Sonia Jackson y Patricia Cresswell contra Chief Adjudication Officer.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1992:212
Docket NumberC-63/91,C-64/91
Celex Number61991CC0063
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 May 1992
EUR-Lex - 61991C0063 - FR 61991C0063

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 15 mai 1992. - Sonia Jackson et Patricia Cresswell contre Chief Adjudication Officer. - Demandes de décision préjudicielle: Court of Appeal (England) - Royaume-Uni. - Égalité entre hommes et femmes - Sécurité sociale - Emploi et formation professionnelle - Allocation d'indigence. - Affaires jointes C-63/91 et C-64/91.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-04737


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Les deux affaires qui nous occupent aujourd' hui concernent une demande de décision préjudicielle introduite par la Court of Appeal, London (ci-après "juge de renvoi"), qui souhaite s' entendre préciser la portée de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976 (ci-après "directive 76/207") (1), ainsi que la portée de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978 (ci-après "directive 79/7") (2). Les questions déférées à la Cour ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant, respectivement, Mme Sonia Jackson et Mme Patricia Cresswell, demanderesses (ci-après "Jackson et Cresswell", ou "demanderesses au principal"), au Chief Adjudication Officer britannique, défendeur (ci-après "Chief Adjudication Officer"), relativement à la compatibilité avec le droit communautaire de deux régimes britanniques de prestations sociales, dans la mesure où lesdits régimes ne tiennent pas compte des frais de garde des enfants pour le calcul des prestations.

Les faits et le cadre juridique

2. Les deux régimes de prestations sociales en litige peuvent être résumés de la manière suivante.

Le Supplementary Benefits Act 1976 (ci-après "SBA"), qui est en cause dans l' affaire C-63/91 (Jackson), a institué une allocation supplémentaire ("supplementary benefit") pour les personnes âgées de seize ans au moins qui ne disposaient pas de ressources suffisantes pour subvenir à leurs besoins ("requirements"). Les personnes ayant dépassé l' âge de la pension pouvaient obtenir cette prestation sous la forme d' une pension complémentaire ("supplementary pension"). Le montant de la prestation était fonction de l' insuffisance des ressources des intéressés par rapport à leurs besoins (qui étaient énumérés dans une liste). En revanche, les personnes qui n' avaient pas encore atteint l' âge de la pension devaient, en règle générale, pour pouvoir prétendre à une allocation supplémentaire, appelée, dans ce cas, "supplementary allowance", être disponibles en vue de l' exercice d' un emploi (3). Conformément aux Supplementary Benefit (Conditions of Entitlement) Regulations 1981, cette condition ne s' appliquait cependant pas aux personnes seules qui avaient un enfant à charge résidant sous le même toit (4).

En outre, les Supplementary Benefit (Resources) Regulations 1981 disposaient que, pour le calcul des ressources des ayants droit, il fallait déduire de leurs revenus professionnels un montant raisonnable pour les frais inhérents à la garde d' un enfant (5). Une allocation de formation ("training allowance") versée en application des dispositions de la Manpower Services Commission, l' organe légal chargé de la formation professionnelle, a été considérée comme un revenu pour le calcul de l' allocation supplémentaire (6). Pour le calcul des ressources de la personne concernée, les dépenses de la famille, et notamment les frais de garde des enfants, ne pouvaient cependant pas être déduites de cette allocation de formation qui était pourtant considérée comme un revenu. Les frais de garde des enfants ne pouvaient pas davantage être pris en compte en ce qu' ils auraient été ajoutés à la liste des besoins. Les modalités d' application qui régissaient la composition de cette liste, les "Supplementary Benefit (Requirements) Regulations 1983", permettaient uniquement de considérer comme répondant à un besoin les frais liés à une tâche domestique ordinaire ("ordinary domestic task"), lorsque les membres de la famille en cause ayant atteint l' âge de la majorité n' étaient pas en mesure d' exécuter cette tâche eux-mêmes pour raison de vieillesse, de mauvaise santé, d' incapacité de travail ou de lourdes responsabilités familiales ("old age, ill-health, disability or heavy family responsibilities") (7).

3. A partir du mois d' avril 1988, le SBA a été remplacé par le Social Security Act 1986 (ci-après "SSA"), qui est au centre de l' affaire C-64/91 (Cresswell). Cette dernière loi remplace l' allocation supplémentaire dont nous venons de parler par ce qu' elle appelle un complément de ressources ("income support"), qui est versé à toute personne âgée de 18 ans au moins dont les revenus ne suffisent pas à couvrir les besoins, qui n' exerce aucune activité rémunérée ("is not engaged in remunerative work") ou dont le conjoint, marié ou non, n' exerce aucune activité rémunérée et qui - sauf quelques exceptions déterminées - est disponible en vue de l' exercice d' un emploi (8). Conformément aux Income Support (General) Regulations 1987, cette dernière condition ne s' applique pas aux parents vivant seuls qui ont la charge d' un enfant habitant sous le même toit (9). Elles définissent également la notion d' "activité rémunérée" comme étant un travail d' une durée hebdomadaire moyenne ne pouvant être inférieure à vingt-quatre heures (10). Contrairement au SBA, le SSA ne permet pas de déduire les frais de garde d' un enfant des revenus d' un travail à temps partiel. De tels frais ne peuvent pas non plus être pris en compte pour le calcul des besoins financiers d' une personne.

