Conclusiones de la Abogado General Sra. J. Kokott, presentadas el 26 de abril de 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:293
Celex Number62017CC0176
Date26 April 2018
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-176/17
62017CC0176

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 26 avril 2018 ( 1 )

Affaire C‑176/17

Profi Credit Polska S.A. w Bielsku Białej

contre

Mariusz Wawrzosek

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy w Siemianowicach Śląskich (tribunal d’arrondissement de Siemianowice Śląskie, Pologne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de crédit aux consommateurs – Procédure d’injonction de payer fondée sur un billet à ordre garantissant une créance découlant d’un contrat de crédit au consommateur – Impossibilité pour le juge, en absence du recours du consommateur, d’apprécier le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles »

I. Introduction

1.

La Cour a déjà souligné à plusieurs reprises que le droit procédural national jouait un rôle décisif pour la garantie effective de la protection du consommateur. Ainsi, la Cour a en particulier dit pour droit que le juge national était tenu d’apprécier d’office ( 2 ) le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive « clauses abusives» ( 3 ). Par le présent renvoi préjudiciel, la Cour est saisie, pour la première fois, de la question de savoir si le juge national est également tenu à une telle appréciation lorsqu’il examine une obligation cambiaire et lorsque le titre garantit une créance découlant d’un contrat de prêt à la consommation.

2.

L’effet de commerce est une institution vénérable qui trouve son origine au haut Moyen-Âge dans les opérations de change entre commerçants ( 4 ). Les grands travaux législatifs du XIXe siècle, à commencer par le code de commerce français de 1807, ont libéré l’effet de commerce de cette attache sectorielle ( 5 ) et ce dernier est devenu l’instrument par excellence devant permettre aux citoyens de toutes les couches de la société d’accéder aux moyens de paiement scripturaux ( 6 ). La plupart des États membres de l’Union européenne sont parties à la convention de Genève portant loi uniforme sur les lettres de change et billets à ordre de 1930 qui visait l’harmonisation du droit cambiaire au niveau international.

3.

L’utilisation de billets à ordre, c’est-à-dire d’effets de commerce par lesquels le souscripteur lui-même prend l’engagement de payer une somme est, en Pologne, à la différence d’une partie des autres États membres ( 7 ), autorisée pour garantir les contrats de crédit aux consommateurs et constitue une pratique répandue. Le droit procédural polonais prévoit une procédure d’injonction de payer fondée sur un billet à ordre qui est rapide et qui limite l’examen du billet à ordre par le juge national aux aspects formels. Lorsque le billet à ordre sert à garantir un contrat de prêt, la procédure d’injonction de payer exclut ainsi l’examen du contrat de prêt qui en est à l’origine. Le présent renvoi préjudiciel donne à la Cour l’occasion de se prononcer sur la compatibilité de cette procédure avec la directive « clauses abusives » et la directive « crédit aux consommateurs» ( 8 ).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

La directive « clauses abusives » concerne les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. Son article 3, paragraphe 1, est libellé comme suit :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

5.

L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux […] ».

6.

L’article 7, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

7.

La directive « crédit aux consommateurs » est applicable, conformément à son article 2, paragraphe 1, aux contrats de crédit. L’article 3, sous c), définit le contrat de crédit comme « un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire […] ».

8.

L’article 17, paragraphe 1, de la directive « crédit aux consommateurs » dispose :

« Lorsque les droits du prêteur au titre d’un contrat de crédit ou le contrat lui‑même sont cédés à un tiers, le consommateur peut faire valoir à l’égard du cessionnaire tout moyen de défense qu’il pouvait invoquer à l’égard du prêteur initial, y compris le droit à une compensation, si celle-ci est autorisée dans l’État membre concerné. »

9.

L’article 22 de cette directive prévoit :

« 1. Dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent maintenir ou introduire dans leur droit national d’autres dispositions que celles établies par la présente directive.

