Société d'informatique service réalisation organisation contra Ampersand Software BV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:175
Date08 June 1995
Celex Number61993CC0432
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-432/93
EUR-Lex - 61993C0432 - FR 61993C0432

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 8 juin 1995. - Société d'informatique service réalisation organisation contre Ampersand Software BV. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal, Civil Division (England) - Royaume-Uni. - Convention de Bruxelles - Articles 36, 37 et 38 - Exécution - Décision rendue sur le recours contre l'autorisation d'exécution - Recours sur un point de droit - Sursis à statuer. - Affaire C-432/93.

Recueil de jurisprudence 1995 page I-02269


Conclusions de l'avocat général

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1 La Court of Appeal, en application de l'article 3 du protocole du 3 juin 1971 (1), vous interroge par voie préjudicielle sur l'interprétation des articles 36, 37 et 38 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (2), telle que modifiée par la convention d'adhésion de 1978 (3) (ci-après la «convention»), à l'occasion d'un «recours sur un point de droit» (ou «en cassation», selon les termes de la convention) exercé par une partie contre laquelle l'exécution en Angleterre d'un jugement français a été autorisée.

2 Les auteurs de la convention, en instaurant, conformément à l'objectif fixé par l'article 220 du traité CEE, un mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exécution des décisions, avaient pour impératif premier la rapidité des procédures. La complexité procédurale atteinte dans la présente affaire pourrait faire douter qu'un tel objectif ait été atteint, si elle ne s'expliquait en partie par la mauvaise application des règles de la convention qu'en ont fait les juridictions concernées. Nous en examinerons le déroulement après avoir rappelé les dispositions pertinentes de la convention en l'espèce.

La procédure d'exécution prévue par la convention

3 La convention instaure un système unifié de détermination des compétences judiciaires (titre II), accompagné d'un mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exécution des décisions émanant des juridictions des États contractants (titre III) et rendues dans le champ des matières couvertes par la convention (titre I). Le titre III («Reconnaissance et exécution») vise à assurer la «libre circulation des jugements» (4), en facilitant la reconnaissance (section 1) et l'exécution (section 2) des décisions étrangères. La section 2 de ce titre (articles 31 à 45) prévoit ainsi une procédure d'exécution sommaire qui présente les caractéristiques suivantes.

4 La première phase de la procédure n'est pas contradictoire (5). Elle débute par l'introduction d'une requête de toute partie intéressée, visant à faire déclarer exécutoire - ou, au Royaume-Uni, à faire «enregistrer en vue de son exécution» (6) - dans l'État requis, la décision exécutoire rendue dans l'État d'origine (article 31). Cette requête est présentée à la juridiction désignée à l'article 32 (7), qui statue sans pouvoir réviser au fond la décision étrangère (article 34). Cette juridiction ne peut prendre que deux types de décision: soit autoriser l'exécution, soit la refuser. Pour refuser l'exécution, elle ne peut se fonder que sur l'un des motifs prévus aux articles 27 et 28 (8), ou sur le défaut de prise en compte des exigences prévues aux articles 31 (caractère exécutoire de la décision dans l'État d'origine), 32 et 33 (juridictions désignées et règles de forme) de la convention. Si la requête est ainsi rejetée, le requérant dispose d'un recours (articles 40 et suivants).

5 Si l'exécution est accordée, la partie contre laquelle elle a été demandée peut faire opposition et donc former un recours (article 36), dans le délai prévu (9). La procédure devient contradictoire à ce stade. Le recours est porté devant la juridiction désignée à l'article 37, premier alinéa (10). L'exécution est impossible pendant le délai du recours, et jusqu'à la décision qui sera prise: seules des mesures conservatoires peuvent être mises en oeuvre par le requérant sur les biens de la partie contre laquelle l'exécution est demandée (article 39).

La juridiction saisie du recours peut prendre deux types de décision:

- refuser l'exécution, sur le fondement des même motifs que lors de la première phase non contradictoire de la procédure (tirés des articles 27 et 28, ou de l'article 31);

- accorder l'exécution, et confirmer ainsi la décision rendue sur requête.

Deux autres possibilités sont en outre offertes à la juridiction saisie du recours, en vertu de l'article 38:

- la possibilité de surseoir à statuer (article 38, premier alinéa), subordonnée à deux conditions cumulatives: le sursis doit avoir été demandé par la partie qui a formé le recours et, en outre, la décision étrangère doit faire l'objet, dans l'État d'origine, d'un recours «ordinaire», ou doit encore pouvoir faire l'objet d'un tel recours (11);

- la possibilité de subordonner l'exécution à la constitution d'une garantie (article 38, troisième alinéa).