4. Au moment des faits qui sont à la base de l' affaire C-63/91, Mme Jackson était âgée de 23 ans. Elle était célibataire, sans travail et mère d' un enfant de quatre ans. Elle bénéficiait de différentes allocations ("child benefit" et "one-parent benefit") et, depuis mars 1982, touchait également une allocation supplémentaire au titre du SBA. En septembre 1986, elle a entamé un cours de formation professionnelle dans le cadre de la Manpower Services Commission. A ce titre, elle recevait chaque semaine une allocation de formation. Du fait de celle-ci, ses moyens financiers étaient désormais supérieurs à ses besoins, de sorte que l' Adjudication Officer, qui est l' instance compétente, a mis fin au droit de Mme Jackson à l' allocation supplémentaire. A cette occasion, il a refusé de tenir compte des frais que Mme Jackson devait exposer pour la garde de l' enfant pendant qu' elle suivait ses cours de formation professionnelle.

Au moment des faits qui sont à la base de l' affaire C-64/91, Mme Cresswell était âgée de 30 ans. Elle était divorcée et mère de deux enfants âgés respectivement de cinq et deux ans, dont elle supportait seule la charge. Pendant un certain temps, elle a été au chômage complet puis a commencé, en septembre 1988, à travailler à temps partiel en tant que dessinatrice graphique pour l' université d' Exeter (à raison de vingt-deux heures par semaine pendant l' année académique, c' est-à-dire pour une durée moyenne inférieure à vingt-quatre heures par semaine). Jusqu' à ce moment-là, elle percevait, à l' instar de Mme Jackson, les allocations dites de "child benefit" et de "one-parent benefit". Depuis un certain temps, elle bénéficiait en outre d' un complément de ressources au titre du SSA. Dès l' instant où elle a exercé une activité rémunérée, l' Adjudication Officer a réduit le complément de ressources qui lui était alloué, mais il n' a cependant pas, pour ce faire, déduit de ses revenus hebdomadaires les frais que Mme Cresswell devait exposer pour la garde de ses enfants.

5. Tant Mme Jackson que Mme Cresswell soutiennent que le refus de tenir compte des frais de garde des enfants constitue une discrimination fondée sur le sexe, qui est incompatible avec le droit communautaire applicable en la matière.

Après s' être adressées sans succès au Social Security Appeal Tribunal et au Social Security Commissioner, elles ont introduit un recours devant le juge de renvoi. Estimant que les deux affaires nécessitaient une interprétation des directives 79/7 et 76/207, celui-ci a rendu le 21 décembre 1990 deux ordonnances par lesquelles il saisissait la Cour d' un certain nombre de questions préjudicielles.

Dans l' affaire C-63/91 (Jackson), ces questions sont les suivantes:

"1) Une allocation supplémentaire - prestation pouvant être accordée, dans une série de situations personnelles, à des personnes qui disposent de ressources insuffisantes pour subvenir à leurs besoins, au sens de la définition légale, et qui peuvent relever ou ne pas relever de l' un des risques énumérés à l' article 3 de la directive 79/7 - entre-t-elle dans le champ de l' article 3 de la directive 79/7?

2) La réponse à la première question est-elle la même dans tous les cas ou dépend-elle du point de savoir si l' intéressé relève de l' un des risques énumérés à l' article 3 de la directive 79/7?

3) Les conditions ouvrant droit à l' obtention de l' allocation supplémentaire sont-elles susceptibles d' entrer dans le champ de la directive 76/207 si, bien que ces conditions concernent uniquement l' accès à l' allocation supplémentaire, l' effet de leur application peut être de nature à affecter la possibilité, pour un parent isolé, d' accéder à la formation professionnelle?"

Les questions qui ont été posées dans l' affaire C-64/91 (Cresswell) sont identiques, sauf qu' elles se rapportent à la situation de Mme Cresswell et concernent le complément de ressources:

"1) Un complément de ressources - prestation pouvant être accordée, dans une série de situations personnelles, à des personnes qui disposent de ressources insuffisantes pour subvenir à leurs besoins, au sens de la définition légale, et qui peuvent relever ou ne pas relever de l' un des risques énumérés à l' article 3 de la directive 79/7 - entre-t-il dans le champ de l' article 3 de la directive 79/7?

2) La réponse à...

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