Comisión de las Comunidades Europeas contra Irlanda.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:612
Date17 December 1998
Docket NumberC-392/96
Celex Number61996CC0392
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
CourtCourt of Justice (European Union)
EUR-Lex - 61996C0392 - FR 61996C0392

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 17 décembre 1998. - Commission des Communautés européennes contre Irlande. - Environnement - Directive 85/337/CEE - Evaluation des incidences de certains projet publics ou privés - Détermination des seuils. - Affaire C-392/96.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-05901


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 A quelques mois de distance de l'arrêt du 22 octobre 1998, Commission/Allemagne (C-301/95, non encore publié au Recueil), la Cour est de nouveau appelée à se prononcer sur la transposition correcte de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (ci-après la «directive») (1). En l'espèce, il s'agit d'établir si l'Irlande a adopté les mesures nécessaires pour assurer la transposition correcte de la directive dans sa législation nationale.

II - La phase précontentieuse

2 Le 13 octobre 1989, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à l'Irlande, conformément à la procédure prévue à l'article 169 du traité CE. A la suite de cette mise en demeure, l'Irlande a communiqué à la Commission la législation irlandaise de transposition de la directive: la SI n_ 349 de 1989 et la SI n_ 25 de 1990.

3 Le 7 novembre 1991, la Commission, après avoir examiné la législation irlandaise, a adressé à l'Irlande une nouvelle mise en demeure, qui a été suivie d'une lettre en réponse du gouvernement irlandais, du 12 mai 1992.

4 Le 28 avril 1993, la Commission a adressé un avis motivé, par lequel elle reprochait à l'Irlande:

a) de ne pas avoir transposé l'article 3 de la directive;

b) de ne pas avoir correctement transposé l'article 4, paragraphe 2, et l'annexe II de la directive;

c) de ne pas avoir correctement transposé les exemptions visées à l'article 2, paragraphe 3, de la directive;

d) de ne pas avoir correctement défini les informations à fournir par le maître d'ouvrage conformément à l'article 5 de la directive;

e) de ne pas avoir correctement défini les informations devant être fournies au public conformément à l'article 6, paragraphe 2, de la directive;

f) de ne pas avoir correctement défini les informations devant être fournies aux autres États membres, conformément à l'article 7 de la directive;

g) de ne pas avoir transposé la directive dans le délai fixé à l'article 12 de celle-ci.

5 Après l'adoption de l'avis motivé, un échange de communications entre l'Irlande et la Commission s'en est suivi. Par lettre du 20 août 1993, l'Irlande a contesté une partie de l'avis motivé. Par lettre du 7 décembre 1994, elle a communiqué les Local Government Regulations 1994; par lettre du 7 mai 1996, elle a transmis la SI n_ 101 de 1996. Un autre échange de correspondances a eu lieu entre la Commission et l'Irlande à propos de la plainte n_ P 95/4724 concernant le reboisement et de la plainte n_ P 95/4219 concernant l'extraction de tourbe.

Analyse juridique

6 Le présent litige concerne les mesures adoptées par l'Irlande pour transposer dans son ordre juridique la directive.

7 Comme nous l'expliquerons plus avant, l'Irlande ne conteste pas le grief tiré de la transposition incorrecte de l'article 2, paragraphe 3, et des articles 5 et 7 de la directive. Les griefs dont nous nous occuperons dans la suite des présentes conclusions sont les autres reproches concernant les dispositions par lesquelles l'Irlande s'est prévalue de la faculté, reconnue aux États membres par l'article 4, paragraphe 2, de la directive, de fixer des critères et des seuils aux fins de la détermination des projets, parmi ceux figurant sous les classes (ou catégories) énumérées à l'annexe II, devant faire l'objet d'une évaluation préalable sous l'angle des incidences sur l'environnement, conformément aux dispositions des articles 5 à 10 de cette directive. Les mesures en question excèdent, selon la Commission, les limites du pouvoir discrétionnaire reconnu à l'État défendeur.

8 Les griefs présentement en cause ne portent, en substance, que sur trois classes de projets: affectation de terres incultes ou d'étendues semi-naturelles à l'exploitation agricole intensive; premiers reboisements ou défrichements; extraction de tourbe. Pour conclure que les seuils retenus par les autorités irlandaises vont à l'encontre des prescriptions de la directive, la Commission formule des observations de caractère général concernant les trois classes de projets soumises à l'examen de la Cour, en y ajoutant de surcroît les arguments sur la base desquels les critiques adressées à l'Irlande devraient être regardées comme justifiées de manière précise sous les différents aspects du recours.

Ces observations d'ordre général peuvent, résumées de manière synthétique, être exposées comme suit.

