Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 17 January 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:15
Date17 January 2018
Celex Number62016CC0650
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-650/16
62016CC0650

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 17 janvier 2018 ( 1 )

Affaire C‑650/16

A/S Bevola,

Jens W. Trock ApS

contre

Skatteministeriet

[demande de décision préjudicielle formée par l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark)]

« Renvoi préjudiciel – Impôt sur les sociétés – Liberté d’établissement – Groupes consolidés – Législation fiscale permettant à une société résidente de déduire de sa base imposable les pertes des établissements stables résidents, mais excluant cette possibilité pour les non-résidents, sauf en cas d’option pour le régime d’intégration fiscale internationale »

1.

Douze ans après l’arrêt Marks & Spencer ( 2 ), la Cour est à nouveau saisie d’un litige en matière d’impôt sur les sociétés. En l’espèce, la juridiction de renvoi lui demande si, « dans des conditions correspondant à celles énoncées » dans cet arrêt, l’article 49 du traité FUE s’oppose à une réglementation nationale interdisant à une société danoise de déduire les pertes d’un établissement stable situé dans un autre État membre, à moins d’opter pour le régime d’« intégration fiscale internationale ».

2.

Le renvoi préjudiciel présenté en ces termes soulève, à mon avis, trois questions que la Cour doit résoudre : a) celle de savoir si elle maintient l’« exception Marks & Spencer » ; b) si, dans ce cas, elle considère que cette exception est applicable aux pertes des établissements stables et non uniquement à celles des filiales ; et c) si le régime prévu par la législation danoise pour permettre aux sociétés résidentes de déduire les pertes de leurs établissements stables non-résidents (à savoir l’intégration fiscale internationale) est compatible avec le droit de l’Union lorsque ces pertes sont définitives.

I. Le cadre juridique danois : la loi relative à l’impôt sur les sociétés

3.

L’article 8, paragraphe 2, est rédigé comme suit :

« Le revenu imposable ne comprend pas les recettes et dépenses attribuables à un établissement stable ou un bien immobilier situé dans un pays étranger, aux Îles Féroé ou au Groenland, sous réserve de ce qui est prévu à l’article 31 A […] »

4.

Aux termes de l’article 31 (concernant l’« intégration fiscale nationale » des activités au Danemark de sociétés appartenant à un même groupe, y compris les recettes provenant d’établissements stables ou de biens immobiliers danois de sociétés étrangères) :

« 1) Les sociétés, associations et autres entités faisant partie d’un même groupe […] font l’objet d’une imposition commune (intégration fiscale nationale). Par “sociétés, associations et autres entités faisant partie d’un même groupe”, il faut entendre des sociétés, associations et autres entités qui font partie d’un même groupe à un moment quelconque de l’exercice (voir article 31 C). Pour l’application des paragraphes 2 à 7, les biens immobiliers sont assimilés à des établissements stables. Par société “mère ultime”, il faut entendre la société qui est une société mère sans être elle-même une filiale (voir article 31 C).

2) Pour les sociétés fiscalement intégrées, il est déterminé un revenu commun consistant dans la somme des revenus imposables de chacune d’elles, déterminés conformément aux règles générales de la législation fiscale, sous réserve des exceptions applicables aux sociétés fiscalement intégrées. Une perte subie par un établissement stable ne peut être imputée sur le revenu d’autres sociétés que si les règles applicables dans le pays étranger, aux Îles Féroé ou au Groenland, où la société est établie, ne permettent pas de prendre une perte en compte dans le calcul du revenu de la société dans le pays étranger, aux Îles Féroé ou au Groenland, où la société est établie, ou si l’intégration fiscale internationale a été choisie en vertu de l’article 31 A. Le revenu commun est calculé après que les pertes reportables des exercices antérieurs ont, dans chaque société, été imputées. Si le revenu commun est positif, le bénéfice est réparti proportionnellement entre les sociétés qui l’ont généré. Si le revenu commun d’un exercice est négatif, la perte est répartie proportionnellement entre les sociétés qui l’ont générée et reportée à la société concernée à des fins d’imputation pour les exercices ultérieurs. Les pertes d’une société relatives à des périodes antérieures à l’intégration fiscale ne peuvent être imputées que sur le bénéfice de la société concernée. Lorsque des pertes sont reportées, les plus anciennes sont imputées les premières. Une perte d’une société relative à un exercice antérieur ne peut être imputée sur le bénéfice d’une autre société que si elle est née au cours d’un exercice pendant lequel les sociétés concernées ont été imposées dans le cadre de l’intégration fiscale et que cette dernière n’a pas été interrompue par la suite.