2. Les États membres veillent à ce que le consommateur ne puisse renoncer aux droits qui lui sont conférés en vertu des dispositions du droit national qui mettent en œuvre la présente directive ou qui lui correspondent.

3. Les États membres veillent, en outre, à ce que les dispositions qu’ils adoptent pour la mise en œuvre de la présente directive ne puissent être contournées par le biais du libellé des contrats, notamment en intégrant des prélèvements ou des contrats de crédit relevant du champ d’application de la présente directive dans des contrats de crédit dont le caractère ou le but permettrait d’éviter l’application de celle-ci. […] »

B. Le droit polonais

10.

Les dispositions applicables à la procédure d’injonction de payer relative à un billet à ordre figurent dans le Kodeks postępowania cywilnego (code de procédure civile, ci-après le « CPC »). Conformément à l’article 485, paragraphe 2, du CPC :

« Le juge rend également une ordonnance d’injonction de payer à l’égard du débiteur d’un billet à ordre […] dûment rempli, dont la véracité et le contenu ne suscitent aucun doute. En cas de transmission au demandeur des droits découlant du billet à ordre […], l’ordonnance portant injonction de payer ne peut être délivrée que sous réserve de la présentation des documents justifiant sa créance, lorsque la transmission de ces droits au demandeur ne résulte pas directement dudit titre […] »

11.

L’article 486, paragraphe 1, du CPC ajoute :

« En l’absence d’éléments suffisants pour fonder une ordonnance portant injonction de payer, le président fixe la date de l’audience, à moins que la cause ne puisse être examinée en chambre du conseil. »

12.

Conformément à l’article 491, paragraphe 1, du CPC :

« Par l’ordonnance portant injonction de payer, le juge enjoint au défendeur, dans un délai de deux semaines à compter de la signification de l’ordonnance, d’honorer l’intégralité de la créance, majorée des intérêts, ou de faire opposition à l’ordonnance dans ce même délai. »

13.

L’article 492 du CPC dispose :

« 1. L’ordonnance portant injonction de payer constitue, dès sa délivrance, un titre de garantie exécutoire qui ne requiert pas l’apposition de la formule exécutoire. […]

3. L’ordonnance d’injonction de payer délivrée sur le fondement d’un billet à ordre […] est immédiatement exécutoire à l’expiration du délai fixé pour le règlement de la créance. En cas d’opposition du défendeur, le juge peut, sur demande de celui-ci, suspendre l’exécution de l’ordonnance. […] »

14.

Aux termes de l’article 493, paragraphe 1, du CPC :

« L’opposition est portée devant le juge ayant délivré l’ordonnance d’injonction de payer. Le défendeur précise, dans son acte d’opposition, s’il conteste l’ordonnance d’injonction en tout ou partie et fait état des moyens et exceptions soulevés, qui doivent être invoqués, à peine d’irrecevabilité, avant la comparution sur le fond, ainsi que des faits et éléments de preuve. […] »

15.

L’article 19, paragraphe 4, de l’Ustawa o kosztach sądowych w sprawach cywilnych (loi relative aux frais de justice en matière civile) prévoit que le défendeur doit s’acquitter des trois quarts des frais de justice lorsqu’il s’oppose à l’ordonnance portant injonction de payer.

16.

En ce qui concerne les clauses dans les contrats conclus avec un consommateur, l’article 385 du Kodeks cywilny (code civil, ci-après le « CC ») prévoit ce qui suit :

« 1. Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant gravement atteinte à ses intérêts (clause illicite). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui déterminent les prestations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de manière non équivoque.

2. Lorsqu’une clause du contrat ne lie pas le consommateur en application du paragraphe 1, les parties restent liées par les autres dispositions du contrat. […] »

17.

Pour ce qui concerne le billet à ordre, l’article 101 de l’Ustawa prawo wekslowe (loi sur le droit cambiaire) précise que :

« Le billet à ordre contient : 1) la dénomination “billet à ordre”...

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