Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret AŞ contra Oficina de Propiedad Intelectual de la Unión Europea (EUIPO).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:287
Date04 April 2019
Docket NumberC-104/18
Celex Number62018CC0104
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CC0104

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 4 avril 2019 ( 1 )

Affaire C‑104/18 P

Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret AŞ

contre

l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

autre partie :

M. Joaquín Nadal Esteban

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Procédure de nullité – Marque figurative comportant les éléments verbaux STYLO & KOTON – Rejet de la demande de nullité – Mauvaise foi »

I. Introduction

1.

Une marque déposée de mauvaise foi peut être déclarée nulle a posteriori. Mais en quoi constitue la mauvaise foi et comment peut-on l’établir ?

2.

La Cour a déjà fait des constatations fondamentales à cet égard et le Tribunal a eu la possibilité d’approfondir ces questions dans diverses procédures. Il n’a toutefois pas été répondu à ces questions de manière définitive. Le présent pourvoi offre à la Cour la possibilité de préciser sa jurisprudence.

II. Le cadre juridique

3.

Le cadre juridique de la présente procédure résulte du règlement (CE) no 207/2009 ( 2 ) sur la marque.

4.

L’article 52, paragraphe 1, du règlement sur la marque (devenu article 59, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) prévoit les causes de nullité absolue :

« La nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

[...]

b)

lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. »

5.

L’article 52, paragraphe 3, du règlement sur la marque (devenu article 59, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) prévoit la possibilité de la nullité partielle :

« Si la cause de nullité n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés. »

6.

L’article 65 du règlement sur la marque (devenu article 72 du règlement 2017/1001) comporte des règles relatives à la procédure et à ses conséquences :

« 1. Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant le Tribunal.

[...]

6. L’Office prend les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal ou, en cas de pourvoi contre cet arrêt, de celui de la Cour de justice. »

III. Les faits et le déroulement de la procédure

7.

Le 25 avril 2011, M. Joaquín Nadal Esteban a déposé auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une demande d’enregistrement de la marque suivante pour les classes 25 (vêtements, chaussures, chapellerie), 35 (publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale, travaux de bureau) et 39 (transports, emballage et entreposage de marchandises, organisation de voyages) de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié :

Image

8.

La requérante au pourvoi, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret AŞ (ci-après « Koton »), a formé opposition à cette demande sur le fondement de ses propres marques figuratives antérieures, qui se présentent toutes deux de la manière suivante :

Image

9.

Ces marques étaient enregistrées notamment pour des produits ou services des classes 25 et 35, mais pas pour ceux de la classe 39. Il a été fait droit à l’opposition pour les deux premières classes citées.

10.

La marque litigieuse a été enregistrée le 5 novembre 2014 sous le numéro 9917436 pour les services désignés de la classe 39.

11.

Le 5 décembre 2014, Koton a présenté une demande en nullité de cette marque en raison de la mauvaise foi conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement sur la marque.

12.

La division d’opposition de l’EUIPO a rejeté cette demande, tout comme la chambre de recours a rejeté le recours formé contre cette décision de refus. Par l’arrêt attaqué du 30 novembre 2017, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO – Nadal Esteban (STYLO & KOTON) (T‑687/16, ci-après l’« arrêt attaqué », non publié, EU:T:2017:853), le Tribunal a finalement rejeté le recours dirigé contre la décision de la chambre de recours.

13.

Les trois décisions étaient fondées sur le fait que les marques de Koton ne concernaient pas les services pour lesquels la marque contestée avait été enregistrée.

IV. Conclusions des parties au pourvoi

14.

Le 13 février 2018, Koton a formé le présent pourvoi et conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

1)

annuler l’arrêt attaqué,

2)

annuler la décision attaquée,

3)

déclarer nulle la marque de l’Union européenne no 9917436, et

4)

condamner M. Nadal Esteban et l’EUIPO aux dépens.

15.

L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

1)

accueillir le pourvoi et

2)

condamner l’EUIPO et M. Nadal Esteban aux dépens.

16.

En revanche, M. Nadal Esteban conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

1)

rejeter le pourvoi et

2)

condamner Koton aux dépens.

17.

Les parties ont échangé des mémoires écrits et présenté des observations orales lors de l’audience du 6 décembre 2018.

V. Analyse

18.

