Opinion of Advocate General Kokott delivered on 23 December 2015.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:848
CourtCourt of Justice (European Union)
Date23 December 2015
Celex Number62014CC0358
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado
62014CC0358

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 23 décembre 2015 ( 1 )

Affaire C‑358/14

République de Pologne

contre

Parlement européen

et

Conseil de l’Union européenne

«Recours en annulation — Rapprochement des législations — Directive 2014/40/UE — Fabrication, présentation et vente des produits du tabac et des produits connexes — Cigarettes mentholées — Recours à l’article 114 TFUE comme base juridique — Principe de proportionnalité — Principe de subsidiarité»

I – Introduction

1.

Le législateur de l’Union pouvait-il interdire la vente des cigarettes mentholées sur le marché intérieur de l’Union européenne à compter du 20 mai 2020? Cette question particulièrement chargée d’affectivité ( 2 ) constitue en substance la question de droit que la République de Pologne soumet en l’espèce à l’appréciation de la Cour dans son recours en annulation de la directive 2014/40/UE ( 3 ). Ce recours s’inscrit dans une série de litiges suscités au fil des ans par les différentes réglementations de l’Union régissant la fabrication, la présentation et la vente sur le marché intérieur de l’Union des produits du tabac et des produits connexes ( 4 ).

2.

Contrairement aux affaires précédentes, le présent recours remet en cause non pas dans son principe, mais simplement au regard de certains aspects particuliers, l’aptitude de l’article 114 TFUE (anciennement article 95 CE ou article 100a du traité CEE) à servir de base légale à la nouvelle directive. Aussi la compétence législative ne revêt-elle plus désormais une importance aussi centrale qu’auparavant. Le point essentiel de la présente affaire consiste au contraire à déterminer si une interdiction à l’échelon de l’Union des cigarettes mentholées est compatible avec le principe de proportionnalité. Il s’agit par ailleurs de définir les exigences auxquelles le principe de subsidiarité soumet une réglementation comme celle en cause dans la présente affaire.

3.

Ces questions de droit, auxquelles s’attachent, selon toute apparence, des intérêts économiques considérables, notamment en Pologne, et qui ont une incidence quotidienne sur l’existence de millions de citoyens de l’Union, soulèvent en définitive la question absolument fondamentale de savoir quelle est la marge d’appréciation qui reste au législateur de l’Union pour garantir la possibilité de mettre sur le marché certains produits conformément à des règles uniformes à l’échelon de l’Union, sans que soit pour autant négligé l’objectif essentiel d’un niveau élevé de protection de la santé, consacré en bonne place par le droit primaire de l’Union [article 9 TFUE, article 114, paragraphe 3, TFUE, article 168, paragraphe 1, TFUE, et article 35, deuxième phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»)].

4.

Parallèlement au présent recours en annulation de la République de Pologne, la Cour est également saisie présentement de deux renvois préjudiciels en appréciation de validité de la Directive émanant d’une juridiction britannique. L’une de ces procédures ( 5 ) porte exclusivement sur les nouvelles dispositions de l’article 20 de la Directive applicables aux cigarettes électroniques; elle soulève des questions de droit liées aux principes de proportionnalité et de subsidiarité ainsi qu’aux droits fondamentaux de l’Union. Le second renvoi ( 6 ) vise un grand nombre de dispositions spécifiques de la Directive et porte notamment sur le choix de l’article 114 TFUE comme base juridique, sur les principes de subsidiarité, de proportionnalité et de sécurité juridique, sur des questions liées aux droits fondamentaux de l’Union ainsi que sur des problèmes soulevés en rapport avec les articles 290 TFUE et 291 TFUE par la délégation à la Commission européenne de compétences réglementaires et d’exécution. Nous concluons également aujourd’hui dans ces deux affaires.

II – Dispositions litigieuses de la Directive

5.

L’expression «arome caractérisant» désigne, aux termes de la définition donnée à l’article 2, point 25, de la Directive:

«une odeur ou un goût clairement identifiable autre que celle ou celui du tabac, provenant d’un additif ou d’une combinaison d’additifs, notamment à base de fruits, d’épices, de plantes aromatiques, d’alcool, de confiseries, de menthol ou de vanille (liste non exhaustive), et qui est identifiable avant ou pendant la consommation du produit du tabac».

6.

