Raoul Thybaut y otros contra Région wallonne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:40
Docket NumberC-160/17
Date25 January 2018
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Celex Number62017CC0160
62017CC0160

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 25 janvier 2018 ( 1 ) ( 2 )

Affaire C‑160/17

Raoul Thybaut,

Johnny De Coster,

Frédéric Romain

contre

Région wallonne,

en présence de

Commune d’Orp-Jauche,

Bodymat SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement – Plans et programmes – Définition – Périmètre de remembrement urbain – Dérogation plus aisée aux prescriptions urbanistiques »

I. Introduction

1.

La double notion de « plans et programmes » est capitale pour déterminer le champ d’application de la directive 2001/42/CE ( 3 ) relative à l’évaluation stratégique des incidences sur l’environnement (ci-après la « directive ESIE »). La Cour en a certes précisé récemment l’interprétation ( 4 ) mais, comme en atteste également l’affaire Inter‑environnement Bruxelles e.a. (C‑671/16), dans laquelle nous présentons aussi des conclusions ce jour, il reste encore des questions à résoudre sur ce point.

2.

C’est ainsi que, dans le présent renvoi préjudiciel, il y a lieu de préciser si la détermination d’un « périmètre de remembrement urbain » par le gouvernement wallon doit déjà être qualifiée de plan ou de programme et requiert, de ce fait, éventuellement une évaluation environnementale. Cette détermination se borne à délimiter la zone géographique, mais elle permet surtout de déroger plus aisément, à l’intérieur de celle‑ci, à certaines prescriptions urbanistiques.

3.

C’est pourquoi la Cour est également appelée à considérer sa jurisprudence voulant que l’abrogation de plans et de programmes puisse requérir à son tour une évaluation environnementale en tant que plan ou programme ( 5 ).

4.

Dans la réponse à la présente demande de décision préjudicielle, il convient enfin de considérer que la nécessité d’une évaluation stratégique des incidences sur l’environnement dépend également des types de projets portés par l’acte juridique en question. La directive ESIE prévoit en effet une évaluation environnementale non seulement lorsque le plan ou le programme établit un cadre pour des projets relevant de la directive 2011/92/UE ( 6 ) (ci-après la « directive EIE ») [article 3, paragraphe 2, sous a)], mais également lorsqu’un cadre est défini pour d’autres projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (article 3, paragraphe 4) ainsi que pour les plans et programmes soumis à l’évaluation spécialement requise par l’article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43/CEE ( 7 ) [article 3, paragraphe 2, sous b)].

II. Cadre juridique

A. Droit de l’Union

5.

Les objectifs de la directive ESIE découlent notamment de son article 1er :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

6.

Les plans et programmes sont définis à l’article 2, sous a), de la directive ESIE :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

“plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par [l’Union européenne], ainsi que leurs modifications :

élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ».

7.

Ce sont en particulier les évaluations stratégiques des incidences sur l’environnement requises à l’article 3, paragraphes 2, 4 et 5, de la directive ESIE qui nous intéressent en l’espèce :

« 2. Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a)

qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE pourra être autorisée à l’avenir ; ou

b)

pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE.

[…]

4. Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

5. Les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. À cette fin, les États membres tiennent compte, en tout état de cause, des critères pertinents fixés à l’annexe II, afin de faire en sorte que les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient couverts par la présente directive. »

B. Droit interne

8.

L’article 127 du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine régit le lien entre périmètre de remembrement urbain et permis d’urbanisme :

« § 1er. Par dérogation aux articles 88, 89, 107 et 109, le permis [d’urbanisme] est délivré par le Gouvernement […] :

[…]

lorsqu’il concerne des actes et travaux situés dans un périmètre de remembrement urbain ;

le périmètre est arrêté par le Gouvernement ; […] le périmètre vise tout projet d’urbanisme de requalification et de développement de fonctions urbaines qui nécessite la création, la modification, l’élargissement, la suppression ou le surplomb de la voirie par terre et d’espaces publics ;

[…]

§ 3. […] le permis peut être accordé en s’écartant du plan de secteur, d’un plan communal d’aménagement, d’un règlement communal d’urbanisme ou d’un plan d’alignement. »

9.

L’article 181 du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine permet d’exproprier des biens immobiliers situés dans un périmètre de remembrement urbain :

« Le Gouvernement peut décréter d’utilité publique l’expropriation de biens immobiliers compris :

[…]

dans un périmètre de remembrement urbain. »

III. Faits et demande de décision préjudicielle

10.

M. Raoul Thybaut et consorts ont saisi le Conseil d’État (Belgique) d’un recours en annulation de l’arrêté du gouvernement wallon, du 3 mai 2012, définissant, dans le village d’Orp Jauche (Brabant wallon, Belgique), un « périmètre de remembrement urbain » d’une superficie de plus de 4 hectares comportant notamment les hangars de l’ancienne usine de matériels agricoles Ed. de Saint-Hubert.

11.

Les projets situés dans un tel périmètre bénéficient d’une procédure simplifiée de délivrance de permis d’urbanisme, pouvant déroger aux prescriptions urbanistiques en vigueur, et d’une procédure simplifiée d’expropriation, l’utilité publique étant présumée. Ce n’est alors plus la Commune qui est habilitée à délivrer le permis d’urbanisme mais le gouvernement wallon.

12.

La demande de « périmètre de remembrement urbain » doit être assortie d’un « projet d’urbanisme » concret (démolition et construction de bâtiments, aménagement de voiries, d’espaces ouverts, etc.) lequel fera, le cas échéant, l’objet d’un permis d’urbanisme ultérieur distinct. Le périmètre de remembrement urbain ayant valeur réglementaire sans limitation dans le temps, tout projet futur, même non lié au projet d’urbanisme concret initial, bénéficiera des procédures simplifiées.

13.

En l’espèce, le « périmètre de remembrement urbain » a été demandé par la société anonyme Bodymat qui projette de « reconditionner les bâtiments industriels autour d’un commerce de bricolage, d’un commerce alimentaire et d’autres petits commerces complémentaires […] [ainsi que] de logements […] [et] d’une nouvelle voirie reliée au réseau existant ».

14.

Une étude d’incidences sur l’environnement du projet d’urbanisme de Bodymat a été réalisée par un bureau d’études et de conseils en environnement.

15.

Les requérants dans la procédure au principal sont des particuliers habitant à proximité du périmètre de remembrement urbain. Ils invoquent la directive ESIE et soutiennent que l’étude réalisée en l’espèce ne répond pas aux conditions requises par la directive en ce qu’elle est incomplète, erronée et irrégulière.

16.

Le gouvernement wallon estime que ce n’est pas le périmètre de remembrement urbain qui requiert une évaluation des incidences mais bien le projet d’urbanisme. En l’espèce, le projet d’urbanisme est assorti d’une évaluation des incidences. L’autorité administrative a jugé à juste titre que cette évaluation est complète et de nature à donner les éléments nécessaires pour statuer sur la demande.

17.

Après avoir adressé une demande de...

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