Opinion of Advocate General Bobek delivered on 10 April 2018.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2018:226 |
Date | 10 April 2018 |
Celex Number | 62017CC0154 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-154/17 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MICHAL BOBEK
présentées le 10 avril 2018 ( 1 )
Affaire C‑154/17
SIA « E LATS »
en présence de :
Valsts ieņēmumu dienests
[demande de décision préjudicielle présentée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie)]
« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Notion de “biens d’occasion” – Notion de “métaux précieux ou pierres précieuses” »
I. Introduction
1. |
La SIA « E LATS » est un revendeur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La société accorde des prêts à des particuliers qui sont garantis par la mise en gage d’objets contenant des métaux précieux ou des pierres précieuses. Les objets mis en gage non réclamés sont revendus par la SIA « E LATS » à d’autres commerçants, en vue principalement d’en extraire les métaux précieux ou pierres précieuses. Ces commerçants sont assujettis à la TVA. |
2. |
La SIA « E LATS » a appliqué à ces opérations de revente un régime particulier de TVA concernant les biens d’occasion. L’administration fiscale compétente n’a, toutefois, pas admis que ledit régime particulier fût applicable. Elle a estimé que les biens revendus par la SIA « E LATS » n’étaient pas des biens d’occasion au sens de la réglementation fiscale applicable. En conséquence, elle a enjoint à la SIA « E LATS » de payer un supplément de TVA. |
3. |
C’est dans ce contexte que l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie) a demandé à la Cour d’interpréter la disposition de la directive 2006/112/CE ( 2 ) (ci‑après « la directive TVA ») qui régit spécifiquement la TVA applicable aux biens d’occasion. En particulier, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la portée de l’exception relative aux « métaux précieux ou pierres précieuses » figurant dans la définition des « biens d’occasion ». Elle demande aussi si la portée de cette exception est influencée par certaines des caractéristiques de l’opération de revente. |
II. Cadre juridique
A. La directive TVA
4. |
Le considérant 51 de la directive indique qu’« [i]l convient d’arrêter un régime communautaire de taxation applicable dans le domaine des biens d’occasion, des objets d’art, d’antiquité et de collection, visant à éviter les doubles impositions et les distorsions de concurrence entre assujettis ». |
5. |
Le chapitre 4 du titre XII de la directive TVA contient des règles au titre des régimes particuliers applicables dans le domaine des biens d’occasion, des objets d’art, de collection ou d’antiquité. Plus précisément, l’article 311 de la directive dispose : « 1. Aux fins du présent chapitre, et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, sont considérés comme :
[…] » |
B. Le droit letton
6. |
L’article 138 de la Pievienotās vērtības nodokļa likums (loi sur la TVA) prévoit qu’un régime particulier de TVA s’applique aux opérations portant sur des biens d’occasion, des objets d’art, de collection et d’antiquité. Selon la décision de renvoi, cette disposition met en œuvre notamment l’article 311 de la directive TVA. |
7. |
D’autres dispositions de droit national sont, d’après la décision de renvoi, applicables, à savoir les articles 183 et 184 du Ministru kabineta 2013. gada 3. janvāra noteikumi Nr. 17 « Pievienotās vērtības nodokļa likuma normu piemērošanas kārtība un atsevišķas prasības pievienotās vērtības nodokļa maksāšanai un administrēšanai » (règlement no 17 du conseil des ministres, du 3 janvier 2013, sur la procédure d’application des dispositions de la loi sur la TVA et certaines conditions relatives au paiement et à l’administration de la TVA, ci‑après « le règlement no 17 »). L’article 183 dudit règlement définit les biens d’occasion comme des biens corporels qui ont été utilisés et sont susceptibles d’un remploi du même type, en l’état ou après réparation, et qui ne sont pas des objets d’art, de collection ou d’antiquité. L’article 184 du même règlement exclut de la notion de « biens d’occasion » les pierres précieuses et métaux précieux, mais prévoit aussi que les objets contenant des métaux précieux ou pierres précieuses relèvent de cette notion s’il s’agit d’ouvrages livrés ou cédés par le vendeur visé à l’article 138 de la loi sur la TVA en vue de leur vente. En outre, la deuxième phrase de l’article 184 prévoit que sont considérés comme des objets contenant des métaux précieux ou pierres précieuses les objets qui correspondent aux articles visés aux chapitres 71, 82, 83, 90 et 96 de la nomenclature combinée. |
