Meca Srl contra Comune di Napoli.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:183
Date07 March 2019
Celex Number62018CC0041
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-41/18
62018CC0041

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 7 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑41/18

Meca Srl

contre

Comune di Napoli,

en présence de :

Sirio Srl

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale della Campania (tribunal administratif régional de Campanie, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Motifs d’exclusion facultatifs – Recevabilité – Adjudication définitive du marché acceptée par la partie requérante – Disparition de l’objet de la procédure préjudicielle – Faute professionnelle grave – Résiliation d’un contrat antérieur en raison de manquements lors de son exécution – Recours juridictionnel empêchant le pouvoir adjudicateur d’apprécier le manquement contractuel jusqu’à la fin de la procédure judiciaire »

1.

Les règles italiennes en matière de marchés publics prévoient qu’il est possible d’exclure d’une (nouvelle) procédure de passation de marchés le candidat qui, après avoir été adjudicataire d’un marché précédent, s’est rendu coupable, lors de son exécution, de défaillances importantes ayant donné lieu à la résiliation de ce (premier) marché.

2.

Ces mêmes règles semblent cependant indiquer ( 2 ) que, lorsqu’il apprécie la fiabilité des candidats à la nouvelle procédure de passation de marché, le pouvoir adjudicateur ne peut pas retenir ces manquements en tant que motifs d’exclusion si l’opérateur économique qui les a commis a contesté la résiliation du (premier) marché par la voie juridictionnelle.

3.

La juridiction de renvoi souhaite savoir si cet effet du recours juridictionnel est cohérent avec les principes directeurs de la directive 2014/24/UE ( 3 ) et, plus spécifiquement, avec son article 57.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union : la directive 2014/24

4.

Conformément au considérant 101 de la directive 2014/24 :

« Les pouvoirs adjudicateurs devraient en outre pouvoir exclure des opérateurs économiques qui se seraient avérés non fiables, par exemple pour manquement à des obligations environnementales ou sociales, y compris aux règles d’accessibilité pour les personnes handicapées, ou pour d’autres fautes professionnelles graves telles que la violation de règles de concurrence ou de droits de propriété intellectuelle. Il convient de préciser qu’une faute professionnelle grave peut remettre en question l’intégrité d’un opérateur économique et avoir pour conséquence que celui-ci ne remplit pas les conditions requises pour se voir attribuer un marché public, indépendamment du fait qu’il disposerait par ailleurs des capacités techniques et économiques pour exécuter le marché concerné.

Compte tenu du fait qu’ils seront responsables des conséquences d’une éventuelle décision erronée de leur part, les pouvoirs adjudicateurs devraient également avoir la faculté de considérer qu’il y a eu faute professionnelle grave lorsque, avant qu’une décision finale et contraignante quant à l’existence de motifs d’exclusion obligatoires ne soit prise, ils peuvent démontrer, par tout moyen approprié, que l’opérateur économique a manqué à ses obligations, y compris ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale, sauf disposition contraire du droit national. Ils devraient également pouvoir exclure des candidats ou des soumissionnaires lorsque des défaillances importantes dans l’exécution d’obligations essentielles ont été constatées lors de l’exécution de marchés publics antérieurs, par exemple un défaut de fourniture ou d’exécution, des carences notables du produit ou du service fourni qui le rendent impropre aux fins prévues, ou un comportement fautif jetant sérieusement le doute quant à la fiabilité de l’opérateur économique. La législation nationale devrait prévoir une durée maximale pour ces exclusions.

Lorsqu’ils appliquent des motifs facultatifs d’exclusion, les pouvoirs adjudicateurs devraient accorder une attention particulière au principe de proportionnalité. Des irrégularités mineures ne devraient entraîner l’exclusion d’un opérateur économique que dans des circonstances exceptionnelles. Toutefois, des cas répétés d’irrégularités mineures peuvent susciter des doutes quant à la fiabilité d’un opérateur économique, ce qui pourrait justifier son exclusion. »

5.

