Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 28 May 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:390
Date28 May 2020
Celex Number62018CC0597
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 28 mai 2020 (1)

Affaires jointes C597/18 P, C598/18 P, C603/18 P et C604/18 P

Conseil de l’Union européenne

contre

Dr. K. Chrysostomides & Co. LLC,

et les autres parties dont les noms figurent dans l’annexe I (2)

Commission européenne,

Banque centrale européenne (BCE),

Eurogroupe

Union européenne (C597/18 P)

et

Conseil de l’Union européenne

contre

Eleni Pavlikka Bourdouvali,

et les autres parties dont les noms figurent dans l’annexe II (3)

Commission européenne,

Banque centrale européenne (BCE),

Eurogroupe

Union européenne (C598/18 P)

et

Dr. K. Chrysostomides & Co. LLC,

et les autres parties dont les noms figurent dans l’annexe I (C603/18 P)

Eleni Pavlikka Bourdouvali,

et les autres parties dont les noms figurent dans l’annexe II,

(C604/18 P)

contre

Conseil de l’Union européenne

Commission européenne,

Banque centrale européenne (BCE),

Eurogroupe,

Union européenne (C603/18 P et C604/18 P)

« Pourvoi – Responsabilité non contractuelle – Politique économique et monétaire – Programme de soutien à la stabilité de Chypre – Eurogroupe – Nature juridique – Compétence des juridictions de l’Union »






1. Quelle est la nature juridique de l’Eurogroupe ? Comment cet organisme se positionne-t-il dans le cadre constitutionnel complexe de l’Union économique et monétaire (ci‑après l’« UEM ») ? L’Eurogroupe peut-il être qualifié d’« institution » au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE ? Partant, les juridictions de l’Union sont-elles compétentes en matière de recours en indemnité formés, conformément à cette disposition, contre l’Eurogroupe concernant d’éventuels dommages causés par des actes prétendument préjudiciables pris par cet organisme ?

2. Telles sont les questions soulevées dans les présentes conclusions qui portent sur deux pourvois formés par le Conseil de l’Union européenne (4), soutenu par la Commission européenne, contre deux arrêts du Tribunal (ci‑après les « arrêts attaqués ») (5), dans lesquels ce dernier a rejeté les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Conseil concernant des recours en indemnité introduits, entre autres, contre l’Eurogroupe.

3. Les affaires relatives aux deux pourvois précités du Conseil, sur lesquelles se concentrent les présentes conclusions, conformément au souhait de la Cour, sont jointes à deux autres affaires relatives à des pourvois (6) introduits par des titulaires de dépôts ou des actionnaires de deux banques chypriotes (mentionnés dans les annexes I et II, ci‑après les « requérants en première instance »), également dirigés contre les arrêts attaqués. Ceux-ci demandent l’annulation desdits arrêts en ce que le Tribunal a rejeté les recours en indemnité qu’ils avaient introduits contre le Conseil, la Commission, la Banque centrale européenne (BCE) et l’Eurogroupe concernant les dommages prétendument causés par une série d’actes adoptés par ces derniers, parmi lesquels figurent certaines déclarations de l’Eurogroupe (7).

4. Les présentes affaires revêtent une importance constitutionnelle indéniable. Elles offrent à la Cour la possibilité de préciser la nature juridique de l’Eurogroupe, organisme doté d’une influence politique certes importante, mais qui constitue, dans le cadre constitutionnel/institutionnel européen, l’organisme qui est peut-être le plus sujet à controverse et le moins facile à classer.

I. Le cadre juridique

5. L’article 137 TFUE dispose que « [l]es modalités des réunions entre ministres des États membres dont la monnaie est l’euro sont fixées par le protocole sur l’Eurogroupe ».

6. Le protocole nº 14 sur l’Eurogroupe annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci‑après le « protocole nº 14 ») énonce, dans son préambule, que : « LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES, DÉSIREUSES de favoriser les conditions d’une croissance économique plus forte dans l’Union européenne et, à cette fin, de développer une coordination sans cesse plus étroite des politiques économiques dans la zone euro, CONSCIENTES de la nécessité de prévoir des dispositions particulières pour un dialogue renforcé entre les États membres dont la monnaie est l’euro, en attendant que l’euro devienne la monnaie de tous les États membres de l’Union, SONT CONVENUES des dispositions […] » visées aux articles 1er et 2 de ce protocole.

7. L’article 1er du protocole nº 14 dispose que : « [l]es ministres des États membres dont la monnaie est l’euro se réunissent entre eux de façon informelle. Ces réunions ont lieu, en tant que de besoin, pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique. La Commission participe aux réunions. La Banque centrale européenne est invitée à prendre part à ces réunions, qui sont préparées par les représentants des ministres chargés des finances des États membres dont la monnaie est l’euro et de la Commission ».