[…]

4) En cas d’intégration fiscale nationale, la société mère ultime participant audit régime d’intégration fiscale est désignée comme société de gestion de l’intégration fiscale. Si la société mère ultime n’est pas contribuable au Danemark mais que plusieurs sociétés sœurs le sont, l’une de celles-ci est, pour peu qu’elle participe au régime d’intégration fiscale, désignée comme société de gestion. […] La société de gestion effectue le paiement de l’impôt commun sur le revenu. […]

5) Toutes les sociétés participant au régime d’intégration fiscale doivent établir le revenu imposable sur une période identique à celle retenue par la société de gestion, abstraction faite de l’exercice comptable défini par les règles en matière de droit des sociétés (voir article 10, paragraphe 5).

[…]

7) Lors de l’établissement du revenu imposable, une société participant au régime d’intégration fiscale peut choisir de ne pas tenir compte des pertes, y compris des pertes reportées d’exercices précédents. Il est possible de ne pas tenir compte des pertes correspondant au revenu imposable d’un établissement stable ou d’une filiale établi au Danemark et participant au régime d’intégration fiscale lorsque le revenu de l’établissement stable ou de la filiale, selon le cas, est inclus dans l’établissement du revenu à l’étranger. Une condition à cet effet est que le dégrèvement accordé par le pays concerné en considération de l’impôt danois concorde avec la méthode de dégrèvement prévue à l’article 33 de la loi relative à l’établissement de l’impôt d’État sur les revenus. En revanche, le montant dont il n’est pas tenu compte est reporté à des exercices postérieurs en conformité avec les règles de l’article 15 de la loi relative à l’établissement de l’impôt d’État sur les revenus. Si le montant qu’on a renoncé à prendre en compte est inférieur à la somme des pertes, il est réparti proportionnellement entre chacune des sources de pertes. »

5.

L’article 31 A, paragraphe 1, première à troisième phrases (concernant l’« intégration fiscale internationale », laquelle vise également les activités de sociétés aussi bien danoises qu’étrangères appartenant au même groupe, ou de leurs établissements stables), dispose :

« La société mère ultime peut décider que l’imposition commune des sociétés, associations et autres entités du même groupe qui participent au régime d’intégration fiscale en vertu de l’article 31 s’appliquera également aux sociétés, associations et autres entités étrangères du même groupe dans lesquelles aucun des propriétaires de parts ne répond personnellement des obligations de la société et qui répartissent le bénéfice proportionnellement au capital injecté par les propriétaires de parts (intégration fiscale internationale). La décision s’étend également à tous les établissements stables et biens immobiliers situés à l’étranger et appartenant aux sociétés, associations et autres entités danoises et étrangères participant au régime d’intégration fiscale. Les dispositions de l’article 31 concernant l’intégration fiscale nationale sont applicables mutatis mutandis en cas d’intégration fiscale internationale, sous réserve des dispositions additionnelles et dérogatoires figurant aux paragraphes 2 à 14 […] »

6.

L’article 31 A, paragraphe 3, troisième et sixième phrases, est rédigé comme suit :

« Le choix de l’intégration fiscale internationale est contraignant pour la société mère pendant une période de dix ans, sous réserve de ce qui est prévu aux sixième et septième phrases. […] La société mère ultime peut décider d’interrompre la période d’application obligatoire du régime avec pour conséquence une réintégration intégrale dans le revenu imposable (voir paragraphe 11). »

II. Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

7.

A/S Bevola est une société résidente au Danemark qui crée des plateformes de produits destinées à la fabrication de camions, de remorques et d’équipements accessoires. Elle est la filiale et la sous‑filiale d’autres sociétés, également danoises, contrôlées par Jens W. Trock ApS, société mère du groupe, également résidente au Danemark.

8.

Au cours de l’exercice fiscal de 2009, A/S Bevola avait des filiales et des établissements stables dans plusieurs États membres de l’Union européenne. Elle possédait, en particulier, un établissement stable en Finlande.

9.

Celui-ci a cessé son activité en 2009 et ses pertes, qui s’élevaient à 2,8 millions de DKK, n’ont pu être imputées en Finlande. Dans ces conditions, A/S Bevola a demandé leur déduction de la base imposable à l’impôt sur les sociétés au Danemark.

10.

Le 20 janvier 2014, dans une décision définitive de la Landsskatteretten (commission d’appel en matière fiscale, Danemark), l’administration danoise a considéré qu’A/S Benevola n’avait aucun droit à déduction dans la mesure où l’article 8, paragraphe 2, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (telle que modifiée par la loi no 426 du...

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