6 La convention prévoit enfin la possibilité d'une troisième phase dans la procédure (article 37, deuxième alinéa) (12). Il s'agit, selon les ordres juridiques nationaux, d'un «pourvoi en cassation» (en France par exemple), ou d'un «recours sur un point de droit» (au Royaume-Uni par exemple). Un tel pourvoi, ou recours similaire, n'est cependant ouvert que contre «la décision rendue sur le recours». Or si la décision par laquelle la juridiction saisie du recours visée à l'article 37, premier alinéa, accorde ou refuse l'exécution constitue sans nul doute une telle «décision rendue sur le recours», en est-il de même pour les décisions prises au titre de l'article 38 relatives au sursis à statuer ou à la constitution d'une garantie? C'est précisément l'une des questions soulevées par la juridiction de renvoi, saisie d'un litige dont le cadre factuel est le suivant.

Les faits et la procédure suivie en l'espèce

7 Le 8 avril 1987, SISRO, société française établie en France, obtient du tribunal de grande instance de Paris un jugement exécutoire par provision condamnant Ampersand, société néerlandaise établie aux Pays-Bas, au paiement de dommages-intérêts pour violation de son droit d'auteur sur des programmes informatiques (13). Ampersand interjette alors appel de ce jugement devant la cour d'appel de Paris; cet appel est toujours pendant, la cour ayant sursis à statuer dans l'attente de l'issue de procédures pénales introduites parallèlement (14) .

8 Sur requête de SISRO, et conformément aux règles de la convention, la High Court of Justice, le 15 décembre 1987, autorise l'«enregistrement» du jugement français en vue de son exécution en Angleterre, où Ampersand possède des biens.

9 Ampersand forme alors un recours contre cette décision rendue sur requête, en invoquant l'article 27, point 1, de la convention. Ce recours, introduit le 8 avril 1988, est en principe irrecevable au regard des exigences de délai prévues à l'article 36. Il est cependant déclaré recevable par la High Court of Justice.

A la demande d'Ampersand, la juridiction saisie du recours sursoit à statuer, le 9 octobre 1989, en attendant l'issue des recours formés en France, usant ainsi de la faculté que lui offre l'article 38, premier alinéa, de la convention.

En France, la juridiction d'appel rejette successivement, les 11 mai et 21 décembre 1989, deux demandes introduites par Ampersand visant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal de grande instance. Le jugement français est donc toujours exécutoire, et répond ainsi toujours aux exigences de l'article 31 de la convention.

10 Le 9 mai 1990, SISRO forme un recours devant la Court of Appeal contre l'ordonnance prononçant le sursis à statuer du 9 octobre 1989. En considération de la dernière décision de la juridiction d'appel française refusant le sursis à l'exécution du jugement de 1987, la Court of Appeal autorise SISRO à demander à la High Court la levée du sursis à statuer qu'elle avait accordée le 18 décembre 1990.

11 Saisie sur renvoi de la Court of Appeal, la High Court of Justice, le 23 janvier 1992, se prononce sur deux points:

- elle lève le sursis à statuer précédemment ordonné, en considérant qu'elle doit, en «comity» (15), suivre la décision de la juridiction française ayant refusé le sursis à l'exécution du jugement de 1987 «sur le fond»;

- elle rejette le recours d'Ampersand dirigé contre l'ordonnance d'enregistrement (il s'agit là d'une «décision rendue sur le recours», au sens de la convention).

12 Ampersand forme alors deux recours devant la Court of Appeal, l'un dirigé contre la levée du sursis, l'autre contre le rejet de son recours formé à l'encontre de l'«enregistrement» (rappelons que cette juridiction, saisie d'un «recours sur un point de droit», est compétente pour statuer, au titre de l'article 37, deuxième alinéa, de la convention sur la «décision rendue sur le recours»).

13 La Court of Appeal a suspendu les deux procédures et vous soumet aujourd'hui les trois questions préjudicielles suivantes:

«1) Une personne ayant formé, au Royaume-Uni, un recours au titre de l'article 36 de la convention de 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale est-elle en droit de demander le remède visé à l'article 38, lorsqu'elle n'est pas en mesure d'invoquer avec succès l'un des motifs, spécifiés aux articles 27 et 28, de...

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