Conclusiones del Abogado General Sr. A. Rantos, presentadas el 28 de octubre de 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:884
Celex Number62020CC0267
Date28 October 2021
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 28 octobre 2021 (1)

Affaire C267/20

AB Volvo,

DAF TRUCKS NV

contre

RM

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Provincial de León (cour provinciale de León, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Article 101 TFUEDirective 2014/104/UE – Actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne – Règle nationale fixant le point de référence de la rétroactivité à la date de la sanction et non à celle de l’introduction de l’action – Délai de prescription concernant la responsabilité extracontractuelle – Quantification des dommages subis – Principes d’équivalence et d’effectivité »






I. Introduction

1. La présente affaire s’inscrit dans la lignée des renvois préjudiciels adressés à la Cour par des juridictions nationales au sujet de l’interprétation de la directive 2014/104/UE (2), relative aux actions en dommages et intérêts pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence.

2. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 101 TFUE et des articles 10, 17 et de l’article 22 de la directive 2014/104.

3. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant AB Volvo et DAF Trucks NV (ci-après les « défenderesses ») à RM (ci‑après le « requérant ») au sujet d’un recours en dommages et intérêts intenté par ce dernier ayant pour objet la réparation du préjudice résultant d’une infraction à l’article 101 TFUE, constatée par la Commission européenne, qui aurait été commise par un certain nombre d’entreprises, parmi lesquelles figurent les défenderesses.

4. La présente affaire amènera la Cour à clarifier le champ d’application ratione temporis de la directive 2014/104, une tâche entreprise pour la première fois dans les arrêts Cogeco Communications (3) et Skanska Industrial Solutions e.a. (4). Ce faisant, les réponses que la Cour va apporter à la juridiction de renvoi dans la présente affaire sont susceptibles d’avoir une incidence sur des litiges actuellement pendants devant des juridictions nationales à travers l’Union soulevant la problématique de l’application ratione temporis des dispositions de cette directive, notamment dans le cadre des actions en dommages et intérêts portant sur des faits survenus avant l’entrée en vigueur de ladite directive.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le règlement (CE) no 1/2003

5. L’article 25, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 (5) prévoit :

« La prescription court à compter du jour où l’infraction a été commise. Toutefois, pour les infractions continues ou répétées, la prescription ne court qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin. »

6. Aux termes de l’article 30 de ce règlement, intitulé « Publication des décisions » :

« 1. La Commission publie les décisions qu’elle prend en vertu des articles 7 à 10 et des articles 23 et 24.

2. La publication mentionne le nom des parties intéressées et l’essentiel de la décision, y compris les sanctions imposées. Elle doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. »

2. La directive 2014/104

7. L’article 10 de la directive 2014/104, intitulé « Délais de prescription », énonce :

« 1. Les États membres arrêtent, conformément au présent article, les règles relatives aux délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts. Ces règles déterminent le moment à partir duquel le délai de prescription commence à courir, la durée de ce délai et les circonstances dans lesquelles il est interrompu ou suspendu.

2. Les délais de prescription ne commencent pas à courir avant que l’infraction au droit de la concurrence ait cessé et que le demandeur ait pris connaissance ou puisse raisonnablement être considéré comme ayant connaissance :

a) du comportement et du fait qu’il constitue une infraction au droit de la concurrence ;

b) du fait que l’infraction au droit de la concurrence lui a causé un préjudice ; et

c) de l’identité de l’auteur de l’infraction.

3. Les États membres veillent à ce que les délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts soient de cinq ans au minimum.

4. Les États membres veillent à ce qu’un délai de prescription soit suspendu ou, selon le droit national, interrompu par tout acte d’une autorité de concurrence visant à l’instruction ou à la poursuite d’une infraction au droit de la concurrence à laquelle l’action en dommages et intérêts se rapporte. Cette suspension prend fin au plus tôt un an après la date à laquelle la décision constatant une infraction est devenue définitive ou à laquelle il a été mis un terme à la procédure d’une autre manière. »

8. L’article 17 de cette directive, intitulé « Quantification du préjudice », prévoit :

« 1. Les États membres veillent à ce que ni la charge ni le niveau de la preuve requis pour la quantification du préjudice ne rendent l’exercice du droit à des dommages et intérêts pratiquement impossible ou excessivement difficile. Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales soient habilitées, conformément aux procédures nationales, à estimer le montant du préjudice, s’il est établi qu’un demandeur a subi un préjudice, mais qu’il est pratiquement impossible ou excessivement difficile de quantifier avec précision le préjudice subi sur la base des éléments de preuve disponibles.

2. Il est présumé que les infractions commises dans le cadre d’une entente causent un préjudice. L’auteur de l’infraction a le droit de renverser cette présomption.

3. Les États membres veillent à ce que, dans le cadre d’une procédure relative à une action en dommages et intérêts, une autorité nationale de concurrence puisse, à la demande d’une juridiction nationale, aider ladite juridiction nationale en ce qui concerne la quantification du montant des dommages et intérêts lorsque cette autorité nationale de concurrence estime qu’une telle aide est appropriée. »

9. L’article 21 de ladite directive, intitulé « Transposition », prévoit à son paragraphe 1 :

« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 27 décembre 2016. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres. »

10. L’article 22 de la même directive, intitulé « Application temporelle », énonce :

« 1. Les États membres veillent à ce que les dispositions nationales adoptées en application de l’article 21 afin de se conformer aux dispositions substantielles de la présente directive ne s’appliquent pas rétroactivement.

2. Les États membres veillent à ce qu’aucune disposition nationale adoptée en application de l’article 21, autre que celles visées au paragraphe 1, ne s’applique aux actions en dommages et intérêts dont une juridiction nationale a été saisie avant le 26 décembre 2014. »

B. Le droit espagnol

11. Aux termes de l’article 74, paragraphe 1, de la Ley 15/2007 de Defensa de la Competencia (loi 15/2007, relative à la protection de la concurrence), du 3 juillet 2007 (6) (ci-après la « loi 15/2007 ») :

« Le délai de prescription de l’action en responsabilité pour le préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence est de cinq ans. »

12. L’article 76, paragraphe 2, de la loi 15/2007 prévoit :

« S’il est établi qu’un requérant a subi un préjudice, mais qu’il est pratiquement impossible ou excessivement difficile de quantifier avec précision le préjudice subi sur la base des éléments de preuve disponibles, les tribunaux sont habilités à estimer le montant de la réparation du préjudice. »

13. La première disposition transitoire du Real Decreto-ley 9/2017 (décret-loi royal 9/2017), intitulée « Régime transitoire en matière d’actions en dommages et intérêts résultant d’infractions au droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne », énonce :

« 1. Les dispositions de l’article 3 du présent décret-loi royal ne s’appliquent pas rétroactivement.

2. Les dispositions de l’article 4 du présent décret-loi royal ne s’appliquent qu’aux procédures engagées après son entrée en vigueur. »

14. L’article 1902 du Código Civil (code civil) dispose :

« Quiconque par son action ou son omission cause un dommage à autrui, par faute ou négligence, est tenu de réparer le dommage causé. »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

15. Au cours des années 2006 et 2007, le requérant a acheté trois camions fabriqués par les défenderesses.

16. Le 19 juillet 2016, la Commission a adopté la décision C(2016) 4673 final relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire AT.39824 – Camions) (ci-après la « décision de la Commission ») (7) et a publié un communiqué de presse à cet égard (ci-après le « communiqué de presse »).

17. Par cette décision, la Commission a constaté que plusieurs fabricants internationaux de camions, parmi lesquels figurent les défenderesses, ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en s’entendant sur, d’une part, la fixation des prix et l’augmentation des prix bruts des camions pesant entre 6 et 16 tonnes (« utilitaires moyens ») ou pesant plus de 16 tonnes (« poids lourds ») dans l’EEE et, d’autre part, sur le calendrier et la répercussion des coûts afférents à l’introduction des technologies en matière d’émissions imposées par les normes Euro 3 à 6. En ce qui concerne les défenderesses, l’infraction a duré du 17 janvier 1997 au 18...

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