Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 25 January 2024.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2024:87
Date25 January 2024
Celex Number62023CC0027
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 25 janvier 2024 (1)

Affaire C27/23 [Hocinx] (i)

FV

contre

Caisse pour l’avenir des enfants

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (Luxembourg)]

« Renvoi préjudiciel – Article 45 TFUE – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 1er, sous i) – Libre circulation des personnes – Égalité de traitement – Avantages sociaux – Règlement (UE) no 492/2011Article 7, paragraphe 2 – Allocation familiale – Directive 2004/38/CE – Article 2, point 2 – Notion de “membre de la famille” – Exclusion de l’enfant faisant l’objet d’une décision judiciaire de placement – Différence de traitement entre l’enfant faisant l’objet d’une telle décision sur le territoire de l’État membre de résidence et l’enfant non-résident – Absence de justification »






I. Introduction

1. Un État membre peut-il exclure un travailleur transfrontalier du bénéfice d’une allocation familiale liée à l’exercice de son activité salariée dans cet État membre pour l’enfant sans lien de filiation ayant été placé par décision judiciaire dans son foyer et dont il a la garde, alors que les enfants ayant fait l’objet d’un placement judiciaire dans ledit État membre ont le droit de percevoir cette allocation versée à la personne physique ou morale investie de leur garde ?

2. Telle est, en substance, la question posée par la Cour de cassation (Luxembourg) dans le cadre d’un litige opposant FV, travailleur frontalier résidant en Belgique, à la Caisse pour l’avenir des enfants (ci-après la « CAE ») au sujet du refus de cette dernière d’octroyer une allocation familiale à un enfant placé par décision judicaire dans le foyer de FV, ne présentant pas de lien de filiation avec ce dernier.

3. Dans ce contexte, la Cour est invitée à interpréter une nouvelle fois l’article 45 TFUE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) nº 492/2011 (2), lus en combinaison avec l’article 67 du règlement (CE) nº 883/2004 (3) et l’article 60 du règlement (CE) nº 987/2009 (4), et est amenée à déterminer s’il existe une discrimination indirecte, interdite par le principe de l’égalité de traitement des travailleurs.

4. La présente affaire s’inscrit dans le prolongement de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Caisse pour l’avenir des enfants (Enfant du conjoint d’un travailleur frontalier) (5), qui concernait la même allocation familiale de la CAE, et offre à la Cour l’occasion de préciser dans quelle mesure la solution dégagée dans cet arrêt est transposable en l’espèce, en se penchant, notamment, sur la question de savoir si, aux fins de l’octroi de cette allocation familiale, la notion de « membre de la famille » doit comprendre également un enfant placé dans le foyer d’un travailleur frontalier.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le règlement nº 492/2011

5. L’article 7 du règlement nº 492/2011 prévoit :

« 1. Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

[...] »

2. Le règlement no 883/2004

6. Aux termes de l’article 1er du règlement nº 883/2004 :

« Aux fins du présent règlement :

[...]

i) les termes “membre de la famille” désignent :

1) i) toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies ;

ii) pour ce qui est des prestations en nature selon le titre III, chapitre 1, sur la maladie, la maternité et les prestations de paternité assimilées, toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation de l’État membre dans lequel réside l’intéressé.

2) Si la législation d’un État membre qui est applicable en vertu du point 1) ne permet pas de distinguer les membres de la famille des autres personnes auxquelles ladite législation est applicable, le conjoint, les enfants mineurs et les enfants majeurs à charge sont considérés comme membres de la famille.

