A (C-148/13), B (C-149/13) and C (C-150/13) v Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2111
Docket NumberC-148/13,C-150/13
Celex Number62013CC0148
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 July 2014
62013CC0148

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 17 juillet 2014 ( 1 )

Affaires jointes C‑148/13 à C‑150/13

A (C‑148/13), B (C‑149/13), et C (C‑150/13)

contre

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie

[demande de décision préjudicielle formée par le Raad van State (Pays‑Bas)]

«Régime d’asile européen commun — Directive 2004/83/CE — Statut de réfugié — Directive 2005/85/CE — Évaluation des demandes de protection internationale — Évaluation des faits et des circonstances — Crédibilité des déclarations relatives à l’orientation sexuelle»

1.

Dans la présente demande de décision préjudicielle, le Raad van State, Afdeling bestuursrechtspraak (Pays-Bas) soulève une question d’ordre conceptuel, visant à savoir si le droit de l’Union limite l’action des États membres lors de l’évaluation d’une demande d’asile présentée par un demandeur qui craint d’être persécuté dans son pays d’origine en raison de son orientation sexuelle. Cette question donne lieu à des interrogations difficiles et délicates concernant, d’une part, les droits des personnes tels que l’identité personnelle et les droits fondamentaux et, d’autre part, la position des États membres lorsqu’ils appliquent des mesures d’harmonisation minimale, à savoir la directive 2004/83/CE relative aux conditions que doivent remplir les demandeurs d’asile ( 2 ) et la directive 2005/85/CE relative aux procédures d’asile ( 3 ), dans la collecte et le traitement des éléments de preuve relatifs aux demandes d’octroi du statut de réfugié. L’examen de ces interrogations fait naître d’autres questions. Les États membres sont-ils tenus d’accepter l’orientation sexuelle alléguée par un demandeur? Le droit de l’Union permet-il aux autorités compétentes des États membres d’examiner une orientation sexuelle alléguée, et comment ce processus devrait-il être mené d’une manière compatible avec les droits fondamentaux? Les demandes d’asile basées sur l’orientation sexuelle sont-elles différentes des demandes fondées sur d’autres motifs et des règles spéciales devraient-elle être appliquées lors de l’examen par les États membres de telles demandes?

Le droit international

La convention de Genève relative au statut des réfugiés

2.

L’article 1er, section A, paragraphe 2, premier alinéa, de la convention de Genève ( 4 ) dispose que le terme «réfugié» s’appliquera à toute personne «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays».

3.

L’article 3 prévoit que la convention sera appliquée d’une manière compatible avec le principe de non-discrimination.

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

4.

L’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 5 ) interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’article 8 garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. L’article 13 prévoit le droit à un recours effectif. L’article 14 interdit la discrimination ( 6 ). Le protocole no 7 à la CEDH prévoit certaines garanties procédurales en cas d’expulsion d’étrangers, notamment le droit de l’étranger de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion, le droit de faire examiner son cas et le droit de se faire représenter à ces fins.

Le droit de l’Union

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

5.

L’article 1er de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») ( 7 ) dispose que la dignité humaine est inviolable et doit être respectée et protégée. Conformément à l’article 3, paragraphe 1, toute personne a droit à son intégrité physique et mentale. L’article 3, paragraphe 2, premier tiret, dispose que, dans le cadre de la médecine et de la biologie, le consentement libre et éclairé de la personne concernée doit être obtenu, selon les modalités définies par la loi. L’article 4 correspond à l’article 3 de la CEDH. L’article 7 dispose que «[t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications». Le droit d’asile est garanti, dans le respect des règles de la convention de Genève et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, par l’article 18 de la Charte. La discrimination fondée, notamment, sur l’orientation sexuelle est interdite par l’article 21. L’article 41 de la Charte s’adresse aux institutions et garantit le droit à une bonne administration ( 8 ). L’article 52, paragraphe 1, dispose que toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi et respecter le principe de proportionnalité. Des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. L’article 52, paragraphe 3, prévoit que les droits consacrés par la Charte sont interprétés de manière cohérente avec les droits correspondants garantis par la CEDH.

Le régime d’asile européen commun

6.

Le régime d’asile européen commun (ci-après le «RAEC») a été initié après l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam au mois de mai 1999 et est fondé sur la mise en œuvre de la convention de Genève ( 9 ). Les mesures adoptées aux fins du RAEC respectent les droits fondamentaux ainsi que les principes reconnus par la Charte ( 10 ). Dans le traitement des personnes relevant du champ d’application de ces mesures, les États membres sont liés par leurs obligations aux termes des instruments de droit international qui interdisent la discrimination ( 11 ). L’objectif du RAEC est d’harmoniser le cadre juridique appliqué dans les États membres sur la base de normes minimales. Il est dans la nature même des normes minimales que les États membres puissent prévoir ou maintenir des conditions plus favorables ( 12 ). Le RAEC a mené à l’adoption d’un certain nombre de mesures ( 13 ).

La directive relative aux conditions

7.

La directive relative aux conditions vise à établir des normes minimales et des critères communs à tous les États membres pour la reconnaissance des réfugiés et le contenu du statut de réfugié, pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale, et pour une procédure d’asile équitable et efficace ( 14 ).

8.

L’article 2, sous c), de la directive dispose qu’on entend par «réfugié» tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 12.

9.

L’article 4 est intitulé «Évaluation des faits et circonstances». Il s’énonce comme suit:

«1. Les États membres peuvent considérer qu’il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Il appartient à l’État membre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande.

2. Les éléments visés au paragraphe 1 correspondent aux informations du demandeur et à tous les documents dont le demandeur dispose concernant son âge, son passé, y compris celui des parents à prendre en compte, son identité, sa ou ses nationalité(s), le ou les pays ainsi que le ou les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire, ses pièces d’identité et ses titres de voyage, ainsi que les raisons justifiant la demande de protection internationale.

3. Il convient de procéder à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants:

a)

tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués;

b)

les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécution ou d’atteintes graves;

c)

le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave;

d)

le fait que, depuis qu’il a quitté son pays d’origine, le demandeur a ou non exercé des activités dont le seul but ou le but principal était de créer les conditions nécessaires pour présenter une demande de protection internationale, pour déterminer si ces activités l’exposeraient à une persécution ou à une atteinte grave s’il retournait dans ce pays;

e)

le fait qu’il est raisonnable de penser que le demandeur pourrait se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il pourrait revendiquer la citoyenneté.

[…]

5. Lorsque les États membres appliquent le principe selon lequel il appartient au demandeur d’étayer sa...

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