Delta Antrepriză de Construcţii şi Montaj 93 SA contra Compania Naţională de Administrare a Infrastructurii Rutiere SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:393
Docket NumberC-267/18
Celex Number62018CC0267
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Date08 May 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 8 mai 2019(1)

Affaire C267/18

Delta Antrepriză de Construcții si Montaj 93 SA

contre

Compania Națională de Administrare a Infrastructurii Rutiere SA

[Demande de décision préjudicielle formée par le Curtea de Apel Bucureşti (Cour d’appel de Bucarest, Roumanie)]

« Recours préjudiciel – Directive 2014/24/UE – Passation de marchés publics – Motifs facultatifs d’exclusion – Exclusion d’un opérateur économique de la participation à une procédure d’appel d’offres en raison de la résiliation d’un marché antérieur pour cause de non communication au pouvoir adjudicateur d’une sous-traitance – Notion de défaillances importantes ou persistantes – Rétention d’informations relatives à la résiliation d’un marché antérieur – Informations relatives à la participation de sous-traitants à l’exécution du marché – Objectifs et finalités – Gravité de la rétention d’informations »






1. La directive 2014/24/UE (2) permet d’exclure des procédures de passation de marchés publics le soumissionnaire qui aurait présenté des « défaillances importantes ou persistantes [...] lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un marché public antérieur, [...] lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché » [article 57, paragraphe 4, sous g)].

2. Une juridiction roumaine soumet à la Cour ses doutes sur le point de savoir si cette disposition s’applique lorsque la « résiliation dudit marché » a été causée par le fait que l’adjudicataire avait sous-traité une partie de l’ouvrage sans en informer le pouvoir adjudicateur. Outre cette circonstance, dans la nouvelle procédure de passation de marché, cet opérateur économique n’a pas non plus communiqué au (second) pouvoir adjudicateur la résiliation du marché précédent.

I. Cadre juridique

A. Droit de l’Union. Directive 2014/24

3. Conformément au considérant 101 :

« Les pouvoirs adjudicateurs devraient en outre pouvoir exclure des opérateurs économiques qui se seraient avérés non fiables, par exemple pour manquement à des obligations environnementales ou sociales, y compris aux règles d’accessibilité pour les personnes handicapées, ou pour d’autres fautes professionnelles graves telles que la violation de règles de concurrence ou de droits de propriété intellectuelle. Il convient de préciser qu’une faute professionnelle grave peut remettre en question l’intégrité d’un opérateur économique et avoir pour conséquence que celui-ci ne remplit pas les conditions requises pour se voir attribuer un marché public, indépendamment du fait qu’il disposerait par ailleurs des capacités techniques et économiques pour exécuter le marché concerné.

Compte tenu du fait qu’ils seront responsables des conséquences d’une éventuelle décision erronée de leur part, les pouvoirs adjudicateurs devraient également avoir la faculté de considérer qu’il y a eu faute professionnelle grave lorsque, avant qu’une décision finale et contraignante quant à l’existence de motifs d’exclusion obligatoires ne soit prise, ils peuvent démontrer, par tout moyen approprié, que l’opérateur économique a manqué à ses obligations, y compris ses obligations relatives au paiement d’impôts et taxes ou de cotisations de sécurité sociale, sauf disposition contraire du droit national. Ils devraient également pouvoir exclure des candidats ou des soumissionnaires lorsque des défaillances importantes dans l’exécution d’obligations essentielles ont été constatées lors de l’exécution de marchés publics antérieurs, par exemple un défaut de fourniture ou d’exécution, des carences notables du produit ou du service fourni qui le rendent impropre aux fins prévues, ou un comportement fautif jetant sérieusement le doute quant à la fiabilité de l’opérateur économique. La législation nationale devrait prévoir une durée maximale pour ces exclusions.

Lorsqu’ils appliquent des motifs facultatifs d’exclusion, les pouvoirs adjudicateurs devraient accorder une attention particulière au principe de proportionnalité. Des irrégularités mineures ne devraient entraîner l’exclusion d’un opérateur économique que dans des circonstances exceptionnelles. Toutefois, des cas répétés d’irrégularités mineures peuvent susciter des doutes quant à la fiabilité d’un opérateur économique, ce qui pourrait justifier son exclusion ».

