Littlewoods Retail Ltd and Others v Her Majesty’s Commissioners of Revenue and Customs.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:9
Docket NumberC-591/10
Celex Number62010CC0591
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 January 2012
62010CC0591

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME VERICA TRSTENJAK

présentées le 12 janvier 2012 ( 1 )

Affaire C‑591/10

Littlewoods Retail Ltd e.a.

contre

Her Majesty’s Commissioners of Revenue and Customs

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni)]

«Restitution de la taxe sur la valeur ajoutée perçue en violation du droit de l’Union — Taux d’intérêts — Intérêts simples — Intérêts composés — Autonomie procédurale des États membres — Principe d’effectivité — Principe d’équivalence»

I – Introduction

1.

Par la présente demande de décision préjudicielle de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), la Cour est saisie de quatre questions portant sur l’obligation découlant du droit de l’Union de restituer la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») perçue en violation du droit de l’Union. Ce faisant, la juridiction de renvoi s’interroge en particulier sur le point de savoir si, et, dans l’affirmative, dans quelle mesure, un État membre qui a perçu de la TVA en violation des dispositions du droit de l’Union en matière de TVA peut être également tenu, outre de restituer la somme principale, de payer des intérêts sur celle-ci.

II – Le cadre juridique

A – Le droit national

2.

La loi sur la taxe sur la valeur ajoutée de 1994 (Value Added Tax Act 1994, ci-après la «VATA 1994») contient les dispositions législatives nationales relatives à l’administration, la perception et la mise en œuvre de la TVA ainsi qu’aux recours devant une juridiction spécialisée.

3.

Si un assujetti paie un montant trop élevé de TVA, la section 80 de la VATA 1994 lui permet de déposer une réclamation auprès des Her Majesty’s Commissioners of Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») en vue de récupérer le montant trop payé. Pour ce qui nous intéresse dans la présente affaire, la section 80 de la VATA 1994 prévoit ce qui suit:

«Crédit pour TVA surévaluée ou trop payée ou remboursement de la TVA surévaluée ou trop payée

1.

Lorsqu’un assujetti

a)

a déposé une déclaration TVA auprès des Commissioners pour un exercice comptable donné (quelle que soit la date à laquelle il a pris fin), et

b)

ce faisant, a déclaré à titre de taxe en aval un montant qui n’était pas dû à titre de taxe en aval,

les Commissioners créditeront l’assujetti pour ce montant.

[…]

1B.

Lorsqu’une personne a, pour un exercice comptable donné (quelle que soit la date à laquelle il a pris fin), payé aux Commissioners à titre de TVA un montant qui ne leur était pas dû, autrement que du fait

a)

d’un montant qui n’était pas dû à titre de taxe en aval déclaré à titre de taxe en aval, ou

[…]

les Commissioners rembourseront à l’assujetti le montant ainsi payé.

2.

Les Commissioners ne créditeront ou ne rembourseront un montant au titre de la présente section que sur réclamation déposée à cette fin.

2A.

Lorsque

a)

du fait d’une réclamation au titre de la présente section, en vertu des sous-sections 1 ou 1A ci-dessus, un montant doit être crédité à un assujetti, et

b)

après compensation de toute somme au titre de la présente loi, tout ou une partie de ce montant reste porté au crédit de l’assujetti,

les Commissioners verseront (ou rembourseront) à cet assujetti la totalité du montant restant au crédit de celui-ci.

[…]

7.

Hormis les cas prévus par les dispositions de la présente section, les Commissioners ne créditeront ou ne rembourseront pas les montants déclarés ou payés à titre de TVA qui ne leur étaient pas dus à titre de TVA.»

4.

Lorsque la réclamation déposée au titre de la section 80 de la VATA 1994 est accueillie, l’assujetti peut également réclamer des intérêts sur les sommes trop payées, calculés conformément aux dispositions de la section 78 de la VATA 1994. Cette section 78 prévoit ce qui suit:

«Intérêts dans certains cas d’erreurs officielles

1.

