European Commission v Republic of Poland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:728
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-61/12
Date07 November 2013
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62011CC0639
62011CC0639

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 7 novembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑639/11

Commission européenne

contre

République de Pologne

Affaire C‑61/12

Commission européenne

contre

République de Lituanie

«Manquement d’État — Article 2 bis de la directive 70/311/CEEArticle 4, paragraphe 3, de la directive 2007/46/CE — Articles 34 TFUE et 36 TFUE — Libre circulation des marchandises — Restrictions — Mesures d’effet équivalent — Réglementation d’un État membre dans lequel la conduite s’effectue sur le côté droit de la route interdisant l’immatriculation des voitures particulières équipées pour la conduite à gauche qui sont neuves ou ont déjà été immatriculées dans un autre État membre — Acceptabilité de l’exigence selon laquelle le dispositif de direction doit être situé sur le côté gauche du véhicule»

I – Introduction

1.

Tant en Pologne qu’en Lituanie, l’immatriculation de véhicules à moteur dont le dispositif de direction est situé du côté droit est interdite et/ou subordonnée au déplacement de ce dispositif vers le côté gauche du véhicule, indépendamment du fait que ces véhicules soient neufs ou qu’ils aient été précédemment immatriculés dans d’autres États membres.

2.

La Cour est ici saisie de deux recours en manquement par lesquels la Commission européenne lui demande de constater que, en appliquant de telles dispositions, la République de Pologne et la République de Lituanie respectivement ont manqué aux obligations leur incombant en vertu de l’article 2 bis de la directive 70/311/CEE relative aux dispositifs de direction des véhicules à moteur ( 2 ) et de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2007/46/CE qui établit un cadre pour la réception de ces véhicules ( 3 ), s’agissant des voitures particulières neuves, ainsi qu’en vertu de l’article 34 TFUE, s’agissant des voitures particulières ayant déjà été immatriculées sur le territoire d’un autre État membre.

3.

Les défendeurs contestent avec force les griefs formulés à leur encontre. La République de Pologne soutient que les mesures nationales litigieuses sont conformes à la directive-cadre et à la directive 70/311, tandis que la République de Lituanie affirme qu’elles ne relèvent même pas du champ d’application matériel desdites directives. Seule la République de Pologne prétend que de telles mesures ne constituent pas une entrave à la libre circulation des marchandises prohibée par l’article 34 TFUE. L’une et l’autre considèrent que, en tout état de cause, ces mesures devraient être admises au titre de l’article 36 TFUE, comme étant justifiées par des exigences impératives d’intérêt général liées à la sécurité routière. La Commission ne réfute pas que cet objectif soit susceptible de légitimer une telle entrave, mais elle estime que les réglementations en cause ne sont ni aptes à l’atteindre ni proportionnées à celui‑ci.

4.

Bien que les deux présentes affaires n’aient pas fait formellement l’objet d’une jonction, le caractère commun des griefs avancés par la Commission justifie la présentation de conclusions uniques.

II – Les manquements allégués, les réglementations en cause, les procédures précontentieuses et les procédures devant la Cour

5.

Il ressort des pièces de l’affaire C‑639/11 qu’en Pologne, conformément à la loi du 20 juin 1997 sur la circulation routière ( 4 ), l’immatriculation des véhicules est opérée, s’agissant des véhicules neufs, sur la base notamment d’un extrait de la fiche de réception du véhicule ou de la copie d’une décision de dispense de réception ( 5 ), en vertu de l’article 72, paragraphe 1, de ladite loi, et s’agissant des véhicules déjà immatriculés une première fois à l’étranger, à l’issue d’un contrôle technique, en vertu de l’article 81, paragraphe 5, de cette même loi.

6.

Ce contrôle technique consiste à vérifier si un véhicule est conforme, entre autres, aux exigences définies dans ladite loi ainsi que dans le règlement du ministre des Infrastructures, du 31 décembre 2002, concernant les conditions techniques applicables aux véhicules et l’étendue de leurs équipements indispensables ( 6 ). Aux termes du paragraphe 9.2 dudit règlement, «[l]e volant d’un véhicule ayant plus de trois roues, dont la construction permet d’atteindre une vitesse dépassant 40 km/h, ne doit pas être situé du côté droit du véhicule».

7.

La portée et les modalités d’exécution du contrôle technique ont été fixées par le règlement du même ministre datant du 16 décembre 2003 ( 7 ). Selon le point 5.1 de l’annexe I de ce règlement, l’emplacement du volant du côté droit constitue un critère essentiel permettant d’établir qu’un tel véhicule ne satisfait pas aux conditions techniques nationales. La même disposition figure au point 6.1 de l’annexe I du règlement ayant été adopté le 18 septembre 2009 par ce ministre ( 8 ) aux fins de remplacer le règlement susmentionné datant de 2003.