4. L’article 57 (intitulé « Motifs d’exclusion ») dispose :

« [...]

4. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas suivants :

[...]

c) le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité ;

[...]

g) des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’un marché public antérieur, d’un marché antérieur passé avec une entité adjudicatrice ou d’une concession antérieure, lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché ou de la concession, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable ;

h) l’opérateur économique s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou la satisfaction des critères de sélection, a caché ces informations ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs requis en vertu de l’article 59 ;

[...]

5. À tout moment de la procédure, les pouvoirs adjudicateurs excluent un opérateur économique lorsqu’il apparaît que celui-ci se trouve, compte tenu des actes qu’il a commis ou omis d’accomplir soit avant, soit durant la procédure, dans un des cas visés aux paragraphes 1 et 2.

À tout moment de la procédure, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou peuvent être obligés par les États membres à exclure un opérateur économique lorsqu’il apparaît que celui-ci se trouve, compte tenu des actes qu’il a commis ou omis d’accomplir soit avant, soit durant la procédure, dans un des cas visés au paragraphe 4.

6. Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 1 et 4 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure de passation de marché.

À cette fin, l’opérateur économique prouve qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

Les mesures prises par les opérateurs économiques sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute ainsi que de ses circonstances particulières. Lorsque les mesures sont jugées insuffisantes, la motivation de la décision concernée est transmise à l’opérateur économique.

[...] »

5. L’article 71 (intitulé « sous-traitance ») précise :

« [...]

2. Dans les documents de marché, le pouvoir adjudicateur peut demander ou peut être obligé par un État membre à demander au soumissionnaire d’indiquer, dans son offre, toute part du marché qu’il a éventuellement l’intention de sous-traiter à des tiers ainsi que les sous‑traitants proposés.

[...]

5. En ce qui concerne les marchés de travaux et les services qui doivent être fournis dans un local placé sous la surveillance directe du pouvoir adjudicateur, après l’attribution du marché et, au plus tard, au début de l’exécution du marché, le pouvoir adjudicateur exige du contractant principal qu’il lui indique le nom, les coordonnées et les représentants légaux de ses sous-traitants participant à ces travaux ou à la prestation de ces services dans la mesure où ces informations sont connues à ce stade. Le pouvoir adjudicateur exige que le contractant principal lui fasse part de tout changement relatif à ces informations intervenant au cours du marché ainsi que des informations requises pour tout nouveau sous-traitant qui participe ultérieurement à ces travaux ou à la prestation de ces services.

Nonobstant le premier alinéa, les États membres peuvent imposer au contractant principal l’obligation de fournir les informations requises directement.

Au besoin, aux fins du paragraphe 6, point b), du présent article, les informations requises sont assorties de déclarations sur l’honneur des sous-traitants selon les dispositions de l’article 59. [...]

6. Dans le but d’éviter les manquements aux obligations visées à l’article 18, paragraphe 2, des mesures appropriées peuvent être prises, telles que les mesures :

[...]

b) conformément aux articles 59, 60 et 61, les pouvoirs adjudicateurs peuvent vérifier ou être obligés par les États membres à vérifier s’il existe des motifs d’exclusion des sous-traitants en vertu de l’article 57. Dans de tels cas, le pouvoir adjudicateur exige que l’opérateur économique remplace un sous-traitant à l’encontre duquel ladite vérification a montré qu’il existe des motifs d’exclusion obligatoires. Le pouvoir adjudicateur peut exiger ou être obligé par un État membre à exiger de l’opérateur économique qu’il remplace un sous-traitant à l’encontre duquel la vérification a montré qu’il existe des motifs d’exclusion non obligatoires.

[...] »

B. Droit national. Legea nº 98/2016 privind achizițiile publice [Loi nº 98/2016 relative aux marchés publics (ci-après la « loi nº 98/2016 »)

6. L’article 167 se lit comme suit :

« 1) Le pouvoir adjudicateur exclut de la...

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