Council of the European Union v Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:973
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-104/16
Date21 December 2016
Procedure TypeRecours en annulation - irrecevable
Celex Number62016CJ0104
62016CJ0104

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

21 décembre 2016 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 20 mars 2017]

«Pourvoi — Relations extérieures — Accord entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif à des mesures de libéralisation en matière d’agriculture et de pêche — Décision approuvant la conclusion d’un accord international — Recours en annulation — Recevabilité — Qualité pour agir — Application territoriale de l’accord — Interprétation de l’accord — Principe d’autodétermination — Principe de l’effet relatif des traités»

Dans l’affaire C‑104/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 février 2016,

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. H. Legal et A. de Elera‑San Miguel Hurtado ainsi que par Mme A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenu par :

Royaume de Belgique, représenté par Mme C. Pochet et M. J.‑C. Halleux, en qualité d’agents,

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. T. Henze, en qualité d’agent,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Sampol Pucurull et Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

République française, représentée par MM. F. Alabrune, G. de Bergues, D. Colas, F. Fize et B. Fodda, en qualité d’agents,

République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo, en qualité d’agents,

Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader), représentée par Mes J.‑F. Bellis, M. Struys, A. Bailleux, L. Eskenazi et R. Hicheri, avocats,

parties intervenantes au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant :

Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario), représenté par Me G. Devers, avocat,

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et E. Paasivirta ainsi que par Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič et J. L. da Cruz Vilaça, présidents de chambre, MM. J. Malenovský (rapporteur), E. Levits, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, Mme C. Toader, MM. C. G. Fernlund, C. Vajda, S. Rodin, F. Biltgen et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juillet 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 septembre 2016,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, le Conseil de l’Union européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 décembre 2015, Front Polisario/Conseil (T‑512/12, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:953), par lequel celui-ci a accueilli le recours du Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario) tendant à l’annulation partielle de la décision 2012/497/UE du Conseil, du 8 mars 2012, concernant la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1, 2 et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2012, L 241, p. 2, ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

Le droit international

La charte des Nations unies

2

L’article 1er de la charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945, énonce :

« Les buts des Nations unies sont les suivants :

[...]

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ;

[...] »

3

Le chapitre XI de la charte des Nations unies, intitulé « Déclaration relative aux territoires non autonomes », comprend l’article 73 de celle‑ci, qui prévoit :

« Les Membres des Nations [u]nies qui ont ou qui assument la responsabilité d’administrer des territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée l’obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et de sécurité internationales établi par la présente [c]harte [...]

[...] »

La convention de Vienne sur le droit des traités

4

Aux termes du dernier alinéa du préambule de la convention de Vienne sur le droit des traités, conclue à Vienne le 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne »), les parties à cette convention « affirm[e]nt que les règles du droit international coutumier continueront à régir les questions non réglées dans les dispositions de [ladite] [c]onvention ».

5

L’article 3 de cette convention, intitulé « Accords internationaux n’entrant pas dans le cadre de la présente convention », énonce :

« Le fait que la présente [c]onvention ne s’applique ni aux accords internationaux conclus entre des États et d’autres sujets du droit international ou entre ces autres sujets du droit international ni aux accords internationaux qui n’ont pas été conclus par écrit ne porte pas atteinte :

[...]

b)

à l’application à ces accords de toutes règles énoncées dans la présente [c]onvention auxquelles ils seraient soumis en vertu du droit international indépendamment de ladite [c]onvention ;

[...] »

6

Aux termes de l’article 26 de ladite convention, intitulé « Pacta sunt servanda » :

« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. »

7

L’article 29 de la même convention, intitulé « Application territoriale des traités », stipule :

« À moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, un traité lie chacune des parties à l’égard de l’ensemble de son territoire. »

8

L’article 30 de la convention de Vienne, intitulé « Application de traités successifs portant sur la même matière », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Lorsqu’un traité précise qu’il est subordonné à un traité antérieur ou postérieur ou qu’il ne doit pas être considéré comme incompatible avec cet autre traité, les dispositions de celui-ci l’emportent. »

9

Aux termes de l’article 31 de cette convention, intitulé « Règle générale d’interprétation » :

« 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :

a)

tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité ;

b)

tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.

3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :

a)

de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ;

b)

de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établie l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité ;

c)

de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.

4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties. »

10

L’article 34 de ladite convention, intitulé « Règle générale concernant les États tiers », énonce :

« Un traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement. »

Le droit de l’Union

L’accord d’association

11

L’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, a été signé à Bruxelles le 26 février 1996 (JO 2000, L 70, p. 2, ci-après l’« accord d’association ») et approuvé au nom desdites Communautés par la décision 2000/204/CE, CECA du Conseil et de la Commission, du 24 janvier 2000 (JO 2000, L 70, p. 1). Conformément à son article 96, il est entré en vigueur le 1er mars 2000, ainsi qu’il ressort de l’information publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 2000, L 70, p. 228).

12

L’article 1er, paragraphe 1, de l’accord d’association stipule :

« Il est établi une association entre la Communauté et ses États membres, d’une part, et le Maroc, d’autre part. »

13

Le titre II de cet accord, intitulé « Libre circulation des marchandises », comprend les articles 6 à 30 de celui-ci.

14

L’article 16 dudit accord stipule :

« La Communauté et le Maroc mettent en œuvre de manière progressive une plus grande libéralisation de leurs échanges réciproques de produits agricoles et de produits de la pêche. »

15

L’article 17, paragraphe 1, du même accord stipulait, dans sa version initiale :

« Les produits agricoles et les produits de la pêche originaires du Maroc bénéficient à...

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