Opinion of Advocate General Bobek delivered on 19 March 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:226
Date19 March 2019
Celex Number62018CC0071
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-71/18
62018CC0071

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 19 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑71/18

Skatteministeriet

contre

KPC Herning

[demande de décision préjudicielle formée par le Vestre Landsret (cour d’appel de la région Ouest, Danemark)]

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Livraison d’un terrain occupé par un bâtiment devant être partiellement démoli et à l’emplacement duquel doit être érigée une nouvelle construction – Article 12 de la directive 2006/112/CEArticle 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112 – Exonération de TVA – Intention des parties – Appréciation objective – Notion de “bâtiment” »

1.

La cession d’un bien immeuble supportant un bâtiment constitue‑t-elle une opération exonérée de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) conformément à l’article 12 et à l’article 135, paragraphe 1, sous j) et k), de la directive 2006/112/CE ( 2 ) (ci-après la « directive TVA ») lorsque l’intention claire des parties était, dès le moment de la cession, que l’acheteur ou un acquéreur ultérieur du bien démolisse le bâtiment existant afin de construire un nouveau bâtiment ?

2.

Telle est, en résumé, la question dont la Cour a été saisie par le Vestre Landsret (cour d’appel de la région Ouest, Danemark). La question de principe plus générale soulevée par la présente affaire est celle du rôle de l’intention des parties dans le cadre de la qualification d’une opération aux fins de la directive TVA.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

L’article 12 de la directive TVA dispose :

« 1. Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes :

a)

la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation ;

b)

la livraison d’un terrain à bâtir.

2. Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme “bâtiment” toute construction incorporée au sol.

[…]

3. Aux fins du paragraphe 1, point b), sont considérés comme “terrains à bâtir” les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les États membres. »

4.

L’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[…]

j)

les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, point a) ;

k)

les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l’article 12, paragraphe 1, point b) ;

[…] »

B. Le droit danois

5.

L’article 13, paragraphe 1, point 9, et paragraphe 3, du lovbekendtgørelse nr. 760 af 21 juni 2016 om merværdiafgift (loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée publiée, dans sa version codifiée, sous le no 760 le 21 juin 2016, ci-après la « loi sur la TVA ») dispose :

« 1. Les biens et services suivants sont exonérés de la taxe :

[…]

9)

la livraison d’un bien immeuble. Sont toutefois exclues de l’exonération :

a)

la livraison d’un nouveau bâtiment ou d’un nouveau bâtiment et du sol y attenant ;

b)

la livraison d’un terrain à bâtir, qu’il soit aménagé ou non, et, en particulier, la livraison d’un terrain bâti.

[…]

3. Le ministre des Impôts peut établir des règles détaillées relatives à la délimitation de la notion de “bien immeuble” au sens du paragraphe 1, point 9. »

6.

L’article 54, paragraphe 1, du bekendtgørelse nr. 808 af 30. juni 2015 om merværdiafgift (règlement no 808, du 30 juin 2015, relatif à la taxe sur la valeur ajoutée, ci-après le « règlement sur la TVA ») prévoit :

« La notion de “bâtiment” visée à l’article 13, paragraphe 1, point 9, sous a), de la loi sur la TVA s’entend des constructions incorporées au sol qui sont achevées pour l’usage auquel elles sont destinées. La livraison de parties d’un tel bâtiment est également réputée être une livraison d’un bâtiment. »

7.

L’article 56, paragraphe 1, du règlement sur la TVA prévoit :

« La notion de “terrain à bâtir” visée à l’article 13, paragraphe 1, point 9, sous b), de la loi sur la TVA s’entend d’un terrain non bâti, qui est affecté, en vertu de la loi sur l’aménagement du territoire ou de dispositions adoptées conformément à celle-ci, à des usages qui permettent la construction de bâtiments au sens de l’article 54 du présent règlement. »

8.

La section 2.2 du Skatteministeriets vejledning om moms på salg af nye bygninger og byggegrunde (instruction du ministère des Impôts relative à la TVA sur la vente de nouveaux bâtiments et de terrains à bâtir) énonce :

« La livraison de bâtiments et du terrain y attenant n’est pas soumise à la TVA lorsqu’il ne s’agit pas de nouveaux bâtiments.

Si la livraison est effectuée en vue de la construction d’un nouveau bâtiment, la livraison doit cependant être considérée comme la livraison d’un terrain à bâtir.