Lorsque, du fait d’une erreur de la part des Commissioners, un assujetti a

a)

déclaré aux Commissioners un montant à titre de taxe en aval dont il n’était pas redevable à titre de taxe en aval, et que, de ce fait, les Commissioners sont tenus de lui verser (ou lui rembourser) un montant donné conformément à la section 80, 2A, ou

b)

n’a pas demandé à bénéficier d’un crédit au titre de la section 25 pour un montant pour lequel il était en droit de réclamer un tel crédit et que les Commissioners sont par conséquent tenus de lui verser, ou

c)

[autrement que dans un cas relevant des points a) ou b) ci-dessus] a payé aux Commissioners à titre de TVA un montant qui n’était pas dû à titre de TVA et que les Commissioners sont par conséquent tenus de lui rembourser; ou

d)

a subi un retard dans le versement d’un montant dû par les Commissioners en rapport avec la TVA,

les Commissioners, si et dans la mesure où ils ne sont pas tenus de le faire sans égard à la présente section, verseront des intérêts à cet assujetti sur le montant donné, pour la période concernée, sous réserve des dispositions suivantes de la présente section.

[…]

3.

Les intérêts qui doivent être versés conformément à la présente section le seront au taux applicable en vertu de la section 197 de la loi de finances de 1996 (Finance Act 1996).

[…]»

III – Les faits au principal et les questions préjudicielles

5.

Les parties requérantes au principal ont exercé, ou exercent, au Royaume-Uni des activités de vente à domicile sur catalogue dans le cadre desquelles elles distribuent des catalogues et vendent les produits illustrés dans lesdits catalogues au moyen de réseaux de personnes connues sous le nom d’«agents». Les agents reçoivent une commission sur les ventes réalisées par eux ou par leur intermédiaire (achats par des tiers), cette commission pouvant être prélevée en liquide, appliquée aux achats passés faits par les agents eux-mêmes ou (à un taux majoré) appliquée sur les achats futurs.

6.

Dans le litige au principal, il n’est pas contesté que, au cours de la période allant de l’année 1973 au mois d’octobre 2004, dans le cadre du calcul de la TVA tant selon le droit de l’Union que selon le droit national, les commissions sur achats par des tiers ont été traitées de manière erronée de sorte que, sur certaines livraisons, le montant imposable a été erronément fixé trop haut et que, en conséquence, un montant trop élevé de TVA a été payé.

7.

Depuis le mois d’octobre 2004, les Commissioners ont remboursé aux parties requérantes au principal la TVA trop payée à raison de 204774763 GBP conformément à la section 80 de la VATA 1994. En outre, les parties défenderesses au principal ont versé aux parties requérantes des intérêts simples à hauteur de 268159135 GBP conformément à la section 78 de la VATA 1994.

8.

Les parties requérantes au principal réclament le paiement d’autres sommes à hauteur d’environ un milliard de GBP. Selon elles, ce montant correspond à l’avantage dont a bénéficié le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord du fait de l’utilisation des montants en principal de taxe trop payée. À cet égard, par arrêt du 19 mai 2010, la juridiction de renvoi a décidé que, en vertu du droit national, et sans avoir égard au droit de l’Union, cette demande devrait être rejetée.

9.

Ayant des doutes quant à la conformité de ce résultat avec les exigences du droit de l’Union, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)

Lorsqu’un assujetti a payé un montant trop élevé de TVA, perçu par l’État membre en violation des exigences de la législation de l’Union en matière de TVA, le mode de réparation prévu par cet État membre est-il conforme au droit de l’Union si la réparation en question consiste en, d’une part, le remboursement des sommes principales trop payées et, d’autre part, des intérêts simples sur ces sommes conformément à la législation nationale, comme la section 78 de la [VATA] 1994?

2)

Si non, le droit de l’Union exige-t-il que le mode de réparation instauré par l’État membre prévoie, d’une part, le remboursement des sommes principales trop payées et, d’autre part, le paiement d’intérêts composés à titre d’équivalent de la valeur d’utilisation des sommes trop payées dans le chef de l’État membre et/ou de la perte de la valeur d’utilisation de la somme dans le chef de l’assujetti?

3)

Si les réponses tant à la première question qu’à la deuxième question sont négatives, que doit comporter le mode de réparation que le droit de l’Union exige de l’État membre qu’il prévoie, en plus du remboursement des sommes principales trop payées, eu égard à la valeur d’utilisation de la somme trop payée et/ou des intérêts?

4)

Si la réponse à la première question est négative, le principe de droit de l’Union de l’effectivité exige-t-il d’un État membre qu’il écarte l’application des restrictions de droit national (telles que les sections 78 et 80 de la [VATA] 1994) vis-à-vis des actions ou des modes de réparation quels qu’ils soient qui seraient, à défaut de ces restrictions, à la disposition de l’assujetti pour faire valoir le droit tiré du droit de l’Union établi dans la réponse de la Cour aux trois premières questions, ou suffit-il que la juridiction nationale écarte l’application de ces restrictions eu égard seulement à l’une de ces actions ou de ces modes de réparation?

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