European Commission v Republic of Poland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:855
CourtCourt of Justice (European Union)
Date21 December 2011
Docket NumberC-271/09
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62009CJ0271

Affaire C-271/09

Commission européenne

contre

République de Pologne

«Manquement d’État — Libre circulation des capitaux — Champ d’application — Fonds de pension ouverts — Limitation du placement de capitaux à l’étranger — Proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des capitaux — Dispositions du traité — Champ d'application — Fonds de pension ouverts

(Art. 56 CE; directive du Conseil 88/361, annexe I)

2. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Fonds de pension ouverts — Réglementation nationale restreignant les investissements à l’étranger de ces fonds

(Art. 56 CE et 58, § 1, b), CE)

1. Des fonds de pension professionnelle fonctionnant selon le principe de la capitalisation exercent, nonobstant leur finalité sociale et le caractère obligatoire de l’affiliation au système de retraite dont ils relèvent, une activité économique. Tel est le cas des fonds de pension ouverts, dont les actifs sont gérés et placés par des sociétés distinctes qui agissent à titre onéreux sous la forme de société par actions. Le contrôle prudentiel exercé par les autorités publiques sur ces fonds et ces sociétés et la garantie par l’État de la couverture des déficits éventuels desdits fonds ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère économique des activités en cause.

Par ailleurs, même si l'on devait admettre la nature publique des ressources affectées auxdits fonds dans un cas où la source de celles-ci réside dans les cotisations de retraite prélevées auprès des employeurs des travailleurs concernés, une telle circonstance ne serait, en tout état de cause, pas suffisante par elle-même pour exclure l’applicabilité de l’article 56 CE aux opérations les concernant, ainsi que cela ressort de l’annexe I de la directive 88/361 pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam], aux termes de laquelle la notion de mouvements de capitaux vise, notamment, les opérations portant sur les avoirs ou engagements des États membres et des autres administrations et organismes publics.

(cf. points 40-41)

2. Une réglementation nationale qui impose aux fonds de pension ouverts des limitations tant quantitatives que qualitatives s’agissant des investissements effectués en dehors du territoire national produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans l’État membre en cause, dans la mesure où l’acquisition notamment d’actions ou de parts d’organismes de placement collectif est limitée par ladite réglementation.

De telles restrictions ne sauraient être justifiées en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous b), CE, car, même si ladite réglementation nationale établit le contenu matériel des règles prudentielles applicables auxdits fonds de pension, elle n’a, en revanche, aucunement pour objet de faire échec aux infractions aux lois et règlements en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers et ne saurait dès lors relever de l’exception prévue audit article.

Les restrictions en cause ne sauraient non plus être justifiées au titre des raisons impérieuses d’intérêt général. En effet, s’il est vrai que l’intérêt de garantir la stabilité et la sécurité des actifs administrés par un fonds de pension, notamment par l’adoption de règles prudentielles, constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier des restrictions à la libre circulation des capitaux, de telles restrictions doivent toutefois être appropriées à l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé. Or, les difficultés desdits fonds de pension à évaluer les risques liés aux investissements à l’étranger ne sauraient justifier les restrictions quantitatives et qualitatives relatives aux investissements dans les titres émis dans les États membres. En effet, les législations des États membres en matière de publicité des informations sur les produits financiers ainsi que de protection des investisseurs et des consommateurs ont fait, dans une large mesure, l’objet d’une harmonisation à l’échelle de l’Union, facilitant la création d’un marché commun de capitaux européen. De même, de telles mesures ne sauraient être justifiées au motif qu’elles constituent un moyen plus aisé à mettre en œuvre par les autorités de contrôle nationales, et cela même dans le cadre d’un régime de sécurité sociale émergent ou au motif que certaines de ces mesures visent à protéger lesdits fonds du risque de supporter des coûts supplémentaires ou excessifs, dès lors que de tels coûts doivent en tout cas être pris en considération par l’investisseur dans le choix de ses investissements indépendamment du lieu de ceux-ci.

