X v Minister van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:536
Docket NumberC-302/12
Celex Number62012CC0302
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 September 2013
62012CC0302

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 5 septembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑302/12

X

contre

Minister van Financiën

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas)]

«Fiscalité — Taxe d’immatriculation des véhicules automobiles — Liberté d’établissement — Directive 83/182/CEE — Habitations et utilisation permanente d’un véhicule dans deux États membres»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle s’inscrit une fois de plus dans le contexte de la taxe néerlandaise sur les voitures de tourisme et les motos qui a occupé la Cour à plusieurs reprises ces dernières années ( 2 ).

2.

Cette taxe néerlandaise d’immatriculation des véhicules automobiles est réclamée dans la présente procédure à une citoyenne de l’Union qui a une habitation non seulement aux Pays-Bas mais aussi en Belgique et utilise son véhicule dans les deux États membres. Les deux États membres prétendent dès lors tous deux prélever leur propre taxe d’immatriculation des véhicules automobiles. Dans la présente procédure, il y a dès lors lieu de préciser la mesure dans laquelle ce double prélèvement d’une taxe d’immatriculation des véhicules automobiles doit se concilier avec le droit de l’Union.

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

3.

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 83/182/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables à l’intérieur de la Communauté en matière d’importation temporaire de certains moyens de transport ( 3 ), énonce sous le titre «Champ d’application»:

«Les États membres accordent, aux conditions fixées ci-après, lors de l’importation temporaire en provenance d’un État membre de véhicules routiers à moteur […] une franchise:

des taxes sur le chiffre d’affaires, des accises et de toute autre taxe à la consommation;

des taxes mentionnées en annexe.»

4.

Les franchises fiscales pour véhicules de tourisme sont régies par les articles 3 à 5 de la directive 83/182 et sont chacune fonction de la «résidence normale» du particulier qui importe le véhicule ou de l’utilisateur.

5.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 83/182 définit la résidence normale comme suit dans le passage qui nous intéresse:

«1. Pour l’application de la présente directive, on entend par ‘résidence normale’ le lieu où une personne demeure habituellement, c’est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d’attaches personnelles et professionnelles, ou, dans le cas d’une personne sans attaches professionnelles, en raison d’attaches personnelles, révélant des liens étroits entre elle-même et l’endroit où elle habite.

[…]»

B – Législation nationale

6.

Dans l’année litigieuse, le Royaume des Pays-Bas a prélevé une taxe d’immatriculation des voitures de tourisme et des motos au titre de la Wet op de belasting van personenauto’s en motorrijwielen 1992 (ci-après la «taxe VM»).

7.

Ainsi que la Cour l’a vu dans d’autres affaires ( 4 ), le fait générateur de la taxe VM est l’inscription d’une voiture de tourisme ou d’une moto dans le registre des immatriculations néerlandais ainsi que la mise en circulation sur le réseau routier néerlandais d’une voiture de tourisme ou d’une moto non immatriculée ou non immatriculée aux Pays-Bas lorsque ce véhicule est mis à la disposition d’une personne physique ou morale, résidant ou établie aux Pays-Bas.

III – Procédure au principal et procédure devant la Cour

8.

La procédure au principal a pour objet un avis d’imposition notifié à X au titre de la taxe VM d’un véhicule acquis et immatriculé en Belgique en 2004.

9.

X est une ressortissante belge qui a à la fois aux Pays-Bas et en Belgique une habitation qu’elle utilise alternativement en cours d’année. Elle exerce en plus une activité d’orthodontiste aux Pays-Bas.

10.

En 2006, les autorités fiscales néerlandaises ont constaté que X avait sa résidence aux Pays-Bas et conduisait sur le réseau routier néerlandais une voiture de tourisme qui n’était immatriculée qu’en Belgique. Elles ont alors réclamé à la redevable une taxe VM d’un montant de 17315 euros. Auparavant X avait déjà acquitté une taxe belge de 4957 euros pour inscrire son véhicule dans le registre des immatriculations en Belgique.

11.

X a contesté la taxe VM devant les autorités et juridictions néerlandaises. Le Hoge Raad der Nederlanden, à présent saisi du litige, considère, d’après les éléments de fait constatés, que X a une résidence à la fois aux Pays-Bas et en Belgique et utilise le véhicule en permanence dans les deux États membres. Dans ce contexte, il a saisi la Cour au titre de l’article 267 TFUE des questions suivantes:

«1. L’exercice des compétences fiscales par deux États membres, en particulier la perception d’une taxe d’immatriculation sur un véhicule à moteur, est-il illimité lorsqu’un citoyen de l’Union réside dans deux États membres conformément à des législations nationales et utilise effectivement à titre permanent dans ces deux États membres un véhicule à moteur dont il est propriétaire?