3) Au cas où, conformément à la législation applicable en vertu des points 1) et 2), une personne n’est considérée comme membre de la famille ou du ménage que lorsqu’elle vit dans le même ménage que la personne assurée ou le titulaire de pension, cette condition est réputée remplie lorsque cette personne est principalement à la charge de la personne assurée ou du titulaire de pension ;

[...] »

7. L’article 4 de ce règlement, intitulé « Égalité de traitement », énonce :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci. »

8. Aux termes de l’article 67 du règlement nº 883/2004 :

« Une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre. Toutefois, le titulaire d’une pension a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent pour sa pension. »

3. Le règlement no 987/2009

9. L’article 60 du règlement nº 987/2009, intitulé « Procédure pour l’application des articles 67 et 68 du règlement de base » dispose, à son paragraphe 1 :

« La demande d’octroi de prestations familiales est adressée à l’institution compétente. Aux fins de l’application des articles 67 et 68 du règlement de base, la situation de l’ensemble de la famille est prise en compte comme si toutes les personnes concernées étaient soumises à la législation de l’État membre concerné et y résidaient, en particulier pour ce qui concerne le droit d’une personne à demander de telles prestations. Lorsqu’une personne pouvant prétendre au bénéfice des prestations n’exerce pas son droit, une demande d’octroi de prestations familiales présentée par l’autre parent, une personne considérée comme telle ou une personne ou l’institution exerçant la tutelle sur l’enfant ou les enfants est prise en compte par l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable. »

4. La directive 2004/38/CE

10. Aux termes de l’article 2, point 2, de la directive 2004/38/CE (6) :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2) “membre de la famille” :

[...]

c) les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ;

d) les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b). »

5. La directive 2014/54/UE

11. L’article 1er de la directive 2014/54/UE (7) prévoit :

« La présente directive énonce des dispositions destinées à faciliter et à uniformiser la manière d’appliquer et de faire respecter les droits conférés par l’article 45 [TFUE] et par les articles 1er à 10 du règlement [nº 492/2011]. La présente directive s’applique aux citoyens de l’Union qui exercent ces droits et aux membres de leur famille [...] »

12. Aux termes de l’article 2 de cette directive :

1. La présente directive s’applique aux aspects suivants de la libre circulation des travailleurs, tels qu’ils sont visés de l’article 1er à l’article 10 du règlement [nº 492/2011] :

[...]

c) le bénéfice des avantages sociaux et fiscaux ;

[...]

2. Le champ d’application de la présente directive est identique à celui du règlement [nº 492/2011]. »

B. Le droit luxembourgeois

13. Les dispositions pertinentes sont les articles 269 et 270 du code de la sécurité sociale (8).

14. L’article 269 du code, intitulé « Conditions d’attribution », dispose, à son paragraphe 1 :

« Il est introduit une allocation pour l’avenir des enfants, ci-après “allocation familiale”.

Ouvre droit à l’allocation familiale :

a) chaque enfant, qui réside effectivement et de manière continue au Luxembourg et y ayant son domicile légal ;

b) les membres de famille tels que définis à l’article 270 de toute personne soumise à la législation luxembourgeoise et relevant du champ d’application des règlements européens ou d’un autre instrument bi- ou multilatéral conclu par le Luxembourg en matière de sécurité sociale et prévoyant le paiement des allocations familiales suivant la législation du pays d’emploi. Les membres de la famille doivent résider dans un pays visé par les règlements ou instruments en question. »

15. L’article 270 de ce code prévoit :

« Pour l’application de l’article 269, paragraphe 1er, point b), sont considérés comme membres de la famille d’une personne et donnent droit à l’allocation familiale, les enfants nés dans le mariage, les enfants nés hors mariage et les enfants adoptifs de cette personne. »

16. L’article 273, paragraphe 4, dudit code précise, en ce qui concerne des enfants résidents :

« En cas de placement d’un enfant par décision judiciaire, l’allocation familiale est versée à la personne physique ou morale investie de la garde de l’enfant et auprès de laquelle l’enfant a son domicile légal et sa résidence effective et continue. »

III. Les faits du litige au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

17. FV, qui travaille au Luxembourg et réside en Belgique, bénéficie du statut de travailleur frontalier et dépend ainsi du régime luxembourgeois pour les allocations familiales. Depuis le 26 décembre 2005, l’enfant FW est placé au sein du foyer de FV en vertu d’une décision judiciaire belge. FV bénéficiait des allocations familiales luxembourgeoises pour l’enfant FW depuis...

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