L’article 57 (intitulé « Motifs d’exclusion ») dispose :

« [...]

4. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas suivants :

[...]

c)

le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité ;

[...]

g)

des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un marché public antérieur, d’un marché antérieur passé avec une entité adjudicatrice ou d’une concession antérieure, lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché ou de la concession, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable ;

[...]

5. À tout moment de la procédure, les pouvoirs adjudicateurs excluent un opérateur économique lorsqu’il apparaît que celui-ci se trouve, compte tenu des actes qu’il a commis ou omis d’accomplir soit avant, soit durant la procédure, dans un des cas visés aux paragraphes 1 et 2.

À tout moment de la procédure, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou peuvent être obligés par les États membres à exclure un opérateur économique lorsqu’il apparaît que celui-ci se trouve, compte tenu des actes qu’il a commis ou omis d’accomplir soit avant, soit durant la procédure, dans un des cas visés au paragraphe 4.

6. Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 1 et 4 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure de passation de marché.

À cette fin, l’opérateur économique prouve qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

Les mesures prises par les opérateurs économiques sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute ainsi que de ses circonstances particulières. Lorsque les mesures sont jugées insuffisantes, la motivation de la décision concernée est transmise à l’opérateur économique.

[...]

7. Par disposition législative, réglementaire ou administrative et dans le respect du droit de l’Union, les États membres arrêtent les conditions d’application du présent article. Ils déterminent notamment la durée maximale de la période d’exclusion si aucune des mesures visées au paragraphe 6 n’a été prise par l’opérateur économique pour démontrer sa fiabilité. Lorsque la durée de la période d’exclusion n’a pas été fixée par jugement définitif, elle ne peut dépasser cinq ans à compter de la date de la condamnation par jugement définitif dans les cas visés au paragraphe 1 et trois ans à compter de la date de l’événement concerné dans les cas visés au paragraphe 4. »

B. Le droit italien : le code des marchés publics

6.

Conformément à l’article 80, paragraphe 5, sous c), du décret législatif no 50/2016 ( 4 ) :

« Les pouvoirs adjudicateurs excluent de la participation à la procédure d’appel d’offre un opérateur économique [...] lorsque [...] les pouvoirs adjudicateurs démontrent, par des moyens appropriés, que l’opérateur économique s’est rendu coupable de fautes professionnelles graves, de nature à mettre en doute son intégrité ou sa fiabilité. Font partie des fautes professionnelles graves, les défaillances importantes dans l’exécution d’un marché public antérieur ou d’une concession antérieure lorsque ces défaillances ont donné lieu à sa résiliation, non contestée en justice ou confirmée à l’issue d’une procédure juridictionnelle, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable ; la tentative d’influencer indûment le processus décisionnel du pouvoir adjudicateur ou d’obtenir des informations confidentielles dans un but de profit personnel ; le fait de fournir, même par négligence, des informations erronées ou trompeuses susceptibles d’influencer les décisions relatives à l’exclusion, à la sélection ou à l’adjudication, ou le fait d’omettre les informations exigibles aux fins du bon déroulement de la procédure de sélection. »

II. Les faits et la question préjudicielle

7.

Lors de l’année académique 2016/2017, la société Sirio Srl a participé à un appel d’offres, lancé par la commune de Naples, aux fins de la prestation du service de restauration scolaire et s’est vu attribuer le marché.

8.

En cours d’exécution du marché, des enfants et du personnel scolaire ont été intoxiqués en raison de la présence de bactéries coliformes dans la nourriture servie.

9.

Au vu de cet incident, la commune de Naples a, en date du 29 juin 2017 : a) suspendu le service, qu’elle a attribué à la société Meca, classée deuxième à l’issue de la procédure d’appel d’offres ; et b) résilié le contrat passé avec Sirio tout en exécutant la garantie.

10.

Sirio a contesté la résiliation du contrat devant la...

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