Opinion of Advocate General Bobek delivered on 6 October 2021.
Jurisdiction | European Union |
Date | 06 October 2021 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MICHAL BOBEK
présentées le 6 octobre 2021 (1)
Affaire C‑348/20 P
Nord Stream 2 AG
contre
Parlement européen
Conseil de l’Union européenne
« Pourvoi – Énergie – Marché intérieur du gaz naturel – Directive (UE) 2019/692 – Application de la directive 2009/73/CE aux conduites de gaz à destination et en provenance de pays tiers – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Qualité pour agir d’un particulier – Affectation directe – Affectation individuelle – Règles en matière de production des preuves devant les juridictions de l’Union – Admissibilité de documents internes des institutions de l’Union »
I. Introduction
1. Nord Stream 2 AG (ci‑après la « requérante ») a formé un pourvoi contre l’ordonnance du Tribunal (2) qui a rejeté comme étant irrecevable son recours au titre de l’article 263 TFUE en annulation de la directive (UE) 2019/692 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, modifiant la directive 2009/73/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (3) (ci‑après l’« acte attaqué »). L’acte attaqué vise à garantir que les règles applicables aux conduites de transport de gaz reliant deux États membres ou plus sont également applicables, au sein de l’Union européenne, aux conduites de transport de gaz à destination et en provenance de pays tiers (4). Dans cette ordonnance, le Tribunal a également ordonné que certains documents produits par la requérante au cours de la procédure soient retirés du dossier.
2. Le présent pourvoi soulève deux importantes questions distinctes, de nature procédurale. D’une part, un particulier peut-il être directement concerné, au sens de l’article 263 TFUE, par une directive ? D’autre part, quelles considérations devraient guider l’appréciation de l’admissibilité de preuves écrites produites par les parties dans des procédures devant les juridictions de l’Union, en particulier l’admissibilité de documents internes des institutions de l’Union ?
II. Le cadre factuel et juridique
3. Le cadre factuel et juridique de la présente affaire peut se résumer comme suit.
4. Conformément à son article 1er, la directive 2009/73/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (5) (ci‑après la « directive gaz ») établit des règles communes concernant le transport, la distribution, la fourniture et le stockage de gaz naturel. Elle définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur du gaz naturel, l’accès au marché, les critères et les procédures applicables en ce qui concerne l’octroi d’autorisations pour le transport, la distribution, la fourniture et le stockage de gaz naturel ainsi que l’exploitation des réseaux.
5. Afin de supprimer tout conflit d’intérêts entre producteurs, fournisseurs et gestionnaires de réseau de transport, de créer des incitations à la réalisation des investissements nécessaires, ainsi que de garantir l’accès des nouveaux venus sur le marché dans le cadre d’un régime réglementaire transparent et efficace, la directive gaz prévoit la séparation des réseaux par rapport aux activités de production et de fourniture (6). En particulier, l’article 9 de cette directive établit une obligation de dissocier les réseaux de transport et les gestionnaires de réseau de transport (7). De plus, la directive gaz prévoit également l’instauration d’un système d’accès non discriminatoire des tiers aux réseaux de transport et de distribution, qui est fondé sur des tarifs publiés (article 32) à approuver par les autorités de régulation nationales (article 41).
6. En application de l’article 36 de la directive gaz, sur demande et à certaines conditions, les nouvelles grandes infrastructures gazières, y compris les interconnexions, peuvent être exemptées pendant une durée déterminée de certaines des obligations établies par cette directive. Pour bénéficier de cette exemption, il faut, entre autres, démontrer que l’investissement renforcera la concurrence dans la fourniture de gaz, qu’il améliorera la sécurité d’approvisionnement et que le niveau de risque lié à cet investissement est tel que celui‑ci ne serait pas réalisé si une exemption n’était pas accordée.
7. La requérante est une société de droit suisse dont l’unique actionnaire est la société publique russe par actions Gazprom. Elle est chargée de la planification, de la construction et de l’exploitation du gazoduc « Nord Stream 2 ». La construction de ce gazoduc a débuté dans le courant de l’année 2018 et, à la date d’introduction du pourvoi dans la présente affaire, elle n’était pas encore achevée. Tout comme le gazoduc Nord Stream (désormais communément appelé « Nord Stream 1 ») – dont la construction a été achevée en 2012 – le gazoduc « Nord Stream 2 » se compose de deux conduites de transport de gaz destinées à assurer l’acheminement du gaz entre Vyborg (Russie) et Lubmin (Allemagne).
