European Commission v Portuguese Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:331
Docket NumberC-37/09
Date10 June 2010
Celex Number62009CJ0037
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 juin 2010 (*)

«Manquement d’État – Environnement – Gestion des déchets mis illégalement en décharge – Directive 2006/12/CE – Directive 80/68/CEE»

Dans l’affaire C‑37/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 28 janvier 2009,

Commission européenne, représentée par M. J.-B. Laignelot, Mme S. Pardo Quintillán et M. P. Guerra e Andrade, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, Mmes M. J. Lois et P. Lopes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. E. Juhász, G. Arestis, T. von Danwitz et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas pris les mesures nécessaires, d’une part, pour assurer que les déchets déposés dans les carrières des Limas, des Linos et des Barreiras, situées dans la commune de Lourosa, soient éliminés ou valorisés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, notamment sans créer de risque pour l’eau ou le sol, et pour assurer que lesdits déchets soient confiés à un service de collecte privé ou public ou à une entreprise chargée de leur élimination ou de leur valorisation, et, d’autre part, pour limiter l’introduction dans les eaux souterraines des substances relevant de la liste II de la directive 80/68/CEE du Conseil, du 17 décembre 1979, concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses (JO 1980 L 20, p. 43), afin d’éviter la pollution de ces eaux par ces substances, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 8 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9), codifiant la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), et des articles 3 et 5 de la directive 80/68.

Le cadre juridique

2 La directive 2006/12 a procédé, dans un souci de clarté et de rationalité, à une codification de la directive 75/442.

3 Le deuxième considérant de la directive 2006/12 se lit comme suit:

«Toute réglementation en matière de gestion des déchets doit avoir comme objectif essentiel la protection de la santé de l’homme et de l’environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets.»

4 L’article 4 de la directive 2006/12 dispose:

«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, et notamment:

a) sans créer de risque pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore;

b) sans provoquer d’incommodités par le bruit ou les odeurs;

c) sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.

2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets.»

5 L’article 8 de la directive 2006/12 énonce:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout détenteur de déchets:

a) les remette à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise qui effectue les opérations visées aux annexes II A ou II B,
ou

b) en assure lui-même la valorisation ou l’élimination en se conformant aux dispositions de la présente directive.»

6 Les annexes II A et II B de la directive 2006/12 récapitulent les opérations d’élimination et de valorisation telles qu’elles sont effectuées en pratique.

7 Le septième considérant de la directive 80/68 est libellé en ces termes:

«Considérant que, pour assurer une protection efficace des eaux souterraines de la Communauté, il est nécessaire d’empêcher le rejet de substances relevant de la liste I et de limiter le rejet de substances relevant de la liste II.»

8 Aux termes de l’article 3 de la directive 80/68:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour:

a) empêcher l’introduction dans les eaux souterraines de substances relevant de la liste I;

b) limiter l’introduction dans les eaux souterraines des substances relevant de la liste II afin d’éviter la pollution de ces eaux par ces substances.»

9 L’article 5 de la directive 80/68 énonce:

«1. Pour satisfaire à l’obligation visée à l’article 3 sous b), les États membres soumettent à une enquête préalable:

– tout rejet direct de substances relevant de la liste II, de manière à limiter de tels rejets;

– les actions d’élimination ou de dépôt en vue de l’élimination de ces substances, susceptibles de conduire à un rejet indirect.

Au vu des résultats de cette enquête, les États membres peuvent délivrer une autorisation à condition que toutes les précautions techniques permettant d’éviter la pollution des eaux souterraines par ces substances soient respectées.

2. En outre, les États membres prennent les mesures appropriées qu’ils jugent nécessaires en vue de limiter tout rejet indirect de substances relevant de la liste II, dû aux actions effectuées sur ou dans le sol autres que celles mentionnées au paragraphe 1.»

10 La liste II de l’annexe de la directive 80/68 «comprend les substances individuelles et les catégories de substances […] qui pourraient avoir un effet nuisible sur les eaux souterraines», telles que le zinc ou les «[s]ubstances ayant un effet nuisible sur la saveur et/ou sur l’odeur des eaux souterraines, ainsi que les composés susceptibles de donner naissance à de telles substances dans les eaux et à rendre celles-ci impropres à la consommation humaine».

La procédure précontentieuse

11 À la suite d’une plainte concernant le dépôt incontrôlé d’ordures d’origines diverses dans les carrières désactivées situées dans la commune de Lourosa, la Commission a, par une lettre du 11 octobre 2005, attiré l’attention de la République portugaise sur la situation dénoncée et réclamé la communication d’informations précises à ce sujet.

12 Considérant que les mesures annoncées par cet État membre dans deux lettres des 13 décembre 2005 et 12 juillet 2006 pour remédier à la situation n’avaient pas été mises en œuvre, la Commission a, le 18 octobre 2006, envoyé à celui-ci une lettre de mise en demeure constatant l’absence prolongée de traitement adéquat des déchets demeurant dans les anciennes carrières des Limas, des Linos et des Barreiras et l’invitant à ce titre à se conformer aux dispositions communautaires relatives à la gestion des déchets et à la protection des eaux souterraines.

