Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 27 April 2023.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:360
Date27 April 2023
Celex Number62021CC0807
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 27 avril 2023 (1)

Affaire C807/21

Deutsche Wohnen SE

contre

Staatsanwaltschaft Berlin

[demande de décision préjudicielle formée par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des données à caractère personnel – Règlement (UE) 2016/679 – Violations – Imputation à une entreprise d’une violation commise par ses employés – Éventuelle responsabilité sans faute – Transposition de notions développées en droit de la concurrence »






1. Le présent renvoi préjudiciel offre à la Cour l’occasion de se prononcer sur les conditions dans lesquelles une amende administrative peut être infligée à une personne morale pour des violations du règlement (UE) 2016/679 (2).

2. Il s’agit en particulier de déterminer :

– s’il est possible de sanctionner la personne morale sans qu’il soit nécessaire de constater au préalable la responsabilité d’une personne physique ;

– si la violation qui est sanctionnée doit être, en tout état de cause, commise délibérément ou par négligence, ou si le simple manquement objectif à une obligation suffit.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union : le RGPD

3. Le considérant 74 du RGPD énonce ce qui suit :

« Il y a lieu d’instaurer la responsabilité du responsable du traitement pour tout traitement de données à caractère personnel qu’il effectue lui‑même ou qui est réalisé pour son compte. Il importe, en particulier, que le responsable du traitement soit tenu de mettre en œuvre des mesures appropriées et effectives et soit à même de démontrer la conformité des activités de traitement avec le présent règlement, y compris l’efficacité des mesures. Ces mesures devraient tenir compte de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que du risque que celui-ci présente pour les droits et libertés des personnes physiques. »

4. Le considérant 150 du RGPD est ainsi rédigé :

« Afin de renforcer et d’harmoniser les sanctions administratives applicables en cas de violation du présent règlement, chaque autorité de contrôle devrait avoir le pouvoir d’imposer des amendes administratives. Le présent règlement devrait définir les violations, le montant maximal et les critères de fixation des amendes administratives dont elles sont passibles, qui devraient être fixés par l’autorité de contrôle compétente dans chaque cas d’espèce, en prenant en considération toutes les caractéristiques propres à chaque cas et compte dûment tenu, notamment, de la nature, de la gravité et de la durée de la violation et de ses conséquences, ainsi que des mesures prises pour garantir le respect des obligations découlant du règlement et pour prévenir ou atténuer les conséquences de la violation. Lorsque des amendes administratives sont imposées à une entreprise, ce terme doit, à cette fin, être compris comme une entreprise conformément aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. [...] Il peut en outre être recouru au mécanisme de contrôle de la cohérence pour favoriser une application cohérente des amendes administratives. [...] »

5. L’article 4 du RGPD (intitulé « Définitions ») dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

7) “responsable du traitement”, la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement ; lorsque les finalités et les moyens de ce traitement sont déterminés par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre, le responsable du traitement peut être désigné ou les critères spécifiques applicables à sa désignation peuvent être prévus par le droit de l’Union ou par le droit d’un État membre ;

8) “sous-traitant”, la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement ;

[...]

18) “entreprise”, une personne physique ou morale exerçant une activité économique, quelle que soit sa forme juridique, y compris les sociétés de personnes ou les associations qui exercent régulièrement une activité économique ;

[...] »

6. Aux termes de l’article 58 (intitulé « Pouvoirs »), paragraphe 2, du RGPD :

« Chaque autorité de contrôle dispose du pouvoir d’adopter toutes les mesures correctrices suivantes :

a) avertir un responsable du traitement ou un sous-traitant du fait que les opérations de traitement envisagées sont susceptibles de violer les dispositions du présent règlement ;

b) rappeler à l’ordre un responsable du traitement ou un sous-traitant lorsque les opérations de traitement ont entraîné une violation des dispositions du présent règlement ;

c) ordonner au responsable du traitement ou au sous-traitant de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d’exercer ses droits en application du présent règlement ;

d) ordonner au responsable du traitement ou au sous-traitant de mettre les opérations de traitement en conformité avec les dispositions du présent règlement, le cas échéant, de manière spécifique et dans un délai déterminé ;

[...]

i) imposer une amende administrative en application de l’article 83, en complément ou à la place des mesures visées au présent paragraphe, en fonction des caractéristiques propres à chaque cas ;

[...] »

7. L’article 83 du RGPD (intitulé « Conditions générales pour imposer des amendes administratives ») se lit comme suit :

« 1. Chaque autorité de contrôle veille à ce que les amendes administratives imposées en vertu du présent article pour des violations du présent règlement visées aux paragraphes 4, 5 et 6 soient, dans chaque cas, effectives, proportionnées et dissuasives.

