Opinion of Advocate General Pikamäe delivered on 16 December 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:1028
Date16 December 2021
Celex Number62019CC0885
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PRIIT PIKAMÄE

présentées le 16 décembre 2021 (1)

Affaire C885/19 P

Fiat Chrysler Finance Europe

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aides d’État – Aide mise en exécution par le Grand-Duché de Luxembourg – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et illégale et ordonnant sa récupération – Décision fiscale anticipative (tax ruling) – Principe de pleine concurrence – Avantage – Caractère sélectif – Principe de sécurité juridique »






Table des matières


I. Introduction

II. Les antécédents du litige

A. Sur la décision anticipative accordée par les autorités fiscales luxembourgeoises à FFT et la procédure administrative devant la Commission

B. Sur la décision litigieuse

1. Description du contenu essentiel de la décision anticipative en cause

2. Description des règles luxembourgeoises pertinentes

3. Description des lignes directrices de l’OCDE

4. Appréciation de la décision anticipative en cause

C. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

D. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

III. Sur le pourvoi

A. Sur le deuxième moyen

1. Arguments des parties

2. Sur le caractère opérant du deuxième moyen

3. Sur le bien-fondé de la première branche

4. Sur le bien-fondé de la seconde branche

B. Sur le premier moyen

1. Arguments des parties

2. Sur la première branche

a) Sur la recevabilité

b) Sur le bien-fondé

1) Observations liminaires

2) Appréciation

3. Sur la seconde branche

a) Sur le caractère opérant

b) Sur le bien-fondé

C. Sur le troisième moyen

1. Arguments des parties

2. Sur la première branche

a) Sur le caractère opérant

b) Sur le bien-fondé

3. Sur la seconde branche

a) Sur le caractère opérant

b) Sur le bien-fondé

D. Conclusion sur le pourvoi

IV. Sur les dépens

V. Conclusion


I. Introduction

1. Le « ruling fiscal » ou « rescrit fiscal » est une pratique courante permettant aux entreprises de solliciter de l’administration fiscale une « décision anticipative » concernant l’impôt dont elles seront redevables. Le terme « ruling » désigne, de manière générale, le fait pour une administration fiscale d’adopter, à la demande le plus souvent du contribuable, une position officielle sur l’application de certaines dispositions législatives en vigueur au regard d’une situation ou d’une ou plusieurs opérations qui n’ont pas encore produit d’effets fiscaux. Ainsi, les contribuables cherchent à obtenir des assurances liant l’administration quant au traitement fiscal de leurs opérations.

2. Dès le mois de juin 2014, la Commission européenne a lancé une série d’enquêtes visant à vérifier la conformité avec les règles du traité sur les aides d’État des pratiques d’autorités fiscales de plusieurs États membres à l’égard d’entreprises multinationales, s’agissant, en particulier, de la répartition des bénéfices entre les différents États dans lesquels ces entreprises ont leurs activités. L’une de ces enquêtes a conduit à l’adoption de la décision relative à l’aide qui aurait été octroyée par les autorités fiscales luxembourgeoises au groupe Fiat (2).

3. Parallèlement, les révélations de l’enquête journalistique dite « Lux Leaks » ont, en novembre 2014, porté ce sujet à l’attention du grand public en suscitant des réactions le plus souvent outragées (3). À la suite de ces révélations, plusieurs responsables politiques ont entrepris, tant sur le plan européen que sur le plan international, des actions visant à remédier à ce qui était désormais perçu comme une entorse grave à l’équité fiscale. La plus récente de ces actions s’est concrétisée dans un accord créant un impôt global sur le revenu des entreprises multinationales (4).

4. Tout en ayant conscience du contexte politique, économique et même sociétal de la présente affaire, la Cour devra, dans son arrêt à venir, examiner à l’aune de seules considérations juridiques les questions que suscite l’approche retenue par la Commission dans l’adoption de la décision litigieuse. L’arrêt rendu par le Tribunal dans les affaires Luxembourg et Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (5), qui a entériné cette approche, fait l’objet du présent pourvoi.

