conclusiones del Abogado General Bobek presentadas en el asunto X

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1011
Date26 November 2019
Celex Number62018CC0717
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 26 novembre 2019 (1)

Affaire C717/18

Procureur-generaal

en présence de :

X

[demande de décision préjudicielle présentée par le Hof van Beroep te Gent (Cour d’appel de Gand, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil – Mandat d’arrêt européen – Article 2, paragraphe 2 – Suppression du contrôle de la double incrimination – Conditions – Infractions punies dans l’État membre d’émission d’une peine d’un maximum d’au moins trois ans – Appréciation de la durée de la peine au regard du droit de l’État membre d’émission applicable aux faits ou au regard du droit en vigueur au moment de l’émission du MAE – Principes de légalité et de sécurité juridique »






I. Introduction

1. La personne recherchée faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen (ci‑après « MAE ») dans la présente affaire est un chanteur de rap et compositeur. Il a été condamné en Espagne pour plusieurs infractions commises en 2012 et 2013. La « glorification du terrorisme et l’humiliation de ceux qui en sont les victimes » constituaient l’une de ces infractions. La loi applicable à cette infraction au moment où les faits ont été commis prévoyait qu’elle était passible d’une peine privative de liberté d’une durée maximale de deux ans.

2. La personne recherchée a quitté l’Espagne pour la Belgique. L’autorité judiciaire espagnole compétente a délivré le MAE en vue de l’exécution de la peine privative de liberté. Selon le MAE, l’infraction de glorification du terrorisme et d’humiliation de ceux qui en sont les victimes relevait de la catégorie d’actes de « terrorisme ». Il indiquait également que la durée maximale de la peine privative de liberté pour cette infraction était de trois ans, telle qu’elle résultait de la modification du code pénal espagnol en 2015.

3. L’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (2) prévoit que les infractions qui y sont énumérées, y compris celle de « terrorisme », ne peuvent donner lieu au contrôle de la double incrimination si elles sont punies d’une peine privative de liberté d’un maximum d’au moins trois ans. Mais quel est le critère à prendre en compte pour examiner si cette exigence est remplie ? S’agit-il de la peine d’emprisonnement maximale applicable à la présente cause, qui est normalement régie par la loi applicable au moment où l’infraction a été commise ? Ou s’agit-il de la peine maximale prévue par le droit national en vigueur au moment de l’émission du MAE ?

II. Le cadre juridique

4. L’article 2 de la décision-cadre dispose :

« 1. Un mandat d’arrêt européen peut être émis pour des faits punis par la loi de l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins douze mois ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue ou qu’une mesure de sûreté a été infligée, pour des condamnations prononcées d’une durée d’au moins quatre mois.

2. Les infractions suivantes, si elles sont punies dans l’État membre d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins trois ans telles qu’elles sont définies par le droit de l’État membre d’émission, donnent lieu à remise sur la base d’un mandat d’arrêt européen, aux conditions de la présente décision‑cadre et sans contrôle de la double incrimination du fait :

[…]

– terrorisme,

[…]

3. Le Conseil peut décider à tout moment, statuant à l’unanimité et après consultation du Parlement européen dans les conditions prévues à l’article 39, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, d’ajouter d’autres catégories d’infractions à la liste contenue au paragraphe 2 du présent article. Le Conseil examine, à la lumière du rapport soumis par la Commission au titre de l’article 34, paragraphe 3, s’il y a lieu d’étendre ou de modifier cette liste.

4. Pour les infractions autres que celles visées au paragraphe 2, la remise peut être subordonnée à la condition que les faits pour lesquels le mandat d’arrêt européen a été émis constituent une infraction au regard du droit de l’État membre d’exécution, quels que soient les éléments constitutifs ou la qualification de celle‑ci. »

III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

5. En 2012 et 2013, la personne recherchée a composé, interprété et mis en ligne sur Internet plusieurs chansons de rap.

6. Par décision du 21 février 2017, l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne) a condamné la personne recherchée en ce qui concerne ces faits à : (A) une peine d’emprisonnement de deux ans pour la glorification du terrorisme et l’humiliation de ceux qui en sont les victimes, infraction punie en vertu des articles 578 et 579 du code pénal espagnol [ci‑après la « condamnation visée sous (A) »], (B) une peine d’emprisonnement d’un an pour outrages et pour offenses graves envers la Couronne, punis en vertu de l’article 490.3 du code pénal espagnol et (C) une peine d’emprisonnement de six mois pour menaces non conditionnelles, punies en vertu de l’article 169.2 du code pénal espagnol.

