Comisión de las Comunidades Europeas y República Francesa contra Ladbroke Racing Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:234
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-359/95,C-379/95
Date13 May 1997
Procedure TypeRecurso de anulación
Celex Number61995CC0359
EUR-Lex - 61995C0359 - FR 61995C0359

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 13 mai 1997. - Commission des Communautés européennes et République française contre Ladbroke Racing Ltd. - Concurrence - Articles 85, 86 et 90 du traité CE - Rejet d'une plainte portant à la fois sur des mesures étatiques et sur un comportement privé - Applicabilité des articles 85 et 86 aux entreprises qui se conforment à une législation nationale. - Affaires jointes C-359/95 P et C-379/95 P.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-06265


Conclusions de l'avocat général

Dans la présente affaire, la Cour de justice est appelée à statuer sur les pourvois introduits par la Commission des Communautés européennes et par la République française au titre de l'article 49 du statut CE de la Cour contre l'arrêt prononcé le 18 septembre 1995 par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (1). Cet arrêt a fait droit au recours introduit par la société anglaise Ladbroke Racing Ltd, au titre de l'article 173 du traité CE (ci-après le «traité»), en vue d'obtenir l'annulation de la décision de la Commission du 29 juillet 1993; par cette décision, la Commission avait rejeté la plainte (IV/33.374) déposée le 24 novembre 1989 par Ladbroke, relativement au mode d'organisation en France des paris hippiques du type pari mutuel (2) ainsi qu'aux droits exclusifs qui ont été accordés par la législation française au Pari mutuel urbain (ci-après le «PMU»), c'est-à-dire à un groupement d'entreprises national (français).

Tout d'abord il y a lieu de souligner que, dans son arrêt, le Tribunal de première instance a adopté une interprétation des articles 85 et 86 du traité aux prolongements particulièrement intéressants, dont la Cour de justice est appelée à apprécier la validité.

I - Les faits et la procédure

1 Les circonstances de fait de la présente affaire sont décrites en détail aux points 1 à 25 de l'arrêt attaqué, auxquels nous renvoyons. En l'occurrence, il suffira de relever les éléments suivants:

2 Le 24 novembre 1989, Ladbroke a saisi la Commission d'une plainte (IV/33.374) dirigée contre, premièrement, la République française, deuxièmement, les dix principales sociétés de courses en France (3) et, troisièmement, le PMU (4). Dans la mesure où sa plainte était dirigée contre le PMU et ses sociétés membres, Ladbroke a demandé à la Commission, sur la base de l'article 3 du règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962 (5) (ci-après le «règlement n_ 17»), de prendre les mesures ci-après:

En premier lieu, constater et ordonner qu'il soit mis fin à des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, résultant d'accords et de pratiques concertées appliqués par les sociétés de courses autorisées en France entre elles et avec le PMU. Ces accords ou pratiques concertées auraient pour objet, d'une part, d'octroyer au PMU des droits exclusifs pour la gestion et l'organisation du pari mutuel hors hippodrome sur les courses organisées ou contrôlées par lesdites sociétés, d'autre part, d'appuyer une demande en obtention d'une aide d'État en faveur du PMU et, enfin, de permettre au PMU d'étendre ses activités au-delà de la France.

En deuxième lieu, Ladbroke a demandé à la Commission de constater et d'ordonner qu'il soit mis fin à des infractions à l'article 86 du traité CEE résultant d'une part, de l'octroi au PMU de droits exclusifs pour la gestion et l'organisation de paris hors hippodrome et, d'autre part, de l'obtention par le PMU d'une aide d'État illégale. La requérante a également demandé à la Commission d'ordonner au PMU le remboursement de l'aide d'État illégale dont il avait ainsi bénéficié, avec les intérêts au taux du marché. En outre, Ladbroke a signalé à la Commission d'autres abus de position dominante de la part du PMU (6). Enfin, elle a fait valoir une distorsion de la concurrence en raison des liens étroits qui unissent le PMU à ses principaux fournisseurs.

3 Dans la mesure où sa plainte est dirigée contre la République française, Ladbroke a demandé à la Commission d'adopter une décision sur la base de l'article 90, paragraphe 3, du traité CEE, afin de mettre fin à la violation par la République française des dispositions suivantes:

Premièrement, les dispositions des articles 3, sous f), 5, 52, 53, 85, 86 et 90, paragraphe 1, du traité, en raison de l'adoption et du maintien en vigueur de la législation française précitée, qui confère une base légale aux accords des sociétés de courses entre elles, d'une part, et avec le PMU, d'autre part. Ladbroke reproche à cette législation d'octroyer au PMU des droits exclusifs en matière de prise de paris hors hippodrome en interdisant à quiconque d'engager ou de prendre, autrement que par l'intermédiaire du PMU, des paris hors hippodrome sur les courses de chevaux organisées en France.

