AC-Treuhand AG v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2008:256
CourtGeneral Court (European Union)
Date08 July 2008
Docket NumberT-99/04
Celex Number62004TJ0099
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado

Affaire T-99/04

AC-Treuhand AG

contre

Commission des Communautés européennes

« Concurrence — Ententes — Peroxydes organiques — Amendes — Article 81 CE — Droits de la défense — Droit à un procès équitable — Notion d’auteur d’infraction — Principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) — Principe de sécurité juridique — Confiance légitime »

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Possibilité pour l'entreprise concernée de se prévaloir pleinement desdits droits uniquement après l'envoi de la communication des griefs — Obligation pour la Commission d'informer l'entreprise de l'objet et du but de l'instruction au stade de la première mesure prise à son égard

(Règlement du Conseil nº 17, art. 11 et 14)

2. Concurrence — Ententes — Imputation à une entreprise — Décision de la Commission constatant la coresponsabilité d'une entreprise de conseil non active sur le marché concerné mais ayant contribué activement et de propos délibéré à l'entente

(Art. 3, § 1, g), CE et 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

1. Dans le cadre de la procédure administrative au titre du règlement nº 17, c'est seulement après l'envoi de la communication des griefs que l'entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense car ce n'est qu'à partir de cet envoi qu'elle est informée de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et qu'elle dispose d'un droit d'accès au dossier afin de garantir l'exercice effectif de ses droits de la défense. En effet, si ces droits étaient étendus à la phase précédant l'envoi de la communication des griefs, l'efficacité de l'enquête de la Commission serait compromise, puisque l'entreprise concernée serait, déjà lors de la phase d'instruction préliminaire, en mesure d'identifier les informations qui sont connues de la Commission et, partant, celles qui peuvent encore lui être cachées.

Il n'en reste pas moins que les mesures d'instruction prises par la Commission au cours de la phase d'instruction préliminaire, notamment les mesures de vérification et les demandes de renseignements au titre des articles 11 et 14 du règlement nº 17, impliquent par nature le reproche d'une infraction et sont susceptibles d'avoir des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées. Partant, il importe d'éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis au cours de cette phase de la procédure administrative dès lors que les mesures d'instruction prises peuvent avoir un caractère déterminant pour l'établissement de preuves du caractère illégal de comportements d'entreprises de nature à engager leur responsabilité.

Il en résulte que la Commission est tenue d'informer l'entreprise concernée, au stade de la première mesure prise à son égard, y compris dans les demandes de renseignements qu'elle lui adresse au titre de l'article 11 du règlement nº 17, notamment, de l'objet et du but de l'instruction en cours. À cet égard, la motivation ne doit pas avoir la même portée que celle exigée pour les décisions de vérification, exigence qui découle de leur caractère plus contraignant et de l'intensité particulière de leur impact sur la situation juridique de l'entreprise concernée. Cette motivation doit cependant permettre à cette entreprise de comprendre le but ainsi que l'objet de cette instruction, ce qui implique de préciser les présomptions d'infraction et, dans ce contexte, le fait qu'elle est susceptible de s'exposer à des reproches liés à cette éventuelle infraction, pour qu'elle puisse prendre les mesures qu'elle estime utiles à sa décharge et préparer ainsi sa défense au stade de la phase contradictoire de la procédure administrative.

(cf. points 48, 50-51, 56)

2. Une décision de la Commission établissant la coresponsabilité d'une entreprise de conseil pour une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, lorsque celle-ci contribue activement et de propos délibéré à une entente entre producteurs actifs sur un marché distinct de celui sur lequel elle opère elle-même n'excède pas les limites de l'interdiction édictée par cette disposition et, partant, la Commission n'outrepasse pas les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 en infligeant une amende à ladite entreprise.

