A v B and C.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:687
Date10 September 2020
Docket NumberC-738/19
Celex Number62019CJ0738
CourtCourt of Justice (European Union)
62019CJ0738

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

10 septembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Annexe, point 1, sous e) – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Logement social – Obligation de résider et interdiction de sous-louer le bien – Article 3, paragraphes 1 et 3 – Article 4, paragraphe 1 – Appréciation du caractère éventuellement abusif des clauses pénales – Critères »

Dans l’affaire C‑738/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rechtbank Amsterdam (tribunal de première instance d’Amsterdam, Pays-Bas), par décision du 19 septembre 2019, parvenue à la Cour le 7 octobre 2019, dans la procédure

A

contre

B,

C,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, M. L. Bay Larsen et Mme C. Toader (rapporteure), juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour A, par Me M. Scheeper, advocaat,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme S. Šindelková, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’annexe, point 1, sous e), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A, en sa qualité de bailleur d’un logement social, à son locataire B et au sous-locataire C, au sujet notamment du paiement, d’une part, de la pénalité contractuelle pour violation de l’obligation de résider dans ce logement et l’interdiction de sous-location ainsi que, d’autre part, d’une somme correspondant au profit indûment tiré de la sous-location par B.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 1er de la directive 93/13 prévoit :

« 1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2. Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

4

Est considéré comme un professionnel, au sens de l’article 2 de cette directive, « toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée ».

5

L’article 3 de ladite directive dispose :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[...]

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

6

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »

7

L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

8

L’annexe de ladite directive est intitulée « Clauses visées à l’article 3, paragraphe 3 ». Le point 1, sous e), de celle-ci est rédigé en ces termes :

« Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[...]

e)

d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;

[...] »

Le droit néerlandais

9

En vertu de l’article 6:104 du Burgerlijk Wetboek (code civil), lorsqu’une personne, responsable envers une autre personne en raison d’un acte illicite ou d’un manquement à une obligation envers cette autre personne, a tiré un profit de cet acte ou de ce manquement, le juge peut, à la demande de cette autre personne, estimer le dommage à hauteur de ce profit ou d’une partie de celui-ci.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Par contrat prenant effet le 12 avril 2017, A, une fondation qui a en charge la location de logements sociaux, a consenti à B la prise à bail d’un logement social sis à Amsterdam (Pays-Bas), dont le loyer mensuel est actuellement de 648,96 euros (ci-après le « contrat en cause »).

11

Le contrat en cause est notamment soumis aux Algemene Voorwaarden Sociale Woonruimte van 1 november 2016 (conditions générales du logement social du 1er novembre 2016, ci-après les « conditions générales »). Ces dernières contiennent plusieurs clauses pénales relatives, notamment, à l’interdiction de sous-louer l’habitation, l’obligation d’occuper soi-même celle-ci et de la libérer entièrement à la fin du contrat. Selon la clause 7.14 des conditions générales, en cas de violation de l’interdiction de sous-louer l’habitation, le locataire est tenu au paiement, en faveur du bailleur, d’une pénalité directement exigible de 5000 euros, sans préjudice du droit de ce dernier de demander la réparation intégrale de son préjudice. Les conditions générales contiennent également une clause pénale générale, dite « résiduelle », applicable en cas de non-respect par le locataire de l’une de ses obligations contractuelles, lorsqu’aucune clause pénale spéciale ne s’applique.

12

À la suite d’un contrôle sur place, A a introduit une action devant la juridiction de renvoi, le Rechtbank Amsterdam (tribunal de première instance d’Amsterdam, Pays-Bas), tendant à la résolution du contrat en cause et l’expulsion tant du locataire, B, que du sous-locataire, C, et le paiement des loyers en retard ainsi que de la pénalité de 5000 euros, pour violation de l’interdiction de sous-location et la restitution du profit en résultant, dans la mesure où B a sous-loué le logement concerné moyennant un loyer plus élevé que celui qu’il était lui-même contractuellement tenu de s’acquitter.

13

La juridiction de renvoi a constaté que B n’a pas respecté l’obligation de résidence et l’interdiction de sous-location prévue dans les conditions générales, notamment la clause 7.14 de celles-ci.

14

Néanmoins, elle nourrit des doutes quant au caractère éventuellement abusif de la clause 7.14 des conditions générales, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et de son interprétation issue de l’arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283).

15

En effet, bien qu’elle soit d’avis que, considérée isolément, cette clause imposant une pénalité de 5000 euros en cas de manquement à l’interdiction de sous-location n’est pas abusive, dès lors qu’il s’agit d’un logement social, ladite juridiction se demande toutefois si, aux fins d’une telle appréciation, elle ne devrait pas prendre en compte l’ensemble des clauses pénales contenues dans le contrat en cause, ainsi que la Cour l’aurait précisé dans cet arrêt.

16

À cet égard, cette juridiction fait état du fait que, s’agissant du contrat en cause, seuls deux manquements contractuels, étroitement liés l’un à l’autre, sont avérés, à savoir une violation, d’une part, de l’obligation du locataire d’occuper personnellement le logement en tant que résidence principale et, d’autre part, de l’interdiction de le sous-louer. Cependant, par son action, A ne viserait qu’à obtenir le paiement de la pénalité prévue dans le contrat en cause du fait de la sous-location et sa demande tendant à ce que le profit réalisé par B lui soit restitué procéderait non pas du contrat, mais de l’article 6:104 du code civil.

17

Dans ces circonstances, le Rechtbank Amsterdam (tribunal de première instance d’Amsterdam) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1)

Comment la directive 93/13 et, plus particulièrement, le principe de l’effet cumulatif qui s’y trouve consacré doivent-ils être interprétés lors de l’appréciation du point de savoir si l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations (ici : une clause pénale) est d’un montant disproportionnellement élevé au sens du point 1, sous e), de l’annexe de ladite directive, dans une situation où les clauses pénales visent des manquements de différentes natures qui, par leur nature, ne sont pas nécessairement concomitants et qui, effectivement, ne le sont pas dans le cas concret ?

2)

Le fait que le manquement pour lequel la pénalité est réclamée donne aussi lieu à une...

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