Deuxièmement, les dispositions des articles 3, sous f), 52, 53, 59, 62, 85, 86 et 90, paragraphe 1, du traité, en raison de l'édiction et du maintien en vigueur de la législation susmentionnée, qui interdit d'engager librement en France des paris sur des courses organisées à l'étranger.

Troisièmement, les articles 90, paragraphe 1, 92 et 93 du traité, en raison d'aides illégales accordées au PMU.

4 Par lettre du 11 août 1992, Ladbroke a mis en demeure la Commission, conformément à l'article 175 du traité CEE, de prendre dans un délai de deux mois position sur sa plainte du 24 novembre 1989. Par lettre du 12 octobre 1992, la Commission a informé Ladbroke qu'elle continuait d'examiner la plainte, mais que cet examen exigerait un temps considérable. Le 21 décembre 1992, Ladbroke a introduit un recours en carence au titre de l'article 175 du traité en vue de faire constater que la Commission s'était abstenue, en violation du traité, d'adopter une décision sur les aspects de sa plainte relevant de l'article 90. Ce recours a été déclaré irrecevable par le Tribunal de première instance dans sa décision du 27 octobre 1994 (7).

5 En ce qui concerne les aspects de la plainte de Ladbroke ayant trait aux violations alléguées des articles 85 et 86 du traité par les sociétés de courses françaises et le PMU, la Commission a, par lettre du 9 février 1993, informé Ladbroke, au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63/CEE (JO 1963, 127, p. 2268), qu'elle n'envisageait pas de leur réserver une suite favorable. Par sa décision du 29 juillet 1993, la Commission a rejeté la plainte de Ladbroke pour des motifs contenus à la fois dans cette décision et dans la lettre du 9 février 1993.

6 Contre cette décision de la Commission, Ladbroke a saisi le Tribunal de première instance le 19 octobre 1993 d'un recours, qui a également donné lieu à l'intervention du gouvernement français. Par arrêt prononcé le du 18 septembre 1995 dans l'affaire T-548/93 (8), le Tribunal de première instance a fait droit au recours et a annulé la décision prise par la Commission le 29 juillet 1993. Cet arrêt a donné lieu à deux pourvois séparés introduits le 22 novembre 1995 par la Commission (affaire C-359/95 P) et le 27 novembre 1995 par la République française (affaire C-379/95 P). Par ordonnance du 29 janvier 1996, le président de la Cour a prononcé la jonction de ces affaires aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l'arrêt.

7 La Commission demande l'annulation de l'arrêt attaqué dans la mesure où il invalide sa décision de rejet de la plainte et elle conclut au rejet au fond du recours introduit par Ladbroke devant le Tribunal de première instance ainsi qu'à la condamnation de Ladbroke à l'ensemble des dépens dans les deux procédures.

La République française conclut à ce qu'il plaise à la Cour annuler l'arrêt en tant qu'il annule la décision et faire droit aux conclusions présentées par la Commission devant le Tribunal.

Ladbroke conclut au rejet des pourvois et à la condamnation de la Commission et de la République française aux dépens; subsidiairement, et pour le cas où la Cour ferait droit aux pourvois, Ladbroke lui demande d'examiner l'affaire et de statuer sur les points non résolus du recours introduit dans l'affaire T-548/93 ou de renvoyer l'affaire au Tribunal pour qu'il statue sur ces points.

II - L'arrêt attaqué

8 Les considérations qui fondent en substance le dispositif de l'arrêt du Tribunal de première instance font l'objet des points 43 et 46 à 51 de cet arrêt; elles se lisent comme suit:

«Le Tribunal estime qu'il convient, en l'espèce, d'examiner tout d'abord le grief relatif au traitement des deux aspects de la plainte, concernant, respectivement, les violations alléguées aux articles 85 et 86 et à l'article 90, du traité, dans la mesure où cette question met en cause la façon générale dont la Commission a procédé à l'examen de la plainte. Il convient d'examiner en particulier la question de savoir si la Commission était tenue de porter son appréciation sur la compatibilité de la législation nationale française avec le traité avant d'adopter la décision attaquée au titre des articles 85 et 86 du traité [point 43].

Le Tribunal constate que, en l'espèce, la Commission a procédé à l'ouverture de la procédure d'examen de la plainte de la requérante au titre de l'article 90 du traité, afin d'évaluer la compatibilité de la législation nationale française avec les autres dispositions du traité et que cette procédure est encore pendante. Il convient par conséquent d'examiner si la Commission pouvait rejeter définitivement la plainte de la requérante au titre des articles 85 et 86 du traité et du règlement n_ 17 sans avoir auparavant, conclu l'examen de la plainte au titre de l'article 90 du traité [point 46].

A cet égard, le Tribunal relève que la Commission a soutenu, dans le cadre de la procédure écrite et lors de la procédure orale, que le problème de concurrence soulevé par la plainte de la requérante ne pourrait être résolu que par l'examen de la compatibilité de la législation nationale française concernant le monopole légal du PMU avec les règles du traité...

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