Otis Gesellschaft m.b.H. and Others v Land Oberösterreich and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1069
Date12 December 2019
Docket NumberC-435/18
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Celex Number62018CJ0435
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0435

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

12 décembre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Article 101 TFUE – Réparation des dommages causés par une entente – Droit à indemnisation des personnes n’opérant pas comme fournisseur ou comme acheteur sur le marché concerné par l’entente – Dommages subis par un organisme public ayant octroyé des prêts à des conditions avantageuses en vue de l’acquisition des biens faisant l’objet de l’entente »

Dans l’affaire C‑435/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 17 mai 2018, parvenue à la Cour le 29 juin 2018, dans la procédure

Otis GmbH,

Schindler Liegenschaftsverwaltung GmbH,

Schindler Aufzüge und Fahrtreppen GmbH,

Kone AG,

ThyssenKrupp Aufzüge GmbH

contre

Land Oberösterreich e.a.,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis (rapporteur), E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2019,

considérant les observations présentées :

pour Otis GmbH, par Mes A. Ablasser-Neuhuber et F. Neumayr, Rechtsanwälte,

pour Schindler Liegenschaftsverwaltung GmbH et Schindler Aufzüge und Fahrtreppen GmbH, par Mes A. Traugott et A. Lukaschek, Rechtsanwälte,

pour Kone AG, par Me H. Wollmann, Rechtsanwalt,

pour ThyssenKrupp Aufzüge GmbH, par Mes T. Kustor et A. Reidlinger, Rechtsanwälte,

pour le Land Oberösterreich, par Mes I. Innerhofer, R. Hoffer et S. Hinterdorfer, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement autrichien, par M. F. Koppensteiner et Mme V. Strasser, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Colelli, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par Mme B. Ernst et M. G. Meessen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 101 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Otis GmbH, Schindler Liegenschaftsverwaltung GmbH et Schindler Aufzüge und Fahrtreppen GmbH (ci-après, ces deux dernières sociétés ensemble, « Schindler »), Kone AG ainsi que ThyssenKrupp Aufzüge GmbH (ci-après « ThyssenKrupp ») au Land Oberösterreich (Land de Haute-Autriche) ainsi qu’à quatorze autres entités au sujet de la demande formée par ces derniers tendant à la condamnation de ces cinq sociétés à les indemniser pour le dommage qu’ils auraient subi en raison d’une entente entre celles-ci, en violation notamment de l’article 101 TFUE.

Le droit autrichien

3

L’article 1295, paragraphe 1, de l’Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (code civil général, ci-après l’« ABGB ») prévoit :

« Toute personne est en droit de demander réparation d’un préjudice à celui qui le lui a causé par sa faute ; le préjudice peut être causé par une violation d’une obligation contractuelle ou ne pas avoir de rapport avec un contrat. »

4

Conformément à l’article 1311, deuxième phrase, de l’ABGB, répond du préjudice causé celui qui a « enfreint une loi visant à prévenir les préjudices fortuits ».

Le litige au principal et la question préjudicielle

5

Le 21 février 2007, la Commission européenne a imposé à diverses entreprises une amende d’un montant total de 992 millions d’euros en raison de leur participation, depuis à tout le moins les années 80, à des ententes concernant l’installation et l’entretien d’ascenseurs ainsi que d’escaliers roulants en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Plusieurs entités des groupes de sociétés auxquels appartiennent Otis, Schindler, Kone et ThyssenKrupp faisaient partie de ces entreprises.

6

Par un arrêt du 8 octobre 2008, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), agissant en tant que juridiction d’appel en matière de droit des ententes, a confirmé l’ordonnance du Kartellgericht (tribunal de la concurrence, Autriche), du 14 décembre 2007, par laquelle celui-ci avait infligé des amendes à Otis, à Schindler et à Kone, ainsi qu’à deux autres sociétés en raison de leur comportement anticoncurrentiel en Autriche. ThyssenKrupp, bien qu’ayant participé avec l’ensemble de ces sociétés à cette entente sur le marché autrichien (ci-après l’« entente en cause »), avait toutefois choisi de témoigner et avait bénéficié, à ce titre, du programme de clémence prévu par le droit autrichien.

7

L’entente en cause avait notamment pour but de garantir à l’entreprise favorisée un prix plus élevé que celui qu’elle aurait pu appliquer dans des conditions normales de concurrence. La libre concurrence s’en est trouvée faussée, de même que l’évolution des prix par rapport à celle qui aurait été connue à défaut d’entente.

8

Par une action introduite le 2 février 2010 devant le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche), le Land de Haute-Autriche et quatorze autres entités ont demandé que Otis, Schindler, Kone et ThyssenKrupp soient condamnées à les indemniser du préjudice qui leur aurait été causé par l’entente en cause. À la différence des quatorze autres entités, le Land de Haute-Autriche ne prétendait toutefois pas avoir subi un dommage en tant qu’acheteur, direct ou indirect, des produits concernés par l’entente en cause, mais en sa qualité d’organisme octroyant des subventions.

9

Au soutien de sa demande, le Land de Haute-Autriche a fait valoir que, dans le cadre de son budget affecté à la promotion de la construction de logements, il a, au cours de la période concernée par l’entente en cause, notamment accordé à de nombreuses personnes, au titre de dispositions légales d’aide à la construction de logements, des prêts incitatifs destinés au financement de projets de construction, à concurrence d’un certain pourcentage de l’ensemble des coûts de construction. Les bénéficiaires de ces prêts avaient ainsi la possibilité de se financer plus avantageusement en raison du taux d’intérêt pratiqué, inférieur au taux ordinaire du marché. Le Land de Haute-Autriche a soutenu, en substance, que les coûts liés à l’installation d’ascenseurs, inclus dans les coûts de construction globaux acquittés par lesdits bénéficiaires, étaient plus élevés par l’effet de l’entente en cause. Cela aurait eu pour conséquence d’avoir contraint cette entité à prêter des montants plus élevés. Si l’entente en cause n’avait pas existé, le Land de Haute-Autriche aurait accordé des prêts moins importants et il aurait pu placer la différence au taux d’intérêt moyen des emprunts de l’État fédéral.

10

C’est sur la base de ces motifs que le Land de Haute-Autriche a sollicité la condamnation d’Otis, de Schindler, de Kone et de ThyssenKrupp au paiement d’une somme correspondant spécifiquement à cette perte d’intérêts, à majorer d’intérêts.

11

Le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne), par jugement du 21 septembre 2016, a rejeté la demande du Land de Haute-Autriche. Selon cette juridiction, ce dernier n’est pas un opérateur actif sur le marché des ascenseurs et des escaliers roulants et a donc subi un simple dommage indirect qui n’est pas susceptible de donner lieu, comme tel, à indemnisation.

12

La juridiction d’appel, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche), a, par ordonnance du 27 avril 2017, annulé cette décision et a renvoyé l’affaire devant la juridiction de première instance pour qu’elle statue à nouveau. La juridiction d’appel a considéré que l’interdiction des ententes sert également à protéger les intérêts financiers de ceux qui doivent supporter les coûts supplémentaires nés de la distorsion des conditions du marché. En feraient partie des organismes de droit public, tel le Land de Haute-Autriche, qui contribueraient dans une large mesure à rendre possible la réalisation de projets de construction, en offrant des subventions dans un cadre institutionnalisé. De tels organismes seraient ainsi à l’origine d’une partie non négligeable de la demande présente sur le marché des ascenseurs et des escaliers roulants, sur lequel les cinq sociétés en cause au principal ont pu vendre leurs prestations à des prix plus élevés en raison de l’entente en cause.

13

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