Il convient tout d’abord de constater que la demande d’annulation de la marque litigieuse présentée par Koton est irrecevable. D’une part, Koton n’a pas présenté cette demande devant le Tribunal et cela constituerait donc déjà un élargissement de l’objet du litige. D’autre part, aux termes de l’article 65, paragraphe 1, du règlement sur la marque, seule la décision de la chambre de recours fait l’objet de la procédure devant les juridictions de l’Union.

19.

Toutefois, Koton et l’EUIPO contestent avant tout un revirement relativement net de l’arrêt attaqué par rapport à la jurisprudence antérieure. Je commencerai par examiner ce revirement (sous A), avant de rechercher si d’autres motifs peuvent néanmoins justifier l’arrêt attaqué (sous B). La décision du présent pourvoi dépend donc de la question de savoir si un autre élément exposé par l’EUIPO, dont il n’a pas été tenu compte jusqu’ici, fait l’objet de la procédure ou bien a été invoqué hors délai (sous C). Pour terminer, j’examinerai le recours devant le Tribunal (sous D).

A. La nécessité de l’usage de la marque pour des produits et services identiques ou similaires

20.

Dans son unique moyen, Koton fait grief de ce que le Tribunal aurait méconnu l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement sur la marque aux points 44 et 60 de l’arrêt attaqué. L’EUIPO soutient cette argumentation.

21.

Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement sur la marque, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

22.

Au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a confirmé la position de la chambre de recours selon laquelle la mauvaise foi du demandeur, au sens de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement sur la marque, suppose l’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé.

23.

Après avoir rejeté d’autres arguments de Koton qui concernaient la question de savoir si Koton bénéficie de la protection de la marque pour des services similaires ou identiques, le Tribunal a ensuite constaté, au point 60 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que M. Nadal Esteban n’était pas de mauvaise foi lors de l’enregistrement de la marque contestée, puisque la marque contestée était enregistrée pour des services différents de ceux désignés par les marques antérieures de Koton.

24.

Bien que le Tribunal ait néanmoins tenu compte d’autres éléments que j’aborderai plus loin (sous B), ces deux points de l’arrêt attaqué sont entachés d’une grave erreur de droit.

25.

L’usage d’un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire, qui peut être confondu avec le signe dont l’enregistrement est demandé, ne constitue en effet, comme l’indique à juste titre le Tribunal aux points 32 et 40 de l’arrêt attaqué ( 3 ), qu’un facteur dont il convient notamment de tenir compte ( 4 ). De manière correcte, l’existence de la mauvaise foi du demandeur doit être appréciée en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce qui existaient au moment du dépôt de la demande de marque en tant que marque communautaire ( 5 ).

26.

Cette jurisprudence de la Cour n’est pas non plus contestable, ce que je démontrerai en détail ci-dessous à l’aide de cinq arguments.

27.

En premier lieu, comme Koton et l’EUIPO le soulignent à juste titre, la cause de nullité prévue à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement sur la marque ne suppose pas que le demandeur soit titulaire d’une marque pour des produits ou des services identiques ou similaires. En principe, tout un chacun peut au contraire demander la nullité d’une marque en raison de la mauvaise foi.

28.

En deuxième lieu, la nécessité de tenir compte de tous les facteurs pertinents est une conséquence nécessaire de la nature subjective de...

To continue reading

Request your trial
2 practice notes
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 16 October 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 October 2019
    ...(LUCEO) (T‑82/14, EU:T:2016:396). 39 Voir ses conclusions dans l’affaire Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO (C‑104/18 P, EU:C:2019:287, point 40 Arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361, points 37 et 42). 41 Voir, par exemple, arrêts ......
  • Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret AŞ v European Union Intellectual Property Office.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 September 2019
    ...(EG) Nr. 207/2009 – Absolute Nichtigkeitsgründe – Art. 52 Abs. 1 Buchst. b – Bösgläubigkeit bei Anmeldung der Marke“ In der Rechtssache C‑104/18 betreffend ein Rechtsmittel nach Art. 56 der Satzung des Gerichtshofs der Europäischen Union, eingelegt am 13. Februar 2018, Koton Mağazacilik Tek......
1 cases
  • Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 16 October 2019.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 October 2019
    ...(LUCEO) (T‑82/14, EU:T:2016:396). 39 Voir ses conclusions dans l’affaire Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO (C‑104/18 P, EU:C:2019:287, point 40 Arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, EU:C:2009:361, points 37 et 42). 41 Voir, par exemple, arrêts ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT