Vantaan kaupunki contra Skanska Industrial Solutions Oy y otros.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:100
Docket NumberC-724/17
Celex Number62017CC0724
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date06 February 2019
62017CC0724

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 6 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑724/17

Vantaan kaupunki

contre

Skanska Industrial Solutions Oy,

NCC Industry Oy,

Asfaltmix Oy

[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande)]

« Renvoi préjudiciel – Article 101 TFUEPrivate enforcement (mise en œuvre sur l’initiative de la sphère privée) du droit de la concurrence – Responsabilité civile – Action en dommages et intérêts – Réparation d’un préjudice causé par un comportement contraire au droit de la concurrence de l’Union européenne – Conditions préalables pour l’indemnisation – Personnes tenues au paiement de l’indemnisation – Notion d’“entreprise” – Principe de la continuité économique »

1.

Cette affaire concerne les conditions qui sous-tendent la responsabilité civile pour violation du droit de la concurrence de l’Union européenne, responsabilité que feu l’avocat général Van Gerven avait fermement préconisée dans les conclusions fondatrices qu’il a présentées, il y a quelque 25 ans, dans l’affaire Banks ( 2 ). Ces conclusions m’ont impressionné à l’époque et elles restent encore à ce jour une source d’inspiration. C’est donc un plaisir de pouvoir achever mon mandat d’avocat général en présentant à mon tour des conclusions dans ce domaine même et de pouvoir me fonder sur les enseignements des conclusions présentées dans l’affaire Banks.

2.

Le domaine de la responsabilité civile a connu, depuis lors, des développements jurisprudentiels ( 3 ) et législatifs ( 4 ) importants. Néanmoins, plusieurs questions fondamentales n’ont pas encore reçu de réponse. L’une d’elles est la question qui concerne les personnes pouvant être tenues à la réparation du préjudice dû à une infraction au droit de la concurrence.

3.

Dans le cadre de la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’Union par les autorités publiques, l’application du principe de la continuité économique sert à déterminer les responsables de la violation de ces règles. Fondé sur une interprétation large de la notion d’« entreprise » à laquelle les dispositions en matière de concurrence contenues dans le traité se réfèrent, ce principe exige que la responsabilité ne soit pas limitée à la personne morale qui a participé au comportement anticoncurrentiel. Dans le cas d’une restructuration ou d’autres modifications dans la structure d’entreprise, une sanction pécuniaire peut être infligée à toute entité qui, d’un point de vue économique, est identique à l’entité ayant enfreint le droit de la concurrence de l’Union ( 5 ).

4.

La présente affaire soulève la question de savoir si ce principe fondamental du droit de la concurrence de l’Union doit également être appliqué dans le cadre de la mise en œuvre de ce droit sur l’initiative de la sphère privée (private enforcement). Plus spécifiquement, la question qui se pose à la Cour est de savoir si, dans le cadre d’une action de droit privé en dommages et intérêts, une société qui a poursuivi l’activité économique d’une autre société ayant participé à une entente peut être tenue de payer des dommages et intérêts pour le préjudice que la violation de l’article 101 TFUE a causé.

I. Le cadre juridique

5.

En droit finlandais, seule l’entité juridique qui a causé le préjudice est, en principe, tenue de payer des dommages et intérêts.

6.

Selon le droit finlandais des sociétés, toute société à responsabilité limitée est une entité juridique distincte, dotée de son propre patrimoine et de sa propre responsabilité.

7.

En outre, en ce qui concerne les conditions préalables d’une indemnisation dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle, le droit finlandais veut que toute personne qui cause délibérément ou par négligence un préjudice à une autre personne soit tenue de l’indemniser.

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

8.

Il existait en Finlande, entre les années 1994 et 2002, une entente sur le marché de l’asphalte. Par décision du 29 septembre 2009, le Korkein hallinto‑oikeus (Cour administrative suprême, Finlande) a infligé des sanctions pécuniaires à sept sociétés en raison d’un comportement anticoncurrentiel, jugé contraire à la loi finlandaise sur les restrictions à la concurrence et (eu égard à l’effet de cette entente sur le commerce entre États membres) aux dispositions qui sont prévues actuellement à l’article 101 TFUE.

9.

L’une des sociétés condamnées à payer une sanction pécuniaire était Lemminkäinen Oyj, avec qui la Vantaan kaupunki (ville de Vantaa, Finlande, ci‑après la « ville de Vantaa ») avait conclu plusieurs contrats de travaux d’asphaltage, entre les années 1998 et 2001.

10.