L’article 6 de la Directive, intitulé «Liste prioritaire d’additifs et obligations de déclaration renforcées», dispose que des obligations de déclaration renforcées s’appliquent à certains additifs contenus dans les cigarettes et le tabac à rouler figurant sur une liste prioritaire établie et actualisée par la Commission. L’article 6, paragraphe 2, de la Directive précise à cet égard:

«2. Les États membres exigent des fabricants et des importateurs de cigarettes ou de tabac à rouler contenant un additif figurant sur la liste prioritaire […] qu’ils réalisent des études approfondies visant à examiner, pour chaque additif, si celui‑ci:

[…]

b)

produit un arôme caractérisant;

[…]»

7.

L’article 7 de la Directive comporte une «Réglementation relative aux ingrédients» et prévoit notamment ce qui suit:

«1. Les États membres interdisent la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant.

Les États membres n’interdisent pas le recours aux additifs essentiels à la fabrication de produits du tabac […]

[…]

2. La Commission détermine, à la demande d’un État membre, ou peut déterminer, de sa propre initiative, au moyen d’actes d’exécution, si un produit du tabac relève du champ d’application du paragraphe 1. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 25, paragraphe 2.

3. La Commission adopte des actes d’exécution établissant des règles uniformes relatives aux procédures permettant de déterminer si un produit relève ou non du champ d’application du paragraphe 1. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 25, paragraphe 2.

4. Un panel consultatif indépendant est mis en place au niveau de l’Union. Les États membres et la Commission peuvent consulter ce panel avant d’adopter une mesure au titre des paragraphes 1 et 2 du présent article. La Commission adopte des actes d’exécution établissant les procédures pour la mise en place et le fonctionnement de ce panel.

Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 25, paragraphe 2.

5. Lorsque la teneur ou la concentration de certains additifs ou d’une combinaison d’additifs est telle qu’elle entraîne des interdictions conformément au paragraphe 1 du présent article dans au moins trois États membres, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués conformément à l’article 27 pour fixer des teneurs maximales applicables à ces additifs ou à cette combinaison d’additifs produisant l’arôme caractérisant.

[…]

7. Les États membres interdisent la mise sur le marché de produits du tabac contenant des arômes dans l’un de leurs composants tels que les filtres, le papier, le conditionnement et les capsules, ou tout dispositif technique permettant de modifier l’odeur ou le goût des produits du tabac concernés ou leur intensité de combustion. […]

[…]

12. Les produits du tabac autres que les cigarettes et le tabac à rouler sont exemptés des interdictions visées aux paragraphes 1 et 7. La Commission adopte des actes délégués conformément à l’article 27 pour retirer cette exemption pour une catégorie particulière de produits en cas d’évolution notable de la situation établie par un rapport de la Commission.

13. Les États membres et la Commission peuvent percevoir des redevances proportionnelles auprès des fabricants et des importateurs de produits du tabac pour évaluer si un produit du tabac contient un arôme caractérisant, si des additifs ou des arômes interdits sont utilisés […]

14. En ce qui concerne les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes à l’échelle de l’Union représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée, les dispositions du présent article s’appliquent à compter du 20 mai 2020.

[…]»

8.

S’agissant de la «Présentation du produit», l’article 13 de la Directive spécifie notamment:

«1. L’étiquetage des unités de conditionnement, tout emballage extérieur ainsi que le produit du tabac proprement dit ne peuvent comprendre aucun élément ou dispositif qui:

[…]

c)

évoque un goût, une odeur, tout arôme ou tout autre additif, ou l’absence de ceux-ci;

[…]»

III – Procédure et conclusions des parties

9.

Par requête déposée le 22 juillet 2014, la République de Pologne a introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE le présent recours en annulation contre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.

10.

Ont été admis à intervenir, au soutien des conclusions de la requérante, la Roumanie et, au soutien des conclusions des défendeurs, l’Irlande, la République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la Commission.

11.

La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’article 2, point 25, l’article 6, paragraphe 2, sous b), l’article 7, paragraphes 1 à 5, 7, première phrase, et 12 à 14, ainsi que l’article 13, paragraphe 1, sous c), de la Directive;

condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

12.

La Roumanie demande à la Cour d’annuler l’article 7, paragraphes 1 à 5, 7, première phrase, et 12 à 14, de la Directive.

13.

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