ») consacre l’exigence d’une homologation judiciaire du mandat d’arrêt européen (homologation qui est intervenue, en l’espèce). L’article 29, paragraphe 1, première phrase, de l’EU-JZG dispose :

« Le parquet ordonne l’arrestation par la voie d’un mandat d’arrêt européen homologué judiciairement et veille, le cas échéant, au signalement de la personne recherchée dans le système d’information Schengen conformément à l’article 95 de la Schengener Durchführungsübereinkommen [Convention d’application de l’Accord de Schengen] par l’intermédiaire des autorités compétentes de sécurité lorsqu’il y a lieu de lancer un avis de recherche d’une personne à arrêter dans au moins un État membre. »

13.

Dans le cadre de ce contrôle judiciaire, les critères de légalité et de proportionnalité seront observés conformément à l’article 5, paragraphes 1 et 2, du Strafprozessordnung (code de procédure pénale, ci‑après le « StPO ») :

« (1) Dans l’exercice de leurs compétences et la collecte de preuves, la police criminelle, le parquet et le tribunal ne peuvent empiéter sur les droits des personnes que si la loi le prévoit expressément et uniquement dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de leur mission. Toute atteinte portée de ce fait à un droit doit rester proportionnée à la gravité de l’infraction, au degré de culpabilité du suspect et au résultat recherché.

(2) Entre différents devoirs et mesures coercitives efficaces, il appartient à la police...

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