9 Lors de la fixation des seuils, l'État défendeur aurait omis d'établir une distinction entre les zones qui ont une importance et une valeur reconnues pour la conservation de la nature et les zones qui n'en ont pas; il n'aurait pas tenu compte de ce que les zones pertinentes aux fins de la conservation de la nature (ou de la sauvegarde du patrimoine archéologique ou géomorphologique, ou autres valeurs environnementales, selon le cas) ont souvent une étendue nettement inférieure par rapport au niveau spatial d'application des projets, établi par lesdits seuils, ni tenu compte de l'inexistence, en Irlande, d'autres procédures d'évaluation préalable appropriées pour ce qui est des projets n'atteignant pas le seuil, formellement arrêtées au moyen d'une loi (statutory instrument) et répondant aux fins et aux règles posées par la directive.

Les autorités irlandaises n'auraient pas non plus considéré de façon appropriée le fait que des projets relevant des classes faisant l'objet du litige peuvent avoir une incidence sensible sur l'environnement, même s'ils n'atteignent pas le seuil fixé, du fait des effets inhérents au développement d'un projet dans le temps, ou à la réalisation simultanée de projets distincts dans des zones contiguës de la part de plusieurs sujets intéressés, lorsqu'aucun de ces projets n'excède à lui seul la limite du seuil, alors que leur effet cumulatif ou leur développement dans le temps peuvent léser les valeurs environnementales et ne sauraient dès lors être soustraits à l'examen préventif prescrit par la directive.

10 L'Irlande conteste, de son côté, toute la série des arguments avancés par la Commission en ce qu'ils seraient privés de fondement pour ce qui est des dispositions tirées de la directive, concernant les seuils, et dans la lecture qu'en a donné la Cour. La Commission serait en outre en défaut de prouver que le seuil, tel qu'il a été fixé en liaison avec les classes de projets présentement en cause, s'est traduit concrètement, sous l'un quelconque des aspects soulevés dans le recours, par une atteinte à l'environnement. Le grief formulé de manière spécifique au regard d'un possible effet cumulatif de projets ne dépassant pas le seuil, ou lié à leur développement, devrait en outre être jugé irrecevable. Ce dernier aspect ainsi soutenu par l'Irlande est préliminaire par rapport à certains griefs de fond et doit être examiné en premier lieu.

Le point de vue de l'irrecevabilité de certains griefs et des éléments de preuve y relatifs

11 L'Irlande nous dit que la Commission n'avait soulevé le grief rappelé en dernier lieu ni au cours de la procédure administrative ni dans l'avis motivé. Il s'agirait donc d'un moyen nouveau et, partant, irrecevable puisque, selon une jurisprudence constante de la Cour, la Commission ne peut pas, au titre de l'article 169 du traité, faire valoir au stade juridictionnel des moyens autres que ceux invoqués au cours de la phase précontentieuse pour faire grief aux États membres d'un manquement à une quelconque obligation qui leur est imposée par le traité. Seraient donc également irrecevables les preuves alléguées par la Commission en ce qui concerne les prétendues incidences sur l'environnement de l'effet cumulatif des projets, ou lié à leur développement, argument avancé, aux dires de l'Irlande, par la requérante pour introduire de nouveaux griefs à ce stade. Pour collecter les éléments de preuve contestés, la Commission se serait en outre largement, sinon de façon exclusive, fiée aux doléances qui lui ont été soumises par des personnes privées, alors que ces plaintes, qui n'ont pas été mentionnées dans l'avis motivé, font l'objet d'autres enquêtes conduites par la requérante elle-même, qui sont encore en cours.

12 De son côté, la Commission réplique qu'elle s'est référée au problème du cumul et du développement des projets dans le seul but, d'ailleurs évident, de préciser et de développer la thèse qu'elle a fait valoir dans l'avis motivé, selon laquelle le système des seuils adoptés par l'Irlande entraîne une transposition erronée de la directive, précisément en ce que l'État défendeur a omis d'évaluer, outre et ensemble avec le facteur dimension/capacité, d'autres caractéristiques des projets: le problème des effets cumulatifs ou liés au développement serait donc à considérer comme connexe à celui de la sensibilité du lieu, à savoir de la localisation du projet dans des zones d'importance potentielle et significative pour l'évaluation de l'impact, problème déjà soulevé par la Commission lors de la phase précontentieuse.

13 Quant aux preuves que l'Irlande considère irrecevables, la Commission précise qu'elle a produit des éléments de fait destinés à servir d'illustrations des retombées concrètes du manquement imputé, sur le plan juridique, à l'État défendeur pour ce qui est de la fixation des seuils. Ces données, ajoute-t-elle, qui figurent au moins en partie dans des rapports rendus publics, ne présentent que de manière incidente un rapport avec des informations obtenues dans d'autres enquêtes actuellement menées par la Commission, en...

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