8.

Au vu des données fournies dans l’affaire C‑61/12, l’article 25, paragraphe 4, de la loi lituanienne sur la sécurité routière ( 9 ) énonce qu’«[i]l est interdit de faire circuler sur la voie publique des véhicules motorisés destinés à circuler du côté gauche de la chaussée et/ou dont le volant est situé du côté droit, sauf s’ils ont été immatriculés en République de Lituanie avant le 1er mai 1993 ou s’ils sont destinés, de par leur conception et leur équipement, à des fonctions particulières. Cette interdiction ne s’applique pas temporairement (jusqu’à 90 jours par an) aux étrangers arrivés en République de Lituanie dans un véhicule immatriculé à l’étranger et qui ne disposent pas d’un permis de séjourner provisoirement ou définitivement en République de Lituanie, ainsi qu’aux citoyens lituaniens dont le domicile permanent est situé à l’étranger, ainsi qu’aux véhicules appartenant à la catégorie des véhicules historiques conformément à la législation».

9.

L’article 27 de cette même loi prévoit que les véhicules motorisés circulant en Lituanie doivent en principe y être immatriculés. Cependant, selon le paragraphe 1 dudit article, cette obligation d’immatriculation ne s’applique pas, de façon temporaire (jusqu’à 90 jours par an), aux étrangers qui y sont arrivés dans un véhicule immatriculé à l’étranger et ne disposent pas d’un permis de séjourner provisoirement ou définitivement en Lituanie ou disposent d’un titre de séjour UE, ainsi qu’aux citoyens lituaniens qui résident en permanence à l’étranger. Le paragraphe 2 de cet article ajoute que les véhicules motorisés conçus pour rouler du côté gauche de la chaussée et/ou disposant d’un volant à droite ne sont pas immatriculés en Lituanie, sauf s’il s’agit de véhicules historiques et de véhicules destinés à des fonctions particulières.

10.

L’arrêté no 2B‑290, du 29 juillet 2008, du directeur de l’Inspection nationale des transports routiers auprès du ministère des Communications, qui fixe notamment les exigences techniques relatives aux véhicules à moteur et à leurs remorques, prévoit, à son chapitre IV, que «le système de direction d’un véhicule [ ( 10 )] ne peut pas être installé du côté droit de l’habitacle/la cabine, sauf pour les véhicules automobiles ayant été immatriculés en Lituanie avant le 1er mai 1993, ou pour les véhicules automobiles faisant l’objet d’un régime d’immatriculation spécifique. L’arrêté no 2B‑515 de ce même directeur, du 23 décembre 2008, définit, au point 28, suivant quelles modalités le déplacement du dispositif de direction d’un véhicule du côté droit vers le côté gauche est autorisé.

11.

La Commission a reçu une série de plaintes émanant de personnes résidant en Pologne ou en Lituanie ayant été confrontées à l’impossibilité de faire immatriculer des voitures particulières en provenance d’un autre État membre, notamment du Royaume‑Uni ou de l’Irlande, du fait que le dispositif de direction de celles‑ci était situé à droite. Elle a considéré que la contrainte tenant à l’obligation de transférer ledit dispositif à gauche équivalait à une interdiction d’immatriculer de tels véhicules dans chacun de ces États membres. Selon elle, cela constituerait, en ce qui concerne les véhicules neufs, un manquement à l’article 4, paragraphe 3, de la directive‑cadre ainsi qu’à l’article 2 bis de la directive 70/311 et, en ce qui concerne les véhicules précédemment immatriculés dans un autre État membre, un manquement à l’article 34 TFUE.

12.

Le 9 octobre 2009 et le 3 novembre 2009 respectivement, la Commission a mis en demeure la République de Pologne et la République de Lituanie de mettre un terme à ces manquements. Le 8 décembre 2009, la République de Pologne, et le 5 janvier 2010, la République de Lituanie, ont contesté les griefs de la Commission. N’étant pas convaincue du bien‑fondé des arguments présentés en défense par ces États membres, la Commission leur a adressé un avis motivé respectivement le 1er octobre 2010 et le 25 novembre 2010. Après un examen des réponses à l’avis motivé fournies le 30 novembre 2010 par la République de Pologne et le 19 janvier 2011 par la République de Lituanie, la Commission a décidé d’introduire les présents recours en manquement.

13.

Par sa requête déposée le 13 décembre 2011, la Commission a demandé à la Cour de «constater que, en subordonnant l’immatriculation en Pologne de voitures particulières dont le dispositif de direction est situé du côté droit, neuves ou précédemment immatriculées dans d’autres États membres, au déplacement du volant sur le côté gauche, la République de Pologne a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 2 bis de la directive [70/311], de l’article 4, paragraphe 3, de la directive‑cadre, ainsi que de l’article 34 [TFUE]».

14.

La République de Pologne a conclu...

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