2. Selon les caractéristiques propres à chaque cas, les amendes administratives sont imposées en complément ou à la place des mesures visées à l’article 58, paragraphe 2, points a) à h), et j). Pour décider s’il y a lieu d’imposer une amende administrative et pour décider du montant de l’amende administrative, il est dûment tenu compte, dans chaque cas d’espèce, des éléments suivants :

a) la nature, la gravité et la durée de la violation, compte tenu de la nature, de la portée ou de la finalité du traitement concerné, ainsi que du nombre de personnes concernées affectées et le niveau de dommage qu’elles ont subi ;

b) le fait que la violation a été commise délibérément ou par négligence ;

c) toute mesure prise par le responsable du traitement ou le sous‑traitant pour atténuer le dommage subi par les personnes concernées ;

d) le degré de responsabilité du responsable du traitement ou du sous-traitant, compte tenu des mesures techniques et organisationnelles qu’ils ont mises en œuvre en vertu des articles 25 et 32 ;

e) toute violation pertinente commise précédemment par le responsable du traitement ou le sous-traitant ;

f) le degré de coopération établi avec l’autorité de contrôle en vue de remédier à la violation et d’en atténuer les éventuels effets négatifs ;

g) les catégories de données à caractère personnel concernées par la violation ;

h) la manière dont l’autorité de contrôle a eu connaissance de la violation, notamment si, et dans quelle mesure, le responsable du traitement ou le sous-traitant a notifié la violation ;

i) lorsque des mesures visées à l’article 58, paragraphe 2, ont été précédemment ordonnées à l’encontre du responsable du traitement ou du sous-traitant concerné pour le même objet, le respect de ces mesures ;

j) l’application de codes de conduite approuvés en application de l’article 40 ou de mécanismes de certification approuvés en application de l’article 42 ; et

k) toute autre circonstance aggravante ou atténuante applicable aux circonstances de l’espèce, telle que les avantages financiers obtenus ou les pertes évitées, directement ou indirectement, du fait de la violation.

3. Si un responsable du traitement ou un sous-traitant viole délibérément ou par négligence plusieurs dispositions du présent règlement, dans le cadre de la même opération de traitement ou d’opérations de traitement liées, le montant total de l’amende administrative ne peut pas excéder le montant fixé pour la violation la plus grave.

4. Les violations des dispositions suivantes font l’objet, conformément au paragraphe 2, d’amendes administratives pouvant s’élever jusqu’à 10 000 000 EUR ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu :

[...]

5. Les violations des dispositions suivantes font l’objet, conformément au paragraphe 2, d’amendes administratives pouvant s’élever jusqu’à 20 000 000 EUR ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu :

[...]

6. Le non‑respect d’une injonction émise par l’autorité de contrôle en vertu de l’article 58, paragraphe 2, fait l’objet, conformément au paragraphe 2 du présent article, d’amendes administratives pouvant s’élever jusqu’à 20 000 000 EUR ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.

[...]

8. L’exercice, par l’autorité de contrôle, des pouvoirs que lui confère le présent article est soumis à des garanties procédurales appropriées conformément au droit de l’Union et au droit des États membres, y compris un recours juridictionnel effectif et une procédure régulière.

[...] »

B. Le droit allemand : la loi allemande sur les infractions administratives

8. En vertu de l’article 9, paragraphe 1, du Gesetz über Ordnungswidrigkeiten (loi allemande sur les infractions administratives) (3), lorsqu’une personne agit en qualité : a) d’organe habilité à représenter une personne morale ou en qualité de membre d’un tel organe ; b) d’associé habilité à représenter une...

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