7. La condamnation et les peines ont été prononcées en application des dispositions du code pénal qui étaient en vigueur au moment des faits, c’est‑à‑dire avant la modification dudit code en 2015.

8. Le recours contre la décision du 21 février 2017 a été rejeté par le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), par un arrêt du 15 février 2018.

9. La personne recherchée a quitté l’Espagne pour la Belgique. Le 25 mai 2018, un MAE a été émis par l’Audiencia Nacional (Cour centrale) à l’encontre de la personne recherchée, en vue de l’exécution de la peine privative de liberté pour les trois infractions évoquées précédemment (ci‑après le « premier MAE »).

10. Selon les informations du dossier dont dispose la Cour, le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen (tribunal de première instance de Flandre orientale, Belgique), afdeling Gent (division de Gand), a demandé des informations complémentaires à l’Audiencia Nacional (Cour centrale) afin de prendre une décision concernant l’exécution du premier MAE. À la suite de cette demande, la même juridiction espagnole a délivré un autre MAE le 27 juin 2018 (ci‑après le « second MAE »). Ce dernier porte sur le même ensemble d’éléments factuels que le premier MAE.

11. Les deux mandats d’arrêt contiennent les mêmes informations au point c), sous 2), (informations sur les peines infligées pour les trois infractions) et au point e), sous I), où la case « terrorisme » a été cochée pour les infractions ayant donné lieu à la condamnation visée sous (A).

12. Toutefois, le second MAE contient des informations complémentaires aux points e) et f). En ce qui le point e) (infractions), alors que le premier MAE contenait un exposé sommaires des faits, le second MAE a ajouté une description détaillée de ceux‑ci, y compris les paroles des chansons de rap qui ont donné lieu à la condamnation. En ce qui concerne le point f) (informations facultatives sur d’autres circonstances pertinentes en l’espèce), contrairement au premier MAE, le second MAE contenait des références précises aux dispositions du code pénal espagnol applicables aux infractions commises, telles qu’en vigueur au moment de l’émission du MAE, à savoir celles modifiées en 2015.

13. Le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen (tribunal de première instance de Flandre orientale), afdeling Gent (division de Gand), a adressé une nouvelle demande d’informations complémentaires à l’Audiencia Nacional (Cour centrale). Dans une lettre en réponse à cette demande, la juridiction espagnole a fourni des informations complémentaires sur le régime des peines. Cette lettre indiquait également que le renvoi, dans le second MAE, aux dispositions du code pénal espagnol tel que modifié en 2015 était une erreur.

14. Par ordonnance du 17 septembre 2018, le rechtbank van eerste aanleg Oost-Vlaanderen (tribunal de première instance de Flandre orientale), afdeling Gent (division de Gand), a refusé l’exécution du second MAE. Selon les informations du dossier dont dispose la Cour, cette même juridiction a estimé que l’infraction de glorification du terrorisme et d’humiliation de ceux qui en sont les victimes ne pouvait être considérée comme une infraction de « terrorisme » telle que visée à l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre. En outre, les infractions pour lesquelles le MAE a été émis ne répondaient pas toutes à l’exigence de la double incrimination.

15. Le 17 septembre 2018, le ministère public a interjeté appel de l’ordonnance précitée. Le 26 septembre 2018, le Procureur-Generaal (procureur général) a présenté ses réquisitions selon lesquelles les comportements, tels que décrits dans le MAE et qui ont donné lieu à la condamnation visée sous (A), correspondent à l’infraction de « terrorisme » visée au point 2° de l’article 5, paragraphe 2, de la Wet van 19 december 2003 betreffende het Europees aanhoudingsbevel (loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen) (ci‑après la « loi relative aux MAE »), qui transpose en droit belge l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre.

16. Le Hof van Beroep te Gent, kamer van inbeschuldigingstelling (Cour d’appel de Gand, chambre des mises en accusation), à savoir la juridiction de renvoi, considère que la condition relative au degré de sévérité de la peine infligée, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de la décision-cadre, qui impose une peine d’emprisonnement d’au moins quatre mois, est remplie dans le présent cas, compte tenu des condamnations visées au point 6 des présentes conclusions. Toutefois, cette juridiction a des doutes quant à la version applicable de la loi de l’État membre d’émission pour déterminer si l’exigence d’une peine d’un maximum d’au moins trois ans énoncée à l’article 2, paragraphe 2, de la...

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