En effet, l'interprétation littérale, contextuelle et téléologique des termes « accords entre entreprises » de l'article 81, paragraphe 1, CE n'impose pas une interprétation restrictive de la notion d'auteur d'infraction selon laquelle une telle entreprise ne serait qu'un complice non punissable de l'entente. Au contraire, une entreprise est susceptible de violer l'interdiction prévue audit article lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d'autres entreprises, a pour but de restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier à l'intérieur du marché commun, sans que cela présuppose nécessairement qu'elle soit elle-même active sur ledit marché. Toute autre interprétation serait susceptible de réduire la portée de l'interdiction édictée à l'article 81, paragraphe 1, CE dans une mesure contraire à son effet utile et à son objectif principal, tel que lu au regard de l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, d'assurer le maintien d'une concurrence non faussée à l'intérieur du marché commun, étant donné qu'elle ne permettrait pas de poursuivre une contribution active d'une entreprise à une restriction de concurrence du seul fait que cette contribution n'émane pas d'une activité économique relevant du marché pertinent sur lequel cette restriction se matérialise ou a pour objet de se matérialiser.

L'imputation à une telle entreprise de l'infraction dans son ensemble est conforme aux exigences du principe de la responsabilité personnelle lorsqu'elle satisfait à deux conditions, objective et subjective. S'agissant de la première condition, l'entreprise concernée doit avoir contribué à la mise en œuvre de l'entente, même de façon subordonnée, accessoire ou passive, l'importance éventuellement limitée de cette contribution pouvant être prise en compte dans le cadre de la détermination du niveau de la sanction. En ce qui concerne la seconde condition, ladite entreprise doit avoir manifesté sa volonté propre, démontrant qu'elle souscrit, ne fût-ce que tacitement, aux objectifs de l'entente, ce qui constitue la justification permettant de la tenir pour coresponsable, puisqu'elle entend contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants et qu'elle connaît les comportements infractionnels des autres participants ou qu'elle peut raisonnablement les prévoir et qu'elle est prête à en accepter le risque.

Même si, au stade de la perpétration des faits incriminés, le juge communautaire ne s'était pas prononcé de manière explicite sur cette question, une telle interprétation de l'article 81, paragraphe 1, CE n'est pas non plus contraire au principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) qui ne doit pas nécessairement avoir la même portée que dans le cas de son application à une situation visée par le droit pénal au sens strict, car la procédure devant la Commission, au titre du règlement nº 17, est seulement de nature administrative. Ainsi, toute entreprise ayant adopté un comportement collusif, y compris les entreprises de conseil non actives sur le marché en cause affecté par la restriction de concurrence, pouvait raisonnablement prévoir que l'interdiction édictée à l'article 81, paragraphe 1, CE lui était en principe applicable. En effet, une telle entreprise ne pouvait pas ignorer ou bien était en mesure de comprendre que la pratique décisionnelle de la Commission et la jurisprudence communautaire antérieures portaient déjà en elles, de manière suffisamment claire et précise, le fondement de la reconnaissance explicite de la responsabilité d'une entreprise de conseil pour une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, lorsque celle-ci contribue activement et de propos délibéré à une entente entre producteurs actifs sur un marché distinct de celui sur lequel elle opère elle-même.

Enfin, même si la pratique décisionnelle de la Commission antérieure à la décision attaquée pouvait paraître en contradiction avec cette interprétation de l'article 81, paragraphe 1, CE, le principe de protection de la confiance légitime ne saurait faire échec à la réorientation de cette pratique décisionnelle, fondée sur une interprétation correcte de la portée de l'interdiction prévue à cette disposition et d'autant plus prévisible du fait de l'existence d'un précédent.

(cf. points 112, 113, 117, 122-123, 127, 133-135, 149-150, 157, 163-164)







ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

8 juillet 2008 (*)

« Concurrence – Ententes – Peroxydes organiques – Amendes – Article 81 CE – Droits de la défense – Droit à un procès équitable – Notion d’auteur d’infraction – Principe de légalité des délits et des peines (nullum crimen, nulla poena sine lege) – Principe de sécurité juridique – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑99/04,

AC-Treuhand AG, établie à Zurich (Suisse), représentée par Mes M. Karl, C. Steinle et J. Drolshammer, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. A. Bouquet, en qualité d’agent, assisté de Me A. Böhlke, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2005/349/CE de la Commission, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.857 – Peroxydes organiques) (JO 2005, L 110, p. 44),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et O. Czúcz, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

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