[…]

S’il est convenu que le bâtiment sera démoli par le vendeur ou s’il ressort du contrat de vente que les bâtiments sont acquis en vue de leur démolition par l’acheteur, il s’agit de la vente d’un terrain à bâtir.

Dans les autres cas, l’intention de l’acheteur ne saurait revêtir une importance décisive aux fins de l’appréciation du point de savoir s’il y a livraison d’un terrain à bâtir.

Les critères qui peuvent être pris en considération, à titre isolé ou combiné, pour trancher le point de savoir si l’on se trouve en présence de la livraison d’un terrain à bâtir peuvent être, par exemple, le prix fixé dans le contrat de vente en comparaison avec la valeur normale de biens similaires, la nature de la construction (“remise”), le non-raccordement aux services publics/commerciaux, l’utilisation antérieure du bien et la nature de la construction (par exemple “grange” pour le stockage et qui ne remplit pas des conditions tout à fait fondamentales de l’utilisation future).

S’il y a lieu de conclure que la livraison a été effectuée en vue de la construction d’un nouveau bâtiment, la livraison doit être considérée comme la livraison d’un terrain à bâtir.

[…] »

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et la question préjudicielle

9.

Au mois d’avril 2012, le conseil municipal d’Odense (Danemark) a adopté un plan local d’urbanisme afférent à un secteur du port qui comprend notamment le bien immeuble appelé Finlandkaj 12 (ci-après le « bien en cause »). Il ressortait notamment du plan d’urbanisme que l’entrepôt situé sur le bien en cause devait être conservé dans la mesure du possible.

10.

À partir du mois de mai 2013, KPC Herning A/S (une entreprise danoise de promotion immobilière et de construction, ci-après « KPC ») et Boligforeningen Kristiansdal (organisme danois d’habitations à loyer modéré) ont travaillé ensemble sur un projet de réalisation de logements pour jeunes dans le port d’Odense. Le projet a été développé en collaboration avec la municipalité d’Odense et le Port d’Odense.

11.

Au mois de juillet 2013, une proposition d’addendum au plan d’urbanisme a été élaborée afin d’autoriser la réalisation de logements à l’intérieur du périmètre de l’entrepôt existant sur le bien en cause. Selon cet addendum, qui a été adopté par le conseil municipal d’Odense le 4 décembre 2013, la partie médiane du pignon est de l’entrepôt devait être conservée.

12.

Au mois de novembre 2013 – après la diffusion pour consultation de la proposition d’addendum au plan d’urbanisme, mais avant son adoption formelle – KPC a acheté le bien en cause au Port d’Odense sous réserve de certaines conditions (ci-après la « première vente du bien en cause »). Les parties ont supposé que l’opération n’était pas soumise à la TVA mais, s’il devait s’avérer que l’opération était imposable, la TVA éventuelle devrait, selon le contrat, être acquittée par KPC. Le contrat de vente était notamment subordonné à la condition que KPC conclue un contrat avec un organisme d’habitations à loyer modéré en vue de la réalisation sur le bien d’un projet de construction de logements pour jeunes et à la condition que la municipalité d’Odense adopte un plan d’urbanisme final autorisant le projet en question.

13.

Le 5 décembre 2013, KPC a conclu trois contrats avec Boligforeningen Kristiansdal. Il s’agissait i) d’un contrat-cadre conditionnel relatif à la vente du bien, l’entrepôt existant compris, (ci‑après la « revente du bien en cause ») et à la transformation ultérieure de celui-ci en logements sociaux pour jeunes, ii) d’un contrat de vente conditionnel relatif à la vente du bien en cause et iii) d’un contrat clé en main lié à la transformation du bien en cause.

14.

Le contrat-cadre conditionnel prévoyait qu’il constituait, ensemble avec les deux autres contrats, un cadre contractuel global formant un tout d’un point de vue contractuel. Le contrat-cadre indiquait, d’une part, que Boligforeningen Kristiansdal se proposait d’acquérir le bien pour le transformer, en qualité de maître d’ouvrage et d’exploitant, en logements sociaux qu’il louerait et gérerait par la suite et, d’autre part, que KPC se réservait le droit, à titre de condition de la vente du bien, d’assurer, en qualité d’entrepreneur, la conception et la transformation du bien en logements sociaux. Le contrat-cadre était notamment subordonné à la condition que KPC achète finalement le bien au Port d’Odense.

15.

Le contrat de vente conditionnel stipulait que le prix de vente était considéré comme exonéré de TVA, étant donné que la cession portait...

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