Emesa Sugar (Free Zone) NV contra Aruba.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:273
Docket NumberC-17/98
Celex Number61998CC0017
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date01 June 1999
EUR-Lex - 61998C0017 - FR 61998C0017

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 1er juin 1999. - Emesa Sugar (Free Zone) NV contre Aruba. - Demande de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank 's-Gravenhage - Pays-Bas. - Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer - Décision 97/803/CE - Importations de sucre - Cumul d'origine ACP/PTOM - Appréciation de validité - Juridiction nationale - Mesures provisoires. - Affaire C-17/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-00675


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 La présente demande de décision préjudicielle vous est soumise par le président de l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage (tribunal de première instance de La Haye) (Pays-Bas); elle a pour objet la validité de la modification apportée par le Conseil au régime d'association entre la Communauté européenne et les pays et territoires d'outre-mer (ci-après les «PTOM»). Ce régime, établi pour dix ans par la décision 91/482/CEE, du 25 juillet 1991 (1) (ci-après la «décision 91/482» ou la «décision PTOM»), a été fortement remanié, pendant sa période d'application, par l'adoption de la décision 97/803/CE, du 24 novembre 1997 (2) (ci-après la «décision 97/803» ou la «décision de révision»), qui a affecté notamment les possibilités d'exportation de sucre vers la Communauté à partir des PTOM.

2 Les différentes questions préjudicielles ont été soulevées dans le cadre d'une procédure en référé ouverte par la société néerlandaise Emesa Sugar (Free Zone) NV (ci-après «Emesa») contre les autorités métropolitaines du royaume des Pays-Bas et celles de l'île caraïbe d'Aruba, qui est l'un des PTOM. Le but déclaré était en substance que les dispositions contenues dans la décision de révision restent inappliquées, afin que la décision PTOM continue de s'appliquer à l'importation de sucre provenant d'Aruba.

3 La procédure au principal fait partie d'une véritable «batterie» de contentieux (3) ouverts par Emesa et d'autres opérateurs économiques ainsi que par les autorités d'Aruba et des Antilles néerlandaises, tant devant les juridictions nationales que devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (4), afin de s'opposer à l'application de la décision 97/803. La même juridiction néerlandaise de première instance a en outre saisi la Cour de justice d'une autre demande préjudicielle, apparentée (5).

4 La présente affaire a comme toile de fond la difficulté qu'il y a pour le législateur communautaire de concilier les exigences de la politique agricole commune et, plus concrètement, celles dérivées de l'organisation commune du marché du sucre, avec les objectifs de traitement commercial préférentiel et de contribution au développement consacrés dans la quatrième partie du traité CE en faveur des PTOM. En particulier, la Cour de justice est appelée à se prononcer sur l'existence ou non en droit communautaire d'un principe qui ferait obstacle à ce que, une fois accordés, des avantages reconnus aux PTOM dans le cadre du régime d'association puissent être retirés ou limités («principe du verrouillage»).

II - Les faits

5 La société Emesa Sugar (Free Zone) NV a été constituée le 6 février 1997 avec des capitaux provenant d'un groupe américano-brésilien, The Emesa Group. Dès le mois d'avril de la même année, elle a entamé ses activités sucrières sur l'île d'Aruba. Cette dépendance autonome du royaume des Pays-Bas est - comme je l'ai déjà annoncé - l'un des PTOM énumérés à l'annexe IV du traité CE.

6 Comme Aruba ne produit pas de sucre, l'entreprise demanderesse au principal obtient la matière première nécessaire à ses activités dans les raffineries de canne à sucre établies à Trinité-et-Tobago, qui est l'un des États du groupe «Afrique, Caraïbes et Pacifique» (ci-après les «ACP»). Le sucre ainsi acheté est soumis par Emesa à des opérations de raffinage, de calibrage ou de mouture («milling») (6), et d'emballage. Selon l'entité demanderesse, sa capacité de production annuelle s'élève à, au moins, 34 000 tonnes de sucre.

7 En vertu de l'article 6, paragraphes 2 et 3, de l'annexe II de la décision PTOM, relatif à ce que l'on a coutume d'appeler le «cumul d'origine ACP/PTOM» (voir le point 25 ci-après), les opérations décrites au point antérieur sont suffisantes pour que le sucre puisse être considéré comme originaire d'un PTOM et comme ayant, à ce titre, toute liberté d'accès au marché communautaire. Comme le prix du sucre est trois fois plus élevé dans l'Union européenne que sur le marché mondial (7), l'intérêt commercial d'une telle opération se comprend facilement.

8 Les tentatives d'Emesa pour empêcher, par des actions en justice, la participation du royaume des Pays-Bas à la révision de la décision PTOM ont buté sur l'arrêt du Gerechtshof te 's-Gravenhage (cour d'appel de La Haye) du 20 novembre 1997. Cette décision - qui fait actuellement l'objet d'un pourvoi en cassation - a annulé deux ordonnances par lesquelles la juridiction de renvoi de la présente affaire faisait droit aux demandes d'Emesa.