8. L’article 2 du protocole nº 14 prévoit que : « [l]es ministres des États membres dont la monnaie est l’euro élisent un président pour deux ans et demi, à la majorité de ces États membres ».

II. Les faits

9. Les antécédents du litige sont exposés avec précision aux points 10 à 46 des arrêts attaqués, auxquels je renvoie pour de plus amples détails.

10. Aux fins des présentes conclusions, il suffit de rappeler que, pendant la crise financière qui a commencé en 2011, un certain nombre de banques ayant leur siège à Chypre, dont Cyprus Popular Bank et la Bank of Cyprus, ont rencontré de graves difficultés financières en 2012.

11. Intervenant au soutien de son système bancaire, la République de Chypre a présenté, en juin 2012, une demande d’assistance financière au président de l’Eurogroupe, qui a abouti à la négociation d’un protocole d’accord, dans le cadre d’un programme d’ajustement macroéconomique, entre la Commission, en liaison avec la BCE et le Fonds monétaire international (FMI), et les autorités chypriotes.

12. Ce protocole d’accord a été approuvé le 24 avril 2013 par le conseil des gouverneurs du mécanisme européen de stabilité (MES), a été signé le 26 avril 2013 et a été approuvé le 30 avril 2013 par le Parlement chypriote.

13. Le 25 avril 2013, le Conseil a adopté, en vertu de l’article 136, paragraphe 1, TFUE, la décision 2013/236, adressée à Chypre, portant mesures spécifiques pour restaurer la stabilité financière et une croissance durable (8).

14. Tant au cours de la période précédant l’adoption du protocole d’accord qu’après sa signature et son approbation, l’Eurogroupe a fait plusieurs déclarations publiques concernant l’assistance financière en faveur de la République de Chypre.

15. Plus précisément, par déclaration du 25 mars 2013, l’Eurogroupe a, entre autres, annoncé la conclusion d’un accord sur les éléments essentiels d’un futur programme macroéconomique d’ajustement soutenu par tous les États membres dont la monnaie est l’euro, ainsi que par la Commission, la BCE et le FMI. Par déclaration du 13 mai 2013, l’Eurogroupe a salué la décision du Conseil des gouverneurs du MES d’approuver la première partie de l’aide et a confirmé que la République de Chypre avait mis en œuvre les mesures convenues dans le protocole d’accord du 26 avril 2013. Par déclaration du 13 septembre 2013, l’Eurogroupe s’est notamment félicité, d’une part, de la conclusion de la première mission de contrôle de la Commission, de la BCE et du FMI et, d’autre part, du fait que la Bank of Cyprus était sortie de la procédure de résolution.

III. Procédure devant le Tribunal et arrêts attaqués

16. Par des recours introduits devant le Tribunal respectivement le 20 décembre 2013 (affaire T‑680/13) et le 1er décembre 2014 (affaire T‑786/14), les requérants en première instance ont engagé les actions en indemnité mentionnées au point 3 ci‑dessus à l’encontre, entre autres, de l’Eurogroupe.

17. Au cours de la procédure devant le Tribunal, le Conseil, la Commission et la BCE ont soulevé, par actes séparés (9), des exceptions d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

18. Par les arrêts attaqués, le Tribunal a rejeté les recours introduits par les requérants en première instance et les a condamnés aux dépens.

IV. Conclusions des parties

19. Dans les affaires C‑597/18 P et C‑598/18 P, qui font l’objet des présentes conclusions, le Conseil demande à la Cour d’annuler les parties des arrêts attaqués dans lesquelles le Tribunal a rejeté les exceptions d’irrecevabilité qu’il a soulevées concernant les recours en indemnité introduits à l’encontre de l’Eurogroupe et de condamner les requérants en première instance aux dépens.

20. Dans les affaires précitées, les requérants en première instance demandent à la Cour de rejeter les pourvois formés par le Conseil et de le condamner aux dépens.

21. La Commission demande à la Cour d’accueillir les pourvois formés par le Conseil et de condamner les requérants en première instance aux dépens des deux instances.

22. La République de Finlande, admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil par ordonnance du président de la Cour du 21 février 2019, demande à la Cour d’accueillir les pourvois formés par le Conseil et d’annuler les arrêts attaqués en ce qu’ils déclarent recevables les recours en indemnité formés par les requérants en première instance à l’encontre de l’Eurogroupe.

V. Analyse des pourvois

23. Les pourvois introduits par le Conseil, qui font, comme cela a été dit, l’objet des présentes conclusions, contestent le raisonnement suivi par le Tribunal dans les arrêts attaqués (respectivement aux points 106 à 114 de l’arrêt dans l’affaire T‑680/13 et aux points 102 à 110 de l’arrêt dans l’affaire T‑786/14) et la conclusion subséquente selon laquelle l’Eurogroupe doit être qualifié d’« institution » au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, de manière à ce que les actes dommageables pris...

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