5. Le caractère novateur de l’approche de la Commission a notamment consisté à introduire le principe de pleine concurrence dans l’examen de l’existence d’un avantage économique. Dans ces conditions, la Cour aura l’occasion, dans son arrêt à venir, de se prononcer notamment sur certaines questions liées à l’application de ce principe, telles que celle ayant trait à la nécessité de prendre en compte les effets d’une décision anticipative sur le groupe de sociétés concerné dans son ensemble pour vérifier l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

II. Les antécédents du litige

A. Sur la décision anticipative accordée par les autorités fiscales luxembourgeoises à FFT et la procédure administrative devant la Commission

6. Le conseiller fiscal de Fiat Chrysler Finance Europe, anciennement dénommée Fiat Finance and Trade Ltd (ci-après « FFT »), a adressé aux autorités fiscales luxembourgeoises, le 14 mars 2012, une lettre sollicitant l’approbation d’un accord en matière de prix de transfert. Il leur a également soumis, à l’appui de cette demande, un rapport, de sa main, analysant les prix de transfert appliqués aux transactions effectuées par FFT.

7. Le 3 septembre 2012, les autorités fiscales luxembourgeoises ont adopté une décision anticipative répondant à la demande de FFT (ci-après la « décision anticipative en cause »). Cette décision était contenue dans un courrier indiquant que, « en ce qui concern[ait] la lettre, datée du 14 mars 2012, relative aux activités de financement intragroupe de FFT, il [était] confirmé que l’analyse de prix de transfert a[vait] été réalisée conformément à la circulaire 164/2 du 28 janvier 2011 et qu’elle respect[ait] le principe de pleine concurrence ».

8. Le 19 juin 2013, la Commission a envoyé au Grand-Duché de Luxembourg une première demande de renseignements concernant des informations détaillées sur les pratiques nationales en matière de décisions anticipatives. Cette première demande de renseignements a été suivie par de nombreux échanges entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Commission jusqu’à l’adoption, par cette dernière, le 24 mars 2014, d’une décision enjoignant au Grand-Duché de Luxembourg de lui fournir des informations.

9. Le 11 juin 2014, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant la décision anticipative en cause. Le 21 octobre 2015, la Commission a adopté la décision litigieuse déclarant que cette décision anticipative constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

B. Sur la décision litigieuse

1. Description du contenu essentiel de la décision anticipative en cause

10. La Commission a décrit la décision anticipative en cause comme avalisant une méthode d’affectation des bénéfices à FFT au sein du groupe automobile Fiat/Chrysler, ce qui permettait à FFT de déterminer annuellement le montant de l’impôt sur les sociétés dont elle était redevable au Grand-Duché de Luxembourg. La Commission a précisé que cette décision avait une valeur contraignante pour l’administration fiscale pendant une période de cinq ans, soit de l’exercice fiscal 2012 à l’exercice fiscal 2016 (6).

2. Description des règles luxembourgeoises pertinentes

11. La Commission a indiqué que la décision anticipative en cause avait été adoptée sur le fondement de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts sur les revenus luxembourgeois (loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, telle que modifiée, ci-après le « code des impôts ») (7) et de la circulaire L.I.R. nº°164/2 du directeur des contributions luxembourgeois, du 28 janvier 2011 (ci-après la « circulaire nº 164/2 »). À cet égard, la Commission a relevé, d’une part, que cet article établissait le principe de pleine concurrence en droit fiscal luxembourgeois, selon lequel les transactions entre sociétés d’un même groupe devaient être rémunérées comme si elles avaient été conclues entre sociétés indépendantes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence. D’autre part, elle a observé que la circulaire nº 164/2 précisait notamment comment déterminer une rémunération de pleine concurrence lorsque ces transactions ont été effectuées par les sociétés de financement de groupe (8).

3. Description des lignes directrices de lOCDE

12. La Commission a exposé les principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de prix de transfert et a indiqué que les prix de transfert faisaient référence aux prix facturés pour des transactions commerciales entre diverses entités appartenant au même groupe de sociétés. Elle a affirmé que, pour éviter que les sociétés multinationales ne soient incitées à attribuer le moins de bénéfices possible dans les pays qui imposent plus fortement leurs bénéfices, les administrations fiscales ne devraient accepter les prix de transfert entre sociétés intégrées que lorsque, conformément au principe de pleine concurrence, les transactions sont rémunérées comme si elles avaient été acceptées par des sociétés autonomes négociant dans des situations comparables dans des conditions de pleine concurrence. La Commission a précisé que ce principe figurait à l’article 9 du modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune (9).

13. La Commission a rappelé que les principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, adoptés par le comité des affaires fiscales de l’OCDE le 27 juin 1995 et revus le 22 juillet 2010 (ci-après les « lignes directrices de l’OCDE »), énuméraient cinq méthodes pour établir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions et la répartition des bénéfices entre...

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