9 Dans le cadre de cette procédure, le même président de l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage a, par ordonnance du 4 novembre 1997, saisi la Cour d'une question préjudicielle relative à la possibilité pour les juridictions nationales de s'opposer à la participation des autorités d'un État membre à l'adoption d'actes communautaires (8). L'État néerlandais a introduit un recours contre cette ordonnance de renvoi.

10 La décision 97/803, qui a été adoptée par le Conseil le 24 novembre 1997, pour entrer en vigueur le 1er décembre suivant, limite à 3 000 tonnes par an la quantité de sucre qui peut être importée dans la Communauté en exonération de droits de douane dans le cadre du régime de cumul d'origine ACP/PTOM. Elle a ainsi mis fin à la situation décrite au point antérieur, ce qui a eu des répercussions importantes sur les objectifs économiques d'Emesa. En effet, le contingent de 3 000 tonnes de sucre par an correspond à peine - selon l'entreprise elle-même - à sa production d'un mois.

11 Une fois adoptée la décision 97/803, Emesa a saisi le président de l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage de la demande de mesures provisoires qui a donné lieu à la présente affaire. L'objet de cette demande était d'interdire à l'État d'appliquer au sucre d'Emesa de nouveaux droits ou taxes à l'importation, d'interdire en outre au Hoofdproductschap voor Akkerbouwproducten (ci-après le «HPA») de refuser de délivrer des licences d'importation pour ce même produit et, finalement, d'interdire à Aruba de refuser à Emesa la délivrance des certificats EUR.1 correspondants. Les certificats EUR.1 sont des documents de circulation de marchandises délivrés par les autorités douanières des PTOM pour attester l'origine des produits (9).

Néanmoins, dans l'ordonnance de renvoi elle-même, le juge néerlandais a déclaré la demande irrecevable, faute de compétence matérielle de sa part, dans la mesure où elle était dirigée contre l'État néerlandais (Staat der Nederlanden) et le HPA, et il ne l'a considérée comme recevable qu'en ce qui concerne Aruba. Par suite, l'objet de la procédure au principal se limite à la demande d'Emesa - accueillie dans la même ordonnance - visant à obtenir que le juge interdise aux autorités compétentes de l'île d'Aruba de refuser de délivrer le certificat EUR.1 pour le sucre produit par la partie demanderesse, au motif que ce refus n'aurait pas été possible sous l'empire de la décision 91/482.

III - Les questions préjudicielles

12 Dans ce contexte, le président de l'Arrondissementsrechtbank a décidé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes des questions préjudicielles suivantes:

«1) La révision à mi-parcours de la décision d'association, au 1er décembre 1997, par décision 97/803/CE du Conseil, du 24 novembre 1997 (JO 1997, L 329, p. 50) - plus particulièrement l'article 108 ter, paragraphe 1, ainsi que la suppression du `milling' comme mode de transformation retenu pour l'origine, qu'elle comporte - est-elle bel et bien proportionnelle?

2. Est-il admissible que ladite décision du Conseil - plus particulièrement l'article 108 ter, paragraphe 1, ainsi que la suppression du `milling' comme mode de transformation retenu pour l'origine, qu'elle comporte - aille dans ses effets restrictifs (nettement) au-delà de ce qui aurait été possible en recourant à des mesures de sauvegarde au titre de l'article 109 de la décision d'association?

3. Le traité CE, en particulier sa quatrième partie, permet-il qu'une décision du Conseil, telle que visée à l'article 136, second alinéa, du traité CE - en l'espèce la décision précitée (97/803/CE) - comporte des restrictions quantitatives à l'importation ou des mesures d'effet équivalent?

4. La troisième question appelle-t-elle une réponse différente

a) si ces restrictions ou ces mesures prennent la forme de contingents tarifaires ou de restrictions aux règles d'origine ou les deux combinés

ou

b) si les dispositions en question comportent des mesures de sauvegarde ou pas?

5. Découle-t-il du traité CE, en particulier de sa quatrième partie, que, dans le cadre de l'article 136, second alinéa, les réalisations acquises - dans le sens de mesures favorables aux PTOM - ne peuvent par la suite être revues ou annulées au détriment des PTOM?

6. Si cela n'est bel et bien plus possible, les décisions en question du Conseil sont-elles alors nulles et les particuliers peuvent-ils alors l'invoquer dans un litige porté devant le juge national?

7. Dans quelle mesure la décision PTOM de 1991 (91/482/CEE, JO 1991, L 263 et rectificatif dans le JO 1993, L 15, p. 33) doit-elle être réputée s'appliquer sans être revue durant la période de dix ans, visée à son article 240, paragraphe 1, dès lors que le Conseil ne l'a pas révisée avant le terme (de la première période) des cinq premières années, visé à son article 240, paragraphe 3, initio?

8...

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