2. En cas de réponse négative à la première question, le principe de proportionnalité peut-il avoir un effet correcteur en matière de perception d’une taxe d’immatriculation dans un cas tel que celui de l’espèce et, dans l’affirmative, ce principe implique-t-il qu’un État membre ou les deux États membres doivent s’imposer des limites dans l’exercice de leurs compétences fiscales et de quelle manière?»

12.

Dans la procédure devant la Cour, des observations écrites ont été présentées par X, le Royaume des Pays-Bas, la République hellénique et la Commission européenne.

IV – Appréciation juridique

13.

Par ses deux questions, la juridiction de renvoi veut savoir en substance si le droit de l’Union s’oppose au prélèvement d’une taxe d’immatriculation des voitures au titre de la mise en circulation d’un véhicule par une citoyenne de l’Union réputée résider dans deux États membres au regard des réglementations nationales et qui utilise son véhicule à titre permanent dans les deux États membres, alors qu’il a déjà été immatriculé et taxé dans l’autre État membre.

14.

Bien que les questions n’indiquent pas les dispositions du droit de l’Union à interpréter, les motifs de la décision de renvoi montrent que la juridiction de renvoi cherche à connaître l’interprétation du droit primaire (point 2 plus bas). Nous estimons toutefois avec la Commission qu’il appartient aussi à la Cour d’examiner l’interprétation de la directive 83/182 (point 1 ci-dessous) pour donner à la juridiction de renvoi une réponse utile à la solution du litige ( 5 ).

1. Les franchises fiscales de la directive 83/182

15.

Il convient d’examiner tout d’abord si la requérante dans la procédure au principal ne peut pas bénéficier d’une franchise fiscale de la directive 83/182 pour la taxe VM.

a) Champ d’application

16.

Cela présuppose tout d’abord qu’une taxe d’immatriculation telle la taxe VM en cause ici relève bel et bien du champ d’application de la directive 83/182.

17.

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, cette directive trouve application aux taxes sur le chiffre d’affaires, accises et toute autre taxe à la consommation ainsi qu’aux taxes mentionnées dans l’annexe à la directive, alors que la taxe sur la valeur ajoutée mise en place par le droit de l’Union est exclue du champ d’application conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 91/680/CEE ( 6 ).

18.

L’annexe ne mentionne pour les Pays-Bas que la taxe sur les véhicules automobiles («Motorrijtuigenbelasting») de la loi relative à la taxe sur les véhicules automobiles (Wet op de Motorrijtuigenbelasting) du 21 juillet 1966, qui est une taxe annuelle distincte de la taxe VM ( 7 ).

19.

Si la taxe VM n’est pas une taxe sur le chiffre d’affaires au sens du droit de l’Union du simple fait qu’elle ne vise que les véhicules automobiles et n’a donc pas de portée générale ( 8 ), elle pourrait toutefois constituer une accise ou une autre taxe à la consommation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 83/182.

20.

Malheureusement, la directive ne définit pas ces notions et on n’en trouve, à ce jour, aucune définition dans la jurisprudence de la Cour.

21.

La notion de la taxe à la consommation ne peut pas se comprendre dans le contexte de la directive 83/182 en ce sens qu’elle ne concernerait que les taxes frappant des biens à consommer instantanément, c’est-à-dire non durables ( 9 ). La directive a en effet exclusivement pour objet des moyens de transport susceptibles d’être utilisés à titre permanent. On voit donc que des taxes prélevées en général directement sur un véhicule à la suite de son importation, parmi lesquelles peut en principe compter aussi une taxe d’immatriculation des véhicules ( 10 ), sont des taxes à la consommation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 83/182.

22.

Quand on se demande si une taxe de cette nature doit être considérée comme une taxe à la consommation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 83/182, on doit toutefois distinguer les différents faits générateurs d’une taxe d’immatriculation des véhicules. La présente taxe VM couvre en effet tant l’inscription d’un véhicule dans le registre des immatriculations que sa mise en circulation sur le réseau routier néerlandais sans immatriculation nationale. Lorsqu’une taxe d’immatriculation de véhicules automobiles se fonde sur la mise en circulation d’un véhicule sur le...

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