IT Development SAS v Free Mobile SAS.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:1099
Docket NumberC-666/18
Date18 December 2019
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Celex Number62018CJ0666
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0666

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

18 décembre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Propriété intellectuelle – Respect des droits de propriété intellectuelle – Directive 2004/48/CE – Protection juridique des programmes d’ordinateur – Directive 2009/24/CE – Contrat de licence de logiciel – Modification non autorisée du code source d’un programme d’ordinateur par un licencié en violation du contrat de licence – Action en contrefaçon exercée par l’auteur du logiciel contre le licencié – Nature du régime de responsabilité applicable »

Dans l’affaire C‑666/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel de Paris (France), par décision du 16 octobre 2018, parvenue à la Cour le 24 octobre 2018, dans la procédure

IT Development SAS

contre

Free Mobile SAS,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis (rapporteur), E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour IT Development SAS, par Me B. Lamon, avocat,

pour Free Mobile SAS, par Me J. Fréneaux, avocat,

pour le gouvernement français, par M. R. Coesme ainsi que par Mmes A.-L. Desjonquères et A. Daniel, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. É. Gippini Fournier et S. L. Kalėda ainsi que par Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 septembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO 2004, L 157, p. 45, et rectificatifs JO 2004, L 195, p. 16, et JO 2007, L 204, p. 27), ainsi que de l’article 4 de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (JO 2009, L 111, p. 16).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant IT Development SAS à Free Mobile SAS au sujet de la contrefaçon alléguée d’un logiciel et du préjudice en résultant.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2004/48

3

Aux termes des considérants 10, 13 et 15 de la directive 2004/48 :

« (10)

L’objectif de la présente directive est de rapprocher [les législations des États membres] afin d’assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.

[...]

(13)

Il est nécessaire de définir le champ d’application de la présente directive de la manière la plus large possible afin d’y inclure l’ensemble des droits de propriété intellectuelle couverts par les dispositions [du droit de l’Union] en la matière et/ou par la législation nationale de l’État membre concerné. [...]

[...]

(15)

La présente directive ne devrait pas affecter le droit matériel de la propriété intellectuelle [...] »

4

L’article 1er de cette directive, qui définit l’objet de cette dernière, est libellé comme suit :

« La présente directive concerne les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle. [...] »

5

L’article 2 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », prévoit :

« 1. Sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation [de l’Union] ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive s’appliquent, conformément à l’article 3, à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation [de l’Union] et/ou la législation nationale de l’État membre concerné.

[...]

3. La présente directive n’affecte pas :

a)

les dispositions [de l’Union] régissant le droit matériel de la propriété intellectuelle [...]

[...] »

6

L’article 3 de la directive 2004/48, intitulé « Obligation générale », dispose :

« 1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.

2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d’obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif. »

7

L’article 4 de cette directive, intitulé « Personnes ayant qualité pour demander l’application des mesures, procédures et réparations », est libellé comme suit :

« Les États membres reconnaissent qu’ont qualité pour demander l’application des mesures, procédures et réparations visées au présent chapitre :

a)

les titulaires de droits de propriété intellectuelle, conformément aux dispositions de la législation applicable ;

[...] »

La directive 2009/24

8

Aux termes du considérant 15 de la directive 2009/24 :

« La reproduction, la traduction, l’adaptation ou la transformation non autorisée de la forme du code sous lequel une copie de programme d’ordinateur a été fournie constituent une atteinte aux droits exclusifs de l’auteur. [...] »

9

L’article 1er de la directive 2009/24, qui définit l’objet de cette dernière, prévoit, à son paragraphe 1 :

« Conformément aux dispositions de la présente directive, les États membres protègent les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires au sens de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. [...] »

10

L’article 4 de cette directive, intitulé « Actes soumis à restrictions », dispose :

« 1. Sous réserve des articles 5 et 6, les droits exclusifs du titulaire au sens de l’article 2 comportent le droit de faire ou d’autoriser :

[...]

b)

la traduction, l’adaptation, l’arrangement et toute autre transformation d’un programme d’ordinateur et la reproduction du programme en résultant, sans préjudice des droits de la personne qui transforme le programme d’ordinateur ;

[...] »

11

L’article 5 de ladite directive, intitulé « Exceptions aux actes soumis à restrictions », énonce, à son paragraphe 1 :

« Sauf dispositions contractuelles spécifiques, ne sont pas soumis à l’autorisation du titulaire les actes visés à l’article 4, paragraphe 1, points a) et b), lorsque ces actes sont nécessaires pour permettre à l’acquéreur légitime d’utiliser le programme d’ordinateur d’une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger des erreurs. »

12

Aux termes de l’article 8, premier alinéa, de la directive 2009/24, les dispositions de cette dernière n’affectent pas les autres dispositions légales concernant, notamment, le droit des contrats.

Le droit français

13

L’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit :

« Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code :

[...]

13°

Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ;

[...] »

14

Aux termes de l’article L. 122-6 de ce code :

« Sous réserve des dispositions de l’article L. 122-6-1, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur d’un logiciel comprend le droit d’effectuer et d’autoriser :

La reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel [...] ;

La traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification d’un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant ;

[...] »

15

L’article L. 122-6-1 dudit code prévoit :

« I. Les actes prévus aux 1° et 2° de l’article L. 122-6 ne sont pas soumis à l’autorisation de l’auteur lorsqu’ils sont nécessaires pour permettre l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l’utiliser, y compris pour corriger des erreurs.

Toutefois, l’auteur est habilité à se réserver par contrat le droit de corriger les erreurs et de déterminer les modalités particulières auxquelles seront soumis les actes prévus aux 1° et 2° de l’article L. 122-6, nécessaires pour permettre l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l’utiliser.

[...] »

16

L’article L. 335-3, deuxième alinéa, du même code est libellé comme suit :

« Est également un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

17

Par un contrat du 25 août 2010, modifié par un avenant du 1er avril 2012, IT Development a consenti à Free Mobile, opérateur de téléphonie proposant des forfaits mobiles sur le marché français, une licence et un contrat de maintenance sur un progiciel dénommé ClickOnSite, logiciel de gestion de projet centralisé destiné à permettre à Free Mobile d’organiser et de suivre en temps réel l’évolution du déploiement de l’ensemble de ses antennes de radiotéléphonie par ses équipes et par ses prestataires techniques extérieurs.

18

Par acte du 18 juin 2015, IT Development a fait citer Free Mobile devant le...

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