Dès lors, manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 CE un État membre qui maintient en vigueur des dispositions législatives qui imposent aux fonds de pension ouverts des limitations tant quantitatives que qualitatives s’agissant des investissements effectués en dehors du territoire national, restreignant ainsi les investissements desdits fonds de pension dans les autres États membres.

(cf. points 51-52, 56-58, 65-67, 69-71, 73 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

21 décembre 2011 (*)

«Manquement d’État – Libre circulation des capitaux – Champ d’application – Fonds de pension ouverts – Limitation du placement de capitaux à l’étranger – Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑271/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 16 juillet 2009,

Commission européenne, représentée par Mmes E. Montaguti et K. Herrmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Pologne, représentée par MM. M. Dowgielewicz, M. Szpunar, M. Jarosz et P. Kucharski, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, T. von Danwitz et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. K. Malaček, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 décembre 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 avril 2011,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en maintenant en vigueur les articles 143, 136, paragraphe 3, et 136a, paragraphe 2, de la loi relative à l’organisation et au fonctionnement des fonds de pension (Ustawa o organizacji i funkcjonowaniu funduszy emerytalnych), du 28 août 1997, telle que modifiée (Dz. U de 2004, n° 159, position 1667, ci-après la «loi relative aux fonds de pension»), qui restreignent les investissements à l’étranger des fonds de pension ouverts (ci-après les «FPO») polonais, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 CE.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

La directive 88/361/CEE

2 La partie introductive de l’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5), intitulée «Nomenclature des mouvements de capitaux visés à l’article 1er de la directive», énonce:

«[...]

Les mouvements de capitaux énumérés dans la présente nomenclature s’entendent comme couvrant:

[...]

– les opérations effectuées par toute personne physique ou morale [telles que définies par les réglementations nationales], y compris les opérations portant sur les avoirs ou engagements des États membres et des autres administrations et organismes publics, sous réserve des dispositions de l’article 68 paragraphe 3 du traité,

[...]»

La directive 2003/41/CE

3 L’article 18, paragraphes 5 et 6, de la directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil, du 3 juin 2003, concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (JO L 235, p. 10), dispose:

«5. Dans le respect des dispositions des paragraphes 1 à 4, les États membres peuvent soumettre les institutions établies sur leur territoire à des règles plus détaillées, y compris des règles quantitatives si elles sont justifiées du point de vue prudentiel, pour refléter l’éventail complet des régimes de retraite gérés par ces institutions.

Les États membres peuvent notamment appliquer des dispositions en matière de placements similaires à celles prévues par la directive 2002/83/CE.

Toutefois, ils n’empêchent pas les institutions:

[...]

b) de placer jusqu’à 30 % des actifs représentatifs des provisions techniques dans des actifs libellés en monnaies autres que celles dans lesquelles sont exprimés les engagements;

[...]

6. Le paragraphe 5 ne préjuge pas du droit des États membres d’imposer, sur une base individuelle également, aux institutions établies sur leur territoire des règles de placement plus strictes justifiées du point de vue prudentiel, eu égard notamment aux engagements contractés par l’institution.»

La réglementation nationale

4 Sous réserve des adaptations liées aux régimes transitoires applicables aux personnes nées avant le 1er janvier 1949 et à celles nées entre le 1er janvier 1949 et le 31 décembre 1968, le régime des pensions de retraite, entré en vigueur en Pologne au 1er janvier 1999 en vertu de la loi relative au régime de sécurité sociale (Ustawa o systemie ubezpieczeń społecznych), du 13 octobre 1998, telle que modifiée (Dz. U de 2007, n° 11, position 74), repose sur trois piliers:

– Le premier pilier, obligatoire, est fondé sur le principe de répartition. Les pensions sont gérées et versées par le Zakład Ubezpieczeń Społecznych (institution de sécurité sociale, ci‑après le «ZUS»), entité publique disposant des ressources financières du Fundusz Ubezpieczeń Społecznych (Fonds d’assurance sociale).

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