8. Le 17 avril 2019, sur une proposition de la Commission européenne du 8 novembre 2017, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté l’acte attaqué.
9. Conformément au considérant 3 de l’acte attaqué, cette directive vise à traiter des obstacles à l’achèvement du marché intérieur du gaz naturel qui découlaient de la non‑application, jusqu’alors, des règles du marché de l’Union aux conduites de transport de gaz à destination et en provenance de pays tiers.
10. À cet égard, l’article 2, point 17, de la directive gaz, telle que modifiée par l’acte attaqué, prévoit que la notion d’« interconnexion » couvre non seulement « [toute] conduite de transport qui traverse ou franchit la frontière entre deux États membres afin de relier le réseau de transport national de ces États membres », mais aussi, désormais, « [toute] conduite de transport entre un État membre et un pays tiers jusqu’au territoire des États membres ou jusqu’à la mer territoriale dudit État membre ».
11. En vertu de l’article 49 bis, paragraphe 1, de la directive gaz, tel qu’inséré par l’acte attaqué, en ce qui concerne les conduites de transport de gaz entre un État membre et un pays tiers achevées avant le 23 mai 2019, l’État membre sur le territoire duquel est situé le premier point de connexion d’une telle conduite de transport au réseau de cet État membre peut, dans des conditions déterminées, décider de déroger à certaines des dispositions de la directive gaz pour les tronçons de cette conduite de transport de gaz situés sur son territoire et dans sa mer territoriales. Les dérogations de cet ordre sont limitées à une durée maximale de 20 ans, mais elles sont renouvelables.
12. En ce qui concerne la mise en œuvre des modifications apportées à la directive gaz par l’acte attaqué, l’article 2 de celui‑ci exige que, à certaines exceptions près, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 24 février 2020, « sans préjudice d’une dérogation éventuelle au titre de l’article 49 bis de la [directive gaz] ».
III. La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée
13. Par sa requête du 26 juillet 2019, la requérante a saisi le Tribunal d’un recours au titre de l’article 263 TFUE tendant à l’annulation de l’acte attaqué.
14. Dans sa requête, la requérante a fait valoir que les objectifs déclarés de l’acte attaqué, qui sont d’étendre l’application des dispositions de la directive gaz aux gazoducs à l’importation situés en mer afin d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur tout en permettant une dérogation pour protéger les investissements existants, ne sont en fait pas l’objectif véritable de cet acte. Selon la requérante, l’acte attaqué a été adopté aux fins de décourager et de désavantager l’exploitation du gazoduc « Nord Stream 2 ». En conséquence, aux yeux de la requérante, cet acte était entaché d’une violation des principes de non‑discrimination, de proportionnalité et de sécurité juridique, d’une violation des formes substantielles, d’un détournement de pouvoir et d’un défaut de motivation.
15. Le Parlement et le Conseil ont soulevé, respectivement les 10 et 14 octobre 2019, une exception d’irrecevabilité du recours. La requérante a déposé ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité le 29 novembre 2019, en demandant au Tribunal de réserver sa décision jusqu’à ce qu’il statue au fond ou, à titre subsidiaire, de rejeter les exceptions comme non fondées.
16. Le 11 octobre 2019, le Conseil a demandé au Tribunal (ci‑après la « demande incidente »), conformément à l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, d’une part, d’ordonner que certains documents ne fassent pas partie du dossier de l’affaire ou, en ce qui concernait trois documents produits par la requérante, qu’ils soient retirés de ce dossier et, d’autre part, d’ignorer tous les passages de la requête et de ses annexes qui font référence à ces documents du Conseil, classifiés « RESTREINT UE/EU RESTRICTED », qui décrivent leur contenu ou qui les invoquent. Les trois documents produits par la requérante dont le Conseil demandait le retrait étaient, premièrement, un avis de son service juridique du 27 septembre 2017 (8) (ci‑après l’« avis du service juridique » ou l’« annexe A.14 »), deuxièmement, la recommandation de décision du Conseil, présentée par la Commission le 9 juin 2017, autorisant l’ouverture de négociations en vue d’un accord entre l’Union et la Fédération de Russie sur l’exploitation du gazoduc « Nord Stream 2 » (ci‑après la « recommandation » ou l’« annexe O.20 ») et, troisièmement, les directives de négociation du 12 juin 2017, annexées à la recommandation (ci‑après les « directives de négociation »).
17. Le 4 novembre 2019, la requérante a déposé ses observations sur la demande incidente, dans lesquelles elle a demandé au Tribunal de rejeter cette demande.
18. Le 29...
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