Hermann Lutz v Elke Bäuerle.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:227
Date16 April 2015
Celex Number62013CJ0557
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-557/13
62013CJ0557

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

16 avril 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Règlement (CE) no 1346/2000 — Articles 4 et 13 — Procédure d’insolvabilité — Paiement effectué après la date d’ouverture de la procédure d’insolvabilité sur la base d’une saisie effectuée avant cette date — Action révocatoire contre un acte préjudiciable aux intérêts des créanciers — Délais de prescription, d’exercice de l’action révocatoire et de forclusion — Règles de forme de l’action révocatoire — Loi applicable»

Dans l’affaire C‑557/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 10 octobre 2013, parvenue à la Cour le 29 octobre 2013, dans la procédure

Hermann Lutz

contre

Elke Bäuerle, agissant en qualité de syndic d’ECZ Autohandel GmbH,

LA COUR (première chambre),

composée de MM. A. Tizzano, président de chambre, S. Rodin, A. Borg Barthet, E. Levits et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Szpunar,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 septembre 2014,

considérant les observations présentées:

pour M. Lutz, par Me C. Brändle, Rechtsanwalt,

pour Mme Bäuerle, en qualité de syndic d’ECZ Autohandel GmbH, par Me W. Nassall, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, ainsi que par Mmes J. Kemper et D. Kuon, en qualité d’agents,

pour le gouvernement grec, par Mmes G. Skiani et M. Germani, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par Mme M. García‑Valdecasas Dorrego, en qualité d’agent,

pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme F. de Figueiroa Quelhas, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 2, sous m), et 13 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Lutz, résidant en Autriche, à Mme Bäuerle, agissant en qualité de syndic dans le cadre de la procédure d’insolvabilité ouverte en Allemagne et portant sur les biens d’ECZ Autohandel GmbH (ci‑après la «société débitrice»), au sujet d’une action révocatoire.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 23 à 25 du règlement no 1346/2000 énoncent:

«(23)

Le présent règlement, dans les matières visées par celui-ci, devrait établir des règles de conflit de lois uniformes qui remplacent – dans le cadre de leur champ d’application – les règles nationales du droit international privé; sauf disposition contraire, la loi de l’État membre d’ouverture de la procédure devrait être applicable (lex concursus). Cette règle de conflit de lois devrait s’appliquer tant à la procédure principale qu’aux procédures locales. La lex concursus détermine tous les effets de la procédure d’insolvabilité, qu’ils soient procéduraux ou substantiels, sur les personnes et les rapports juridiques concernés. Cette loi régit toutes les conditions de l’ouverture, du déroulement et de la clôture de la procédure d’insolvabilité.

(24)

La reconnaissance automatique d’une procédure d’insolvabilité à laquelle est normalement applicable la loi de l’État d’ouverture peut interférer avec les règles en vertu desquelles les transactions sont réalisées dans ces États. Pour protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États différents de celui de l’ouverture, il convient de prévoir des dispositions visant un certain nombre d’exceptions à la règle générale.

(25)

Il est particulièrement nécessaire de prévoir pour les droits réels un rattachement particulier qui déroge à la loi de l’État d’ouverture, étant donné que ces droits revêtent une importance considérable pour l’octroi de crédits. La justification, la validité et la portée d’un tel droit réel devraient se déterminer dès lors normalement en vertu de la loi du lieu où il est situé et ne pas être affectés par l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. Le titulaire du droit réel devrait pouvoir ainsi continuer de faire valoir son droit de séparer la garantie de la masse. [...]»

4

L’article 4 dudit règlement no 1346/2000 dispose:

«1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé ‘État d’ouverture’.

2. La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment:

[...]

f)

les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l’exception des instances en cours;

[...]

m)

les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensemble des créanciers.»

5

L’article 5 du règlement no 1346/2000 prévoit:

«1. L’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’affecte pas le droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles – à la fois des biens déterminés et des ensembles de biens indéterminés dont la composition est sujette à modification – appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l’ouverture de la procédure, sur le territoire d’un autre État membre.

2. Les droits visés au paragraphe 1 sont notamment:

a)

le droit de réaliser ou de faire réaliser le bien et d’être désintéressé par le produit ou les revenus de ce bien, en particulier en vertu d’un gage ou d’une hypothèque;

b)

le droit exclusif de recouvrer une créance, notamment en vertu de la mise en gage ou de la cession de cette créance à titre de garantie;

[...]

4. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle aux actions en nullité, en annulation ou en inopposabilité visées à l’article 4, paragraphe 2, [sous] m).»

6

Aux termes de l’article 13 du règlement no 1346/2000:

«L’article 4, paragraphe 2, [sous] m), n’est pas applicable lorsque celui qui a bénéficié d’un acte préjudiciable à l’ensemble des créanciers apporte la preuve que:

cet acte est soumis à la loi d’un autre État membre que l’État d’ouverture,

et que

cette loi ne permet en l’espèce, par aucun moyen, d’attaquer cet acte.»

7

L’article 20, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000 est ainsi libellé:

«Le créancier qui, après l’ouverture d’une procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, obtient par tout moyen, notamment par des voies d’exécution, satisfaction totale ou partielle en ce qui concerne sa créance sur des biens du débiteur qui se trouvent sur le territoire d’un autre État membre, doit restituer ce qu’il a obtenu au syndic, sous réserve des articles 5 et 7.»

8

L’article 12, paragraphe 1, du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO L 177, p. 6, ci-après le «règlement Rome‑I») prévoit:

«La loi applicable au contrat en vertu du présent règlement régit notamment:

[...]

d)

les divers modes d’extinction des obligations, ainsi que les prescriptions et déchéances fondées sur l’expiration d’un délai;

[...]»

Le droit allemand

9

L’article 88 de l’Insolvenzordnung (loi sur l’insolvabilité), du 5 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 2866), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’«InsO»), prévoit:

«Si un créancier, au cours du mois précédant l’introduction d’une demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité ou après l’introduction de cette demande, a obtenu par voie d’exécution forcée une garantie sur le patrimoine du débiteur faisant partie de la masse d’insolvabilité, cette sûreté devient caduque à l’ouverture de la procédure.»

Le droit autrichien

10

L’article 43, paragraphes 1 et 2, de l’Insolvenzordnung (loi sur l’insolvabilité) (RGBl. 337/1914), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après l’«IO»), dispose:

«(1) La révocation peut être demandée par le biais d’une action en justice [...]

(2) L’action révocatoire doit être formée, sous peine de forclusion, dans un délai d’un an à compter de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité. [...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11

ECZ GmbH était une société allemande dont le siège était, à la date des faits au principal, situé à Tettnang (Allemagne). Son objet social était la vente de véhicules. Pour opérer sur le marché autrichien, elle avait recours à une filiale établie à Bregenz (Autriche), en l’occurrence la société débitrice. M. Lutz a acquis un véhicule auprès de cette société mais, du fait de l’absence de livraison de ce véhicule, a introduit devant le Bezirksgericht Bregenz (tribunal cantonal de Bregenz) un recours tendant au remboursement du prix qu’il avait versé à ladite société. Le 17 mars 2008, cette juridiction a adopté une décision portant injonction de payer exécutoire contre cette même société, portant sur la somme de 9566 euros, outre les intérêts.

12

Le 13 avril 2008, la société débitrice a demandé l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité devant l’Amtsgericht Ravensburg (tribunal cantonal de Ravensbourg...

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