À la différence de Lemminkäinen, certaines autres sociétés impliquées dans l’entente, à savoir Sata-Asfaltti Oy, Interasfaltti Oy et Asfalttineliö Oy, avaient été dissoutes depuis lors dans le cadre de procédures de liquidation volontaire, et leurs seuls actionnaires respectifs, connus à présent sous le nom de Skanska Industrial Solutions Oy, de NCC Industry Oy et d’Asfaltmix Oy, avaient acquis les actifs de leurs filiales et avaient poursuivi les activités économiques desdites filiales.

11.

En application du principe de continuité économique, le Korkein hallinto‑oikeus (Cour administrative suprême) a infligé une sanction pécuniaire à Skanska Industrial Solutions, pour son propre comportement ainsi que pour le comportement de Sata-Asfaltti, à NCC Industry pour le comportement d’Interasfaltti, et à Asfaltmix pour le comportement d’Asfalttineliö.

12.

À la suite de la décision du Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême), la ville de Vantaa a intenté une action en responsabilité civile devant le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki, Finlande) contre les sociétés qui avaient été condamnées à payer des sanctions pécuniaires, y compris Skanska Industrial Solutions, NCC Industry et Asfaltmix.

13.

Dans cette procédure, la ville de Vantaa a demandé que ces sociétés répondent solidairement de la réparation du préjudice causé par les prix excessifs des travaux d’asphaltage qu’elle avait eu à payer du fait de l’entente. Skanska Industrial Solutions, NCC Industry et Asfaltmix ont contesté l’action en dommages et intérêts au motif, notamment, qu’elles ne pouvaient pas être tenues pour responsables d’un préjudice prétendument causé par des sociétés juridiquement indépendantes. Elles ont soutenu en conséquence que les demandes d’indemnisation auraient dû être dirigées contre les sociétés qui ont été dissoutes dans les procédures de liquidation. Selon elles, puisque les demandes n’ont pas été produites dans les procédures de liquidation volontaire par lesquelles les sociétés qui avaient participé à l’entente ont été dissoutes, les obligations ont cessé d’exister.

14.

La question qui se trouve au cœur de la procédure au principal est donc de savoir si Skanska Industrial Solutions, NCC Industry et Asfaltmix peuvent être tenues de payer des dommages et intérêts pour le préjudice causé par le comportement anticoncurrentiel de Sata-Asfaltti, d’Interasfaltti et d’Asfalttineliö. À cet égard, le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki) et la juridiction d’appel ont adopté des positions divergentes.

15.

Le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki) a jugé que, si le principe de continuité économique n’était pas appliqué dans une telle situation, il pourrait être impossible ou déraisonnablement difficile en pratique pour une personne d’obtenir la réparation du préjudice causé par une violation des règles de concurrence concernées. Il en va ainsi en particulier lorsque la société qui a commis l’infraction a cessé ses activités et qu’elle a été dissoute. Dans ces conditions, le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki) a considéré que, aux fins d’assurer l’effectivité de l’article 101 TFUE, tant l’imputation de la responsabilité pour ce qui concerne les sanctions pécuniaires que l’imputation de la responsabilité pour ce qui concerne les dommages et intérêts devaient être faites par application des mêmes principes. Le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki) a ainsi conclu que Skanska Industrial Solutions, NCC Industry et Asfaltmix étaient tenues de payer des dommages et intérêts du fait du comportement anticoncurrentiel de Sata-Asfaltti, d’Interasfaltti et d’Asfalttineliö.

16.

La juridiction d’appel compétente saisie du recours contre cette décision, le Helsingin hovioikeus (cour d’appel de Helsinki, Finlande), a jugé qu’il n’y avait aucun fondement pour appliquer le principe de continuité économique dans des procédures en responsabilité civile pour violation du droit de la concurrence. Selon le Helsingin hovioikeus (cour d’appel de Helsinki), la nécessité d’assurer l’effectivité du droit de la concurrence de l’Union ne saurait être invoquée pour justifier une atteinte aux principes fondamentaux de la responsabilité extracontractuelle que prévoit le système juridique national. Les principes régissant l’imposition d’une sanction pécuniaire ne peuvent pas être utilisés dans le cadre d’une action en responsabilité civile, en l’absence de toute disposition plus précise à cet effet. Le Helsingin hovioikeus (cour d’appel de Helsinki) a donc rejeté les demandes de la ville de Vantaa dans la mesure où elles étaient dirigées contre Skanska Industrial Solutions, contre NCC Industry et contre Asfaltmix, pour le comportement de Sata-Asfaltti, d’Interasfaltti et d’Asfalttineliö.

17.

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