13 N’ayant pas obtenu de réponse, la Commission a, le 29 juin 2007, émis un avis motivé par lequel elle relève que cette absence de traitement porte préjudice à l’environnement en violation des articles 4 et 8 de la directive 2006/12 et conduit au rejet de substances dangereuses dans les eaux souterraines de la zone concernée et, en tout cas, de substances ayant un effet nuisible sur la saveur et/ou l’odeur des eaux souterraines en violation des articles 3 et 5 de la directive 80/68. Ce faisant, elle invite la République portugaise à prendre les mesures nécessaires pour se conformer audit avis dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

14 Par lettres des 17 septembre 2007, 25 février et 29 décembre 2008, la République portugaise a répondu à l’avis motivé en fournissant des informations relatives aux mesures prises et à venir.

15 Estimant que la situation de manquement perdurait dans les trois carrières en cause, la Commission a introduit le présent recours.

Sur le recours

16 À l’appui de sa requête, la Commission invoque, d’une part, la violation des articles 4 et 8 de la directive 2006/12 et, d’autre part, celle des articles 3 et 5 de la directive 80/68, en raison de la situation sanitaire et environnementale prévalant dans les anciennes carrières des Limas, des Linos et des Barreiras situées dans la commune de Lourosa et qui furent chacune le lieu de dépôts irréguliers de déchets de diverses natures.

Sur la violation de la directive 2006/12

Argumentation des parties

17 Par le présent grief, la Commission demande à la Cour de déclarer que la République portugaise a enfreint les obligations que lui imposent les articles 4 et 8 de la directive 2006/12 dans la mesure où, s’agissant du premier article, cet État membre n’a pas adopté les mesures nécessaires pour garantir que les déchets de diverses natures déposés et abandonnés dans les trois anciennes carrières en cause soient valorisés ou éliminés sans risque pour la santé humaine, l’eau et l’air, sans détériorer l’environnement, sans provoquer d’incommodités par les odeurs et sans porter atteinte aux paysages, et dans la mesure où, s’agissant du second article, ledit État membre n’a pas pris les dispositions nécessaires pour que les détenteurs des déchets en cause les remettent à un ramasseur privé ou public ou à une entreprise d’élimination ou de valorisation à défaut pour lesdits détenteurs de pouvoir eux-mêmes en assurer la valorisation ou l’élimination.

18 Concernant l’article 4 de la directive 2006/12, la Commission fait valoir que la République portugaise s’est limitée à enfouir les déchets en cause. Or, le fait de couvrir les déchets de terre et de décombres voire d’inonder les anciennes carrières ne suffirait pas à se conformer à cet article.

19 Concernant l’article 8 de la directive 2006/12, la Commission soutient, en renvoyant à l’arrêt du 9 novembre 1999, Commission/Italie, dit «San Rocco» (...

To continue reading

Request your trial
12 practice notes
  • European Commission v Kingdom of Spain.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 March 2017
    ...de déchets dans une décharge, quelle que soit la nature des déchets en cause (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Commission/Portugal, C‑37/09, non publié, EU:C:2010:331, point 37 et jurisprudence citée). 29 En l’occurrence, force est de constater que ni les explications factuelles fou......
  • European Commission v Hellenic Republic.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 December 2014
    ...une application correcte de la règle de droit de l’Union faisant l’objet dudit recours en manquement (arrêt Commission/Portugal, C‑37/09, EU:C:2010:331, point 41 et jurisprudence citée). 54 Il découle de cette jurisprudence que, dans la présente affaire, il ne peut être tenu compte d’une év......
  • European Commission v Italian Republic.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 September 2014
    ...(C‑447/03, EU:C:2004:751, points 27, 28 et 30); Commission/Irlande (C‑494/01, EU:C:2005:250, point 181) et Commission/Portugal (C‑37/09, EU:C:2010:331, points 54 et 55). ( 32 ) Voir points 46 à 49 des présentes conclusions. ( 33 ) Arrêts Commission/Italie (C‑383/02, EU:C:2004:501, points 32......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 29 November 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 29 November 2018
    ...1). 24 See judgments of 24 May 2007, Commission v Spain (C-361/05, EU:C:2007:298, paragraph 20), and of 10 June 2010, Commission v Portugal (C-37/09, EU:C:2010:331, paragraph...
  • Request a trial to view additional results
12 cases
  • European Commission v Kingdom of Spain.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 March 2017
    ...de déchets dans une décharge, quelle que soit la nature des déchets en cause (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Commission/Portugal, C‑37/09, non publié, EU:C:2010:331, point 37 et jurisprudence citée). 29 En l’occurrence, force est de constater que ni les explications factuelles fou......
  • European Commission v Hellenic Republic.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 December 2014
    ...une application correcte de la règle de droit de l’Union faisant l’objet dudit recours en manquement (arrêt Commission/Portugal, C‑37/09, EU:C:2010:331, point 41 et jurisprudence citée). 54 Il découle de cette jurisprudence que, dans la présente affaire, il ne peut être tenu compte d’une év......
  • European Commission v Italian Republic.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 September 2014
    ...(C‑447/03, EU:C:2004:751, points 27, 28 et 30); Commission/Irlande (C‑494/01, EU:C:2005:250, point 181) et Commission/Portugal (C‑37/09, EU:C:2010:331, points 54 et 55). ( 32 ) Voir points 46 à 49 des présentes conclusions. ( 33 ) Arrêts Commission/Italie (C‑383/02, EU:C:2004:501, points 32......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 29 November 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 29 November 2018
    ...1). 24 See judgments of 24 May 2007, Commission v Spain (C-361/05, EU:C:2007:298, paragraph 20), and of 10 June 2010, Commission v Portugal (C-37/09, EU:C:2010:331, paragraph...
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT