Tommy Hilfiger Licensing LLC and Others v DELTA CENTER a.s.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:528
Docket NumberC-494/15
Celex Number62015CJ0494
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 July 2016
62015CJ0494

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 juillet 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Rapprochement des législations — Directive 2004/48/CE — Respect des droits de propriété intellectuelle — Notion d’“intermédiaire dont les services sont utilisés pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle” — Locataire de halles de marché sous‑louant les points de vente — Possibilité d’imposer une injonction à ce locataire — Article 11»

Dans l’affaire C‑494/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nejvyšší soud (Cour suprême, République tchèque), par décision du 25 août 2015, parvenue à la Cour le 21 septembre 2015, dans la procédure

Tommy Hilfiger Licensing LLC,

Urban Trends Trading BV,

Rado Uhren AG,

Facton Kft.,

Lacoste SA,

Burberry Ltd

contre

Delta Center a.s.,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader, M. A. Rosas, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Tommy Hilfiger Licensing LLC, Urban Trends Trading BV, Rado Uhren AG, Facton Kft., Lacoste SA et Burberry Ltd, par Me L. Neustupná, advokátka,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et D. Segoin, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. F. Wilman et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45, et rectificatif JO 2004, L 195, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Tommy Hilfiger Licensing LLC, Urban Trends Trading BV, Rado Uhren AG, Facton Kft., Lacoste SA et Burberry Ltd à Delta Center a.s., au sujet d’injonctions que les requérantes au principal souhaitent voir imposer à Delta Center aux fins du respect de leurs droits de propriété intellectuelle.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 10 et 23 de la directive 2004/48 énoncent :

« (10)

L’objectif de la présente directive est de rapprocher [l]es législations [des États membres] afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.

[…]

(23)

[…] les titulaires des droits devraient avoir la possibilité de demander une injonction à l’encontre d’un intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte au droit de propriété industrielle du titulaire. Les conditions et procédures relatives à une telle injonction devraient relever du droit national des États membres. En ce qui concerne les atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins, un niveau élevé d’harmonisation est déjà prévu par la directive 2001/29/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10)]. Il convient, par conséquent, que la présente directive n’affecte pas l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE. »

4

L’article 2 de la directive 2004/48, lequel définit le champ d’application de celle-ci, dispose, à son paragraphe 1 :

« Sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation [de l’Union] ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive s’appliquent […] à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation [de l’Union] et/ou la législation nationale de l’État membre concerné. »

5

Le chapitre II de la directive 2004/48, intitulé « Mesures, procédures et réparations », contient six sections, dont la première, intitulée « Dispositions générales », comporte notamment l’article 3, qui dispose :

« 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.

2. Les mesures, procédures et réparations doivent […] être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime […] »

6

La section 5 du chapitre II de la directive 2004/48 est intitulée « Mesures résultant d’un jugement quant au fond ». Elle est constituée des articles 10 à 12 intitulés, respectivement, « Mesures correctives », « Injonctions » et « Mesures alternatives ».

7

Aux termes de l’article 11 de la directive 2004/48 :

« Les États membres veillent à ce que, lorsqu’une décision judiciaire a été prise constatant une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, les autorités judiciaires compétentes puissent rendre à l’encontre du contrevenant une injonction visant à interdire la poursuite de cette atteinte. Lorsque la législation nationale le prévoit, le non-respect d’une injonction est, le cas échéant, passible d’une astreinte, destinée à en assurer l’exécution. Les États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, sans préjudice de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE. »

8

Ledit article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29 dispose :

« Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin. »

Le droit tchèque

9

Il ressort du dossier soumis à la Cour que l’article 11 de la directive 2004/48 a été transposé en droit tchèque par l’article 4 de la zákon č. 221/2006 Sb., o vymáhání práv z průmyslového vlastnictví (loi no 221/2006 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, ci-après la « loi no 221/2006 »).

10

L’article 4, paragraphe 1, de la loi no 221/2006 prévoit :

« En cas d’atteinte injustifiée aux droits [de propriété industrielle], la personne lésée peut demander au juge d’ordonner au contrevenant de cesser le comportement portant atteinte ou susceptible de porter atteinte à ses droits et d’effacer les conséquences qui en découlent […] »

11

Aux termes du paragraphe 3 du même article, les personnes lésées peuvent également demander au juge d’imposer des mesures « à toute personne dont les moyens ou les services sont utilisés par des tiers pour porter atteinte à leurs droits ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Delta Center est locataire de la place de marché dénommée « Pražská tržnice » (halles de marché de Prague, République tchèque). Elle sous-loue à des marchands les différents points de vente situés sur cette place. Les contrats de location conclus avec ces marchands mettent à la charge de ces derniers l’obligation de respecter les réglementations auxquelles sont soumises leurs activités. Par ailleurs, une brochure rédigée en langues tchèque et vietnamienne, portant la mention « Avertissement aux vendeurs », leur est distribuée. Cette brochure souligne que la vente de contrefaçons est interdite et peut conduire à la résiliation du contrat de location du point de vente.

13

Les requérantes au principal fabriquent et distribuent des produits de marque. Ayant constaté que des contrefaçons de leurs produits étaient vendues dans ces halles de marché de Prague, elles ont saisi le Městský soud v Praze (cour municipale de Prague), en lui demandant notamment d’enjoindre à Delta Center :

de s’abstenir de toute conclusion ou prolongation de contrats de location de points de vente dans lesdites halles avec les personnes dont le comportement a été définitivement jugé par les autorités judiciaires ou administratives comme constituant une atteinte ou un risque d’atteinte aux droits conférés par les marques mentionnées dans la demande ;

de s’abstenir de toute conclusion ou prolongation de tels contrats lorsque les termes de ceux-ci ne comportent ni l’obligation pour le marchand de s’abstenir de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle des requérantes ni la clause selon laquelle Delta Center peut résilier le contrat en cas d’atteinte ou de risque d’atteinte à ces droits, et

de présenter, dans certaines hypothèses décrites par les requérantes, ses excuses par écrit et de faire publier, à ses frais, dans le journal Hospodářské noviny un communiqué.

14

Par jugement du 28 février 2012, le Městský soud v Praze (cour municipale de Prague) a rejeté cette demande d’injonctions. Tout en estimant que Delta Center est une « personne dont les moyens ou les services sont utilisés par des tiers » au sens de l’article 4, paragraphe 3, de la loi no 221/2006, il a considéré qu’il n’y avait pas d’atteinte ou...

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