III. Les faits, la procédure au principal et les questions posées
8. |
La SIA « E LATS » (ci-après « la partie requérante ») est un revendeur assujetti à la TVA. Elle accorde des prêts à des particuliers qui, d’après la décision de renvoi, ne sont pas tenus au paiement de la TVA. En vue de l’octroi des prêts, elle accepte en gage des objets contenant des métaux précieux ou des pierres précieuses, tels que des chaînes, pendentifs, bagues, alliances, cuillères et produits dentaires. |
9. |
La partie requérante revend les objets mis en gage non réclamés à d’autres commerçants, eux aussi assujettis à la TVA. Les biens sont classés selon le métal qu’ils contiennent et selon le degré de pureté de celui-ci. Ils sont revendus au poids aux fins d’en extraire les métaux précieux ou pierres précieuses (ci-après « les opérations en cause »). |
10. |
La partie requérante a appliqué aux opérations en cause le régime particulier de TVA relatif aux biens d’occasion conformément à l’article 138 de la loi sur la TVA. |
11. |
Le Valsts ieņēmumu dienests (administration fiscale, Lettonie) a estimé que les biens revendus par la partie requérante constituaient des déchets : il ne s’agissait pas de biens d’occasion et, partant, le régime particulier de TVA relatif aux biens d’occasion n’était pas applicable. En conséquence, l’administration fiscale a rendu une décision enjoignant à la partie requérante de payer un supplément de TVA. |
12. |
La partie requérante a introduit une demande en annulation de cette décision. L’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie) a rejeté le recours au motif que la partie requérante avait appliqué l’article 138 de la loi sur la TVA aux opérations en cause de manière incorrecte. Elle a jugé que les articles d’or, d’argent ou garnis de pierres précieuses avaient été vendus en tant que déchets et non comme biens d’occasion. |
13. |
L’affaire est maintenant pendante devant l’Augstākā tiesa (Cour suprême), c’est-à-dire la juridiction de renvoi. Celle-ci a estimé que le régime particulier applicable aux biens définis à l’article 311, paragraphe 1, point 1, de la directive TVA pouvait être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à des biens contenant des métaux précieux ou pierres précieuses qui sont vendus non pas comme biens d’occasion mais uniquement en vue d’obtenir les métaux précieux ou les pierres précieuses qu’ils contiennent. La juridiction de renvoi est d’avis que de tels biens ne sont pas des « biens d’occasion » mais des « métaux précieux ou pierres précieuses ». Elle estime également que l’article 311, paragraphe 1, point 1, de la directive TVA ne laisse pas de marge d’appréciation aux États membres à cet égard. |
14. |
C’est dans ces circonstances que l’Augstākā tiesa (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :
|
15. |
Des observations écrites ont été présentées par le gouvernement letton et par la Commission européenne. Le gouvernement letton et la Commission ont également, de même que la partie requérante, formulé des observations à l’audience qui s’est tenue le 25 janvier 2018. |
IV. Appréciation
16. |
Les présentes conclusions sont structurées de la manière suivante. En premier lieu, j’exposerai la portée de la notion de « biens d’occasion » telle que définie à l’article 311, paragraphe 1, point 1, de la directive TVA, ainsi que la logique qui sous-tend cette notion (chapitre A). En deuxième lieu, j’aborderai l’exception prévue par cette définition pour les métaux précieux et pierres précieuses, et tenterai de cerner l’objectif et la logique de celle-ci (chapitre B). Sur la base de ces deux considérations générales, je m’efforcerai ensuite de fournir quelques orientations concernant les circonstances à prendre en compte afin de déterminer si les biens en cause peuvent être qualifiés de biens d’occasion (chapitre C). |
A. La